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Désinfecter les cordons n’est pas une perte de temps

En bergerie, le cordon ombilical est une porte d’entrée des infections comme l’arthrite. Une désinfection est nécessaire.

Mettre en case les doubles et agneaux d’agnelles, vérifier les trayons, le comportement maternel, la tétée, « brancher » les moins dégourdis… Le travail ne manque pas au moment des agnelages. Faut-il prendre en plus le temps de désinfecter les cordons ? Alors qu’ils ne présentent jamais ces « gros cordons », si courants sur les veaux ? Le hic, c’est que l’infection du nombril chez l’agneau, certes moins fréquente, est surtout moins repérable.

Exemple classique (photos d, e, f), cet agneau s’est mis à végéter assez tôt, et vers la troisième semaine, il s’éteint à petit feu… Parfois il a boité, mais pas toujours. À l’examen du ventre, le nombril présente une croûte plus ou moins marquée : cicatrice normale ou infection ? Parfois, une grosseur à la palpation du ventre, ou un léger suintement, mais pas toujours. Le « gros nombril », boule dépassant du ventre, facile à voir et à palper, c’est chez les veaux. On en verra parfois sur un agneau, mais c’est cent fois plus rare.

À l’ouverture, en revanche, c’est très clair. Au lieu de trouver un cordon résiduel souple et mince (photo b), disparaissant carrément vers trois semaines, on tombe sur un tuyau blanchâtre, épais, parfois déjà « collé » à la paroi et aux viscères ; et souvent, en remontant jusqu’au foie, on découvre tout une série d’abcès.

Des agneaux ainsi, « loupés » à la désinfection, puis non diagnostiqués, nous en trouvons dans tous les élevages. L’ennui, c’est qu’ils sont rarement autopsiés, et entrent alors dans la catégorie « cause inconnue », quand ce n’est pas mis sur le compte d’un « manque de lait », voire de la si pratique « entéro lente » !

Cette découverte d’autopsie, nullement rare, permet de mettre le doigt, au sens propre, sur l’importance du cordon, et de sa désinfection dès la naissance, même au prix d’une « perte de temps » jugée parfois inutile…

Tremper vingt secondes avec de la teinture d’iode

Comment désinfecter ? Chacun a sa méthode, son produit fétiche, et son idée sur la question. Le trempage à la pulvérisation est un peu moins rapide, mais plus efficace. D’abord, on raccourcit le cordon à 4 ou 5 cm s’il est long. Pas besoin de couteau : l’agneau tenu entre les jambes, on pince fermement d’une main — sans tirer dessus ! — et on casse en tournant de l’autre. S’il a déjà séché et résiste, inutile d’insister. Puis on trempe en le renversant sur le dos et appuyant bien sur le ventre, pendant… et oui, une bonne vingtaine de secondes !

Le petit (250 ml) flacon verseur d’insecticide recyclé, à deux bouchons (photo a), est très pratique : une dose fait deux cordons, puis on renouvelle en « propre » ; il tient dans la poche de la combinaison ; et lorsqu’il tombe (ça arrive !), on n’a perdu que le contenu de la dosette. La teinture d’iode ordinaire fonctionne très bien, sous réserve de n’avoir pas vieilli dans un bidon entamé : autant l’acheter par litre, pour avoir un roulement plus rapide. Sa couleur marque : c’est indispensable quand on travaille à plusieurs.

Des traitements longs et coûteux contre les arthrites

Si on autopsiait les agneaux ayant souffert d’arthrite incurable, on mesurerait mieux à quel point cette dernière est souvent associée à une lésion ombilicale. La bactérie a migré par voie sanguine jusqu’à cet organe difficile à défendre. D’où l’intérêt de réagir immédiatement dès qu’un agneau ne pose plus la patte : le symptôme ne survient qu’après plusieurs jours d’incubation, cinq à sept en général.

Devant ce tableau cordon et/ou arthrite, les vétérinaires recommandent quasiment tous l’amoxicilline « LA » en première intention : trois à cinq injections espacées de 48 heures, trois étant un strict minimum, sous peine de rechutes. La mode associant deux antibiotiques, un corticoïde et un antihistaminique est heureusement en train de décliner peu à peu. Ces mélanges dépourvus de rémanence sont spectaculaires sur le coup, mais devraient être injectés six fois ou plus, ce qui n’est jamais fait en pratique : trompé par la « guérison » immédiate, on arrête le traitement trop tôt, pour constater une rechute la semaine suivante, incurable celle-là (photos g, i).

En revanche, un anti-inflammatoire non stéroïdien (acide tolfénamique, flunixine, etc.) peut être utile au départ si l’articulation est chaude et douloureuse ; sachant qu’il ne remplace pas, ni ne permet de raccourcir le traitement antibiotique complet !

Devant un échec patent de l’amoxicilline, le praticien enclenchera souvent des analyses, plutôt que de piocher à tâtons dans les autres familles – elles pourraient révéler d’autres germes que les traditionnels « Gram + », streptocoques, staphylocoques et cie. Mais la plupart des échecs relèvent d’un traitement trop tardif ou interrompu trop vite.

S’appliquer également lors de l’équeutage et la pose de boucle

D’autres voies d’entrée de l’infection sont possibles. Chacun pense aux boucles auriculaires (photo j) – même si l’infection locale n’est pas forcément visible - ou à la caudectomie. Sans entrer dans les innombrables polémiques sur ces pratiques, précisons que le risque inhérent d’infection ne peut être nié, mais que l’expérience le rend largement maîtrisable.

Pour les deux opérations, les bonnes pratiques sont connues de tous : plutôt attendre que l’oreille soit sèche ; appliquer le désinfectant (liquide, crème, essence de plantes… il y a le choix) sur les deux parties de la boucle avant de percer, ni trop près de la tête, ni de la pointe… (photo N).

Cette désinfection ne se limite pas aux premiers jours : une pose de deuxième boucle sur des agnelles de plusieurs mois, par exemple, mérite les mêmes précautions, notamment vis-à-vis du tétanos, voire une application de d’insecticide rémanent pour éviter les myiases en période chaude.

Côté queue : une pose d’anneau propre, à bonne distance (deux ou trois doigts, de manière à bien couvrir anus et vulve ensuite) et dans les trois (après tétée) à quarante-huit heures suivant la naissance (surtout, éviter les poses tardives) permettent d’éviter aussi bien les complications infectieuses que la souffrance, immédiate ou ultérieure.

Les queues mordues par une mère en overdose d’ocytocine, à l’affection « dévorante », présentent un gros danger : poser un anneau, mais injecter aussi tout de suite une amoxicilline LA sans se poser de questions.

Sinon, elles peuvent entraîner des arthrites, voire se prolonger par une paralysie du train arrière (photos k et l). Cette dernière était également fréquente autrefois avec la pince hémostatique lorsqu’elle était posée « à ras du gigot » pour mettre en valeur ce dernier : pratique aberrante, mais devenue tradi-culturelle depuis un bon siècle dans la France du Nord.

Le tétanos, moins fréquent mais possible

Le tétanos est beaucoup moins fréquent qu’autrefois. La propreté générale, et l’abandon de la pince hémostatique posée trop près, y sont pour beaucoup. Certainement plus que la vaccination, dont l’usage est plutôt en régression sur le long terme. Ne pas l’oublier tout à fait pour autant, surtout en période chaude, lors de pose de boucles, voire d’anneaux de castration trop tardivement, comme dans le cas présenté ici. La raideur est généralisée, touche le cou, la face, les oreilles… ces agneaux, incurables, doivent être euthanasiés au plus vite. Si une série démarre, le véto conseillera généralement une amoxicilline LA en « métaphylaxie » sur le lot à risque. C’est aussi l’occasion d’en parler à son médecin : une sérologie pourra vérifier si tout le monde est immunisé correctement…

Pas de désinfection du nombril en plein air

En plein air, au lieu de mettre en case et de « nombriler » tout de suite, on peut au contraire laisser tranquilles quelques heures mère et portée, le temps du léchage et de la première tétée. L’intervention, unique, qui suit, consistera à identifier (si bouclage il y a, le désinfectant en crème est plus pratique d’usage), à poser l’anneau caudal, et, souvent, pratiquer un sélénium injectable.

À ce stade, le nombril est déjà sec, et le risque d’infection bien plus faible qu’en bergerie : on n’y touche donc pas. En revanche, les tiques peuvent être présentes immédiatement, et parfois inoculer une forme d’arthrite aiguë, voire quasi septicémique : à neutraliser par l’application préventive d’un millilitre de deltaméthrine « pour on » sur la ligne du dos. Avec cette triple ou quadruple manip, l’agneau est paré pour six semaines, stade où l’on passera au chapitre ténia/strongles…

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