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Des surfaces additionnelles grâce à l’agrivoltaïsme

Emmanuel Mortelmans bénéficie de surfaces de pâturage additionnelles pour ses brebis grâce à la centrale photovoltaïque proche de sa ferme.

S’il existe de bonnes synergies qui fonctionnent en agriculture et entre acteurs du territoire, l’histoire d’Emmanuel Mortelmans l’illustre bien. Éleveur à Lesme, en Saône-et-Loire à la frontière avec la Nièvre et l’Allier, Emmanuel gère les 900 brebis que représentent son troupeau et celui de sa mère. L’éleveur de 42 ans a vu avec angoisse s’enchaîner les sécheresses avec des étés très chauds et des automnes chiches en pluviométrie. Il commence alors à réfléchir à une décapitalisation de son cheptel pour pouvoir garder son autonomie avec les 147 hectares de prairies permanentes de son exploitation et de celle de sa mère. « Nous sommes en système 100 % herbager. Si l’herbe ne pousse plus assez, le seul moyen de s’en sortir est de baisser le nombre de brebis », se désole-t-il.

L’agrivoltaïsme, rendre les surfaces à l’agriculture

En 2018, alors que son stock de foin pour l’hiver est déjà trop entamé, car pendant tout le mois d’août les brebis ont reçu du fourrage au pâturage, le propriétaire d’un site photovoltaïque lui propose de venir faire paître ses animaux sur ses 24 hectares. C’est une première bouée dont se saisit volontiers l’éleveur et, même si la qualité fourragère n’est pas optimale, les parcelles donnent beaucoup d’herbe. Dans la foulée, Emmanuel Mortelmans entend parler de la centrale photovoltaïque de Verneuil, gérée par l’entreprise Photosol. Les quatre parcs qui composent la centrale représentent une surface de 71 hectares et l’entreprise est à la recherche d’un agriculteur pour valoriser le sol. « Tous les projets de Photosol prévoient un partenariat avec un agriculteur et, dans la plupart des cas, il s’agit d’un éleveur ovin. Cette production convient parfaitement à ce type de parcelle », explique Pascal Mychajliw, technico-commercial de l’entreprise. La centrale de Verneuil a vu le jour en 2017 et s’est construite sur des terrains agricoles. « Grâce à cette politique, on ne détourne pas des terres arables, on les valorise doublement, reprend Pascal Mychajliw. Dès qu’on peut rendre une surface à une activité agricole, on le fait. C’est le principe même de l’agrivoltaïsme. »

95 hectares de prairies sans apport de trésorerie

Emmanuel a mis ses premières brebis sur la centrale en mai 2019 et ne regrette rien : « Avec ces parcelles et l’autre centrale, j’ai gagné 95 hectares d’herbe sur mon exploitation, sans apport de trésorerie. C’est une vraie bouffée d’oxygène qui me permet d’aborder l’avenir plus sereinement ». Et le partenariat ne s’arrête pas là. Photosol prévoit en effet des contrats bien cadrés qui permettent à chaque partie de tirer profit de la situation. Les éleveurs partenaires prennent donc part à la définition des projets, en pointant leurs besoins, les spécificités de leurs élevages, etc. Avant l’arrivée des animaux, l’éleveur et le gestionnaire de la centrale définissent quelle prairie implantée. Si l’entreprise spécialisée en énergie solaire préfère mettre en place des prairies permanentes avec un chaulage tous les deux à trois ans, l’éleveur n’en est pas moins décisionnaire des espèces à semer. Emmanuel Mortelmans s’est donc tourné vers un mélange de trèfle, fétuque, dactyle et ray-grass.

Des parcelles équipées par la centrale pour l’élevage

Le travail du sol et le réensemencement de tout le parc sont réalisés par Photosol, ainsi que l’équipement de base pour les animaux. « Nous fournissons des accès à l’eau, des abreuvoirs et à la demande, nous pouvons équiper les parcs de matériel de contention. Enfin, toutes nos centrales sont entourées de clôtures grillagées de deux mètres de haut », détaille Pascal Mychajliw. Pour l’entreprise, l’intérêt d’un tel partenariat semble évident, les brebis faisant un travail d’entretien de la végétation plus propre et moins coûteux que n’importe quel paysagiste. « Cela donne aussi une meilleure image des centrales photovoltaïques et grâce à cela, le prélèvement sur les terres agricoles est quasiment nul », reprend Pascal Mychajliw.

Une rétribution entre 150 et 300 euros à l’hectare

L’éleveur a un accès gratuit sans fermage aux parcs mais il a une obligation de résultat, à savoir, une végétation qui ne dépasse jamais une certaine hauteur. Les refus doivent être broyés et il faut à tout prix éviter l’accumulation de végétation sèche en période de sécheresse pour éviter les risques d’incendie. Pour ces travaux induits, l’éleveur reçoit entre 150 et 300 euros à l’hectare par an, selon la complexité de gestion de la parcelle (concentration de la végétation, complexité de la remise à niveau de la prairie, flore parasite installée, etc.). À l’éleveur de gérer la pousse de l’herbe. Les brebis d’Emmanuel Mortelmans occupent en permanence les parcelles, il ne fait pas de pâturage tournant, c’est le chargement à l’hectare qui permet de gérer la ressource herbagère. Et quand il y a trop d’herbe, l’éleveur est autorisé à faucher pour faire de l’enrubannage par exemple. « Les brebis sont toutes l’année dehors, sauf un mois et demi au moment des agnelages qui se font au printemps », commente-t-il. Si les périodes de sécheresse sont toujours dures à passer, Emmanuel prend plus de recul : « Le chargement est en moyenne de cinq brebis par hectare, ce qui permet d’apporter moins de fourrage au pâturage. Et les animaux trouvent un certain confort dans la situation. En période de fortes chaleurs, les brebis se mettent à l’ombre sous les panneaux et, de même, quand il pleut, les panneaux font un bon abri. » L’éleveur admet toutefois que pour être vraiment tranquille, il aurait besoin d’une trentaine d’hectares supplémentaires et il se renseigne pour travailler avec d’autres centrales de la région.

Bérenger Morel

Des surfaces supplémentaires utilisées à 100 %

Depuis mai 2019, Emmanuel Mortelmans valorise la totalité des parcs de la centrale de Verneuil (Nièvre). Ces surfaces sont utilisées en priorité, les parcelles de l’exploitation servent principalement pour l’affouragement ou comme surface pour désengorger un parc.

Le parc 1 : 27 ha, 259 brebis dès la mi-mai, puis ajout de 234 brebis (parcs 2 et 3) à partir du 20 juillet.
Le parc 2 : 10 ha, 126 brebis à partir du 20 mai et transférées dans le parc 1 au 20 juillet. Les agnelles y sont mises de la mi-août à la mi-octobre
Le parc 3 : 11 ha, 108 brebis dès la mi-mai et transférées dans le parc 1 au 20 juillet.
Le parc 4 : 22 ha, 96 brebis à partir du 23 mai et laissées toute la saison.

Avec un fort chargement sur le parc 1 dès le milieu de l’été, l’éleveur est obligé de distribuer régulièrement du fourrage. À l’inverse, sur le parc 4, le chargement est faible et l’ombre apportée par les panneaux solaires permet à la végétation de se maintenir tout l’été.

Emmanuel Mortelmans, éleveur en Saône-et-Loire

« Le pâturage dans les panneaux solaires est plein d’avantages pour les brebis »

« Je suis en lien avec l’Inrae pour évaluer l’impact positif des panneaux solaires sur une parcelle de pâturage pour les brebis mais j’ai déjà fait de mon côté quelques observations. En été, les brebis bénéficient de l’ombre des panneaux. Et l’enfilade de ceux-ci crée un courant d’air qui permet de mieux supporter les fortes chaleurs. La pousse d’herbe continue en été même sans précipitations alors que la végétation des interrangs est grillée. En période froide ou pluvieuse, les panneaux servent également d’abri. Il y aurait même un microclimat avec des températures un peu plus clémentes sous les panneaux. C’est notamment cet effet qu’étudient les chercheurs de l’Inrae. Les agneaux souffrent alors moins du froid. Enfin, le retour du loup en Bourgogne inquiète les éleveurs. Mais les centrales sont toutes protégées de hautes et solides clôtures (pour prévenir des vols) qui protègent efficacement les troupeaux contre le grand prédateur. »

Une charte des projets agri-solaires ovins

La Fédération nationale ovine a rédigé une charte pour le développement de projets de production d’énergie photovoltaïque au sol en coactivité avec de la production ovine. Rédigée sur la base de l’expérience acquise par la FNO grâce à son partenariat avec le développeur Néoen, ce cadre s’adapte localement et se veut une base de discussion pour concrétiser des projets agri-solaires ovins vertueux. EDF, la FNSEA et l’APCA ont également signé une charte rappelant les bonnes pratiques pour un développement encadré de l’agrivoltaïsme.

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