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Races ovines
La caussenarde des garrigues, une race rustique, bonne marcheuse, prolifique et maternelle

Habituée aux transhumances languedociennes, la Caussenarde des garrigues s´adapte au parc et demeure productive. Très maternelle, elle devrait conquérir de nouveaux éleveurs.


Utilisée depuis des siècles pour transhumer des garrigues de Nîmes et Montpellier via les drailles du Languedoc jusqu´aux monts d´Ardèche, la Margeride, l´Aubrac, voire le Cantal en cas de sécheresse, la Caussenarde est élevée par les domaines religieux, puis par les grands propriétaires de vignobles. Ses ancêtres : des brebis blanches, cornues et pesant adultes, 13 kilos en 1760. Au XIXe siècle, la reconstitution du vignoble après le phylloxéra, le surpâturage, la fermeture de l´écosystème des garrigues après 1950, puis la brucellose, ont grevé la pratique de la transhumance. De 240 000 têtes en 1934, le cheptel caussenard avec les minuscules troupeaux cévenols et les grands cheptels des garrigues passe à 115 000 têtes vers 1960 pour le Gard et à 70 000 pour l´Hérault. Des croisements en Lacaune et Blanc de Lozère débutent vers 1957, suivis vingt ans après par des infusions de Tarasconnaise.
Les traits dominants de la race sont un instinct grégaire très poussé, son habitude à marcher en permanence, même en mangeant, et surtout le désaisonnement : une lutte naturelle d´avril voit plus de 90 % de brebis remplir en quatre semaines seulement ..

La prolificité, comme chez la Rouge du Roussillon, est surtout une variable d´ajustement : plus de 150 en système herbager avec lutte sur prairies mais moins de 120 en système de garde et lutte sur parcours. En revanche, la valeur laitière est très hétérogène et reste donc à travailler.
Pour les autres qualités d´élevage, c´est une brebis de rêve : maternelle, calme, sans problèmes de mammites et agnelant facilement. Si c´est la brebis idéale des milieux difficiles, des grands espaces et des grands troupeaux ; elle est tout aussi bien adaptée à une conduite sédentaire, en parc ou sur parcours.
Pour la commercialisation, deux marchés bien précis : l´agneau léger d´une vingtaine de kilos, né début septembre (au retour de transhumance) et vendu dès la Toussaint à l´export ou aux engraisseurs du bassin de Roquefort ; ou l´agneau lourd en circuit court.

Un standard bien particulier
Silhouette élancée, robe d´un blanc très pur, dit « crayeux », toison courte et peu étendue, quasiment en carapace, tête légèrement busquée, oreilles très courtes : la Caussenarde des garrigues ne ressemble pas du tout à ses « cousines » Blanche du Massif central, Lacaune ou Préalpes. Si les cornes n´ont jamais été dominantes, actuellement, dans un souci de s´écarter des influences tarasconnaises, les éleveurs conservent en grande majorité les animaux « moudes »(1).
Le bélier est particulièrement actif en lutte naturelle d´avril. ©D. R.

Programme de conservation à redynamiser
Une tentative de relance, concrétisée par la création d´un syndicat de race en 1980, n´aura pas de suite. Puis, en 1981, un syndicat des éleveurs de Raïoles se crée, qui maintiendra un effectif d´environ 1500 brebis chez une dizaine d´éleveurs. Enfin, en 1994, sous l´impulsion du Parc naturel régional des Grands Causses, une action similaire est entreprise pour la Caussenarde des garrigues. Une association est alors créée, qui regroupe ces deux races, ainsi que la Rouge du Roussillon.
Dans un premier temps, l´action va réussir à fédérer jusqu´à six éleveurs et près de 3000 brebis Caussenarde. Une aide complémentaire du Parc national des Cévennes permet de stimuler la reconstitution de lots d´agnelles conformes au type traditionnel, notamment non cornues pour se démarquer des infusions tarasconnaises. Une douzaine de béliers ont leur semence congelée, et 1100 doses prennent le chemin de la Cryobanque nationale.

En revanche, le fonctionnement du centre de béliers collectif restera beaucoup plus difficile à réaliser chez les Caussenards qu´avec les Rouges. Trois raisons principales à cela : les grands troupeaux caussenards fonctionnaient surtout en auto-renouvellement, sachant que le nombre de béliers mis en lutte les préservait de la consanguinité. Vendre les plus jolis agneaux au profit du groupe, sans avoir l´assurance de les récupérer, les heurtait particulièrement. Devoir mettre en lutte un mâle jeune, puis le réformer encore très jeune bouleversait également leurs habitudes. Moins d´une centaine de béliers a donc été diffusée à ce jour par le canal du Centre. Les bergers restant sceptiques quant à la nécessité d´une action collective, quatre d´entre eux, représentant 2000 brebis au total, ont quitté l´association récemment, laquelle ne représente plus aujourd´hui qu´un petit tiers de la population.
En revanche, la mise en place du programme tremblante a été effective et efficace dès 2001, un des troupeaux ayant présenté des antécédents. La fréquence de l´allèle ARR approche désormais les 60 %.
Maternelle, d´agnelage facile, la brebis Caussenarde peut encore améliorer sa valeur laitière. ©D. R.

Perspectives
Il est difficile de prévoir l´avenir de cette race, très liée à celle de la transhumance en Languedoc dont le futur est également opaque. Parmi les points positifs, relevons que les gros problèmes sanitaires, brucellose et tremblante, appartiennent désormais au passé et que la transhumance a retrouvé ses lettres de noblesse. Ensuite, le débouché est là : les communautés d´origine maghrébine, notamment, très implantées en Languedoc, sont à la recherche de moutons d´origine rustique, alourdis sur parcours. Enfin, si les deux tiers des effectifs sont désormais hors schéma, les autres bergers sont cependant restés attachés à la race.
Les sujets de doute, eux, restent nombreux : quelle relève pour les bergers transhumants, dont tout une génération arrive à l´âge de la retraite ? Quelles perspectives de pérennisation des lieux d´hivernage soumis à une pression foncière incompatible avec les revenus générés par le troupeau ? Enfin, si le marché musulman, avec les points forts que constituent le ramadan et l´Ayd el Kébyr, est très attractif, l´interdiction de l´abattage en ferme en France restreint fortement les possibilités d´utilisation de ce débouché.

On peut donc se demander si l´avenir de la race, dont les qualités maternelles supérieures à la moyenne des races rustiques, permettront de conquérir de nouveaux éleveurs, ne se fera pas au-delà de la transhumance, par exemple en système sédentarisé sur ses lieux traditionnels d´estive...
Pour en savoir plus
 Association des éleveurs de brebis de races Raïole, Caussenarde des garrigues, Rouge du Roussillon
- Hubert Germain
Le Barry . 12540 St Beaulize
Tél. 05 65 99 32 15.
- Noëlle Tourrier
Mas de Saporta . 34970 Lattes
Tél. 04 67 06 23 64.

(1) Moudes : sans cornes.

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