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Eleveurs contre teuffeurs et squatteurs de terrains agricoles

Voir ses terres ou ses bâtiments occupés sans son avis par des personnes pas toujours respectueuses ne plaît à personne. Pourtant, agir de son propre chef n’est pas l’attitude à avoir.

Chaque année, des agriculteurs subissent des occupations illégales de leurs terres par des fêtards. Non seulement les organisateurs ne demandent pas l’autorisation du propriétaire et bien sûr ne déclarent pas non plus leur rassemblement. Ils sont sensé avertir la mairie si le nombre prévisible de participants est inférieur à 500 personnes et la préfecture au-delà.

Du point de vue pénal (art. R211-27 code sécurité intérieure), ils peuvent être poursuivis par les autorités, et encourent une amende de 1500 euros en plus de la confiscation du matériel. Souvent insolvables, sans domicile fixe, le matériel et les véhicules utilisés étant loués, les poursuites restent généralement infructueuses.

Éviter les violences

En pratique, cette occupation illicite est rarement interrompue par les forces de l’ordre, qui privilégient le maintien de l’ordre, autrement dit, éviter les violences, et tant pis pour la tranquillité comme le droit de propriété.

Concrètement, la gendarmerie opte pour le contournement d’infraction, en verbalisant, les participants à ces rassemblements au titre du stationnement illégal en bord de route, de la conduite en état d’ivresse et de la détention de stupéfiants, quand ils quittent la fête et qu’ils sont alors moins agressifs.

Préjudice matériel

Michel Barou, éleveur de montbéliardes à Chalmazel (Loire), dont une parcelle a été occupée le 5 octobre 2015, en a fait l’amère expérience. Agacé, de l’immobilisme des forces de l’ordre, il avait décidé de déplacer un des camions des organisateurs avec son tracteur, dont il a arraché le pare-chocs. La situation a dégénéré, il a quand même été condamné à 600 euros pour violence. Lui-même a eu le nez et des côtes cassées, pour lesquels il a été indemnisé, par le Fonds de garantie des victimes, son agresseur étant insolvable.

Ceux qui voudraient négocier avec les organisateurs ne s’en sortiront pas mieux : à Bréal-sous-Vitré, un agriculteur a été condamné le 5 février 2021, pour complicité de trouble à l’ordre public. Il est effectivement déconseillé de gérer soi-même le problème.

Mieux vaut attendre que ça passe

Malheureusement, il convient de prendre son mal en patience, en laissant la fête s’achever, souvent deux à trois jours plus tard et d’agir pour dommages-intérêts. C’est-à-dire en portant plainte, en engageant un avocat qui aura accès au dossier de la procédure judiciaire et en faisant évaluer par expert les dégâts : perte de fourrage, déchets, dégradation de bâtiment, de clôture, stress des animaux…

Les collectivités publiques, en charge de l’évacuation des déchets, assument parfois des réparations de dégâts. Mais pas du préjudice moral : « J’ai eu le sentiment d’un mépris incroyable à l’égard de mon métier. Le loisir l’emporte sur le travail et les autorités laissent faire », raconte écœuré Michel. Effectivement, elles laissent faire « par sécurité » répondent les gendarmes, « pour la paix sociale » se justifieraient probablement les autorités préfectorales.

« L’année précédente, quelques-uns étaient déjà venus, on avait pris le temps de leur expliquer notre travail, l’importance de cette parcelle plate. Le contrat moral c’était qu’on les laissait faire une fois, à condition qu’ils ne reviennent pas, et pourtant ils sont revenus », déplore Michel.

Pas de contrepartie financière

Gilles Morvan, éleveur de brebis Texel à Lopérec, dans le Finistère, et amateur d’électro, a fait des expériences plus sereines. Quand on lui demande au préalable, « le temps de s’organiser », il concède un bout de terrain, « surtout sans contrepartie financière, je ne suis pas complice », tient-il à préciser. Il demande aux organisateurs de prévenir la mairie, mais le plus tard possible.  « Si c’est fait en bonne intelligence (passage des secours, gestion des déchets et des déjections, prévention incendie, moins de 500 personnes), par des vrais amateurs de musique, les autorités n’autorisent pas mais ferment les yeux » constate-t-il. Dans le milieu du son, sa bienveillance est connue et il est très sollicité, il ne peut pas accepter trop souvent, son travail passe avant tout. En cas de dégâts, il exige une indemnisation au barème des calamités agricoles. « En 15 jours, l’herbe repousse, vous perdez entre 30 et 40 centimètres », affirme-t-il.

Quant à mettre à disposition des organisateurs des free-parties, des sites dédiés et sécurisés, type friche industrielle ou militaire, l’idée est illusoire selon Annick Maurussagne, maire de Jumilhac-le-Grand (Dordogne), qui a dû héberger les 25 ans de Techno Plus, en mai dernier : « Mobiliser les autorités et défier les forces de l’ordre, constituent au moins la moitié du plaisir de ce genre de fêtes », conclut-elle.

En bref

Dès les premiers signes (personne en repérage, circulation de véhicules suspects, etc.) :
Prévenir la mairie et la gendarmerie, qui fermeront les accès routiers ; si possible récolter ou faire pâturer éloigner les animaux > 1 km, à cause des chiens fêtards et du stress sonore ; mettre en sécurité son matériel
Les dissuader : épandre du fumier aux abords
Porter plainte
Recourir à la protection juridique de son assurance responsabilité civile

Michèle Boudoin, présidente de la FNO et éleveuse dans le Puy-de-Dôme

« Pour les urbains, la propriété privée n’existe pas à la campagne »

« Après les confinements successifs, les citadins ont redécouvert la beauté et la richesse de nos campagnes françaises. Cependant, ils sont de moins en moins nombreux à avoir des amis ou de la famille en zone rurale et de ce fait, ils n’ont plus les codes pour comprendre et bien se comporter à la campagne. La perte de lien entre les agriculteurs et les urbains fait que ces derniers ne comprennent pas pourquoi certaines zones leur sont fermées. Pour eux, la campagne et la nature ne sont pas privées. Je l’ai vécu moi-même sur mes parcelles de pâturage. Un groupe d’une soixantaine de personnes avaient décidé, sans m’en avertir, ni même les autorités locales, de bivouaquer. Or, à ce nombre-là, le couchage, même temporaire, laisse des traces et des dommages. Face à ces incivilités à répétition, nous avons alerté les collectivités qui ont renforcé les patrouilles. Des panneaux d’informations ont été installés un peu partout dans le site classé à l’Unesco de la Chaîne des puys mais avec 30 % de fréquentation en plus (promeneurs, VTT, coureurs, chiens non tenus en laisse…), il faut s’attendre à d’autres problèmes. C’est pesant, d’autant que quand je monte voir mes brebis sur la montagne, c’est un moment privilégié avec mon troupeau. Je n’ai pas envie de le gâcher en devant faire la police. »

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