Un traitement inutile

« Ma venue dans cette exploitation n’avait rien à voir avec cette vache, couchée dans une logette alors que toutes les autres étaient depuis longtemps au cornadis occupées à casser la croûte. Celle-là avait plutôt mauvaise mine, trop avancée dans la logette, l’encolure à moitié fléchie. Comme nous passions devant elle, Gilbert, de retour de vacances, me dit : « Elle a mal aux pieds. Tant que tu es là… »
« Un bon diagnostic avant de traiter ! »
Le temps de voir celle pour laquelle j’étais venu, celle-ci n’avait pas bougé une patte. J’avise son oeil très suspect puis l’autre dans le même état. Au bout d’une âpre négociation pour l’extraire de sa logette en lui faisant faire un demi-tour, elle finit par se mettre debout avec hésitation. J’apprends qu’elle boitait déjà il y a quinze jours, avant le départ de Gilbert qui la retrouve maintenant grabataire et aveugle car, dit-il, elle bute dans les obstacles.
Elle avait pourtant fait l’objet d’un premier « traitement antibiotique de la boiterie » puis d’un autre.
UN ABCÈS INTERNE
Maintenant qu’elle est debout, il ne me faut pas bien longtemps pour comprendre le scénario. Les deux jarrets sont bien enflammés et douloureux à la palpation, tendus par l’arthrite. L’arthrite ne provient pas d’une effraction de la peau qui est parfaitement intacte mais elle est la conséquence du passage de bactéries charriées par le sang – dans ces deux articulations et peut-être même dans d’autres.
Quant aux deux yeux dont la cornée est bien lisse et dont la transparence est seulement altérée, ils sont victimes d’une vive inflammation qui siège dans la chambre antérieure, une uvéite qui, chez nos bovins, trahit aussi la présence de ces mêmes bactéries dans les yeux.
D’où viennent ces bactéries échouées dans les articulations, dans les yeux et sans doute ailleurs ? À coup sûr d’un abcès interne. Comme quoi un examen des pieds aurait écarté leur responsabilité dans la boiterie et aurait pu éviter un traitement impuissant à réduire un abcès interne déjà trop évolué. »