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Se réapproprier le territoire

La coopérative Vercors Lait, quasiment à l’agonie il y a moins de dix ans, a retrouvé son ancrage au territoire, et peut enfin déconnecter son prix du lait du marché standard.

Quel est le parcours de Vercors Lait ?
Paul Faure, président, et Philippe Guillioud, directeur -

La coopérative Vercors Lait revient de loin. Elle est née, en 2003, de la fusion de deux petites coopératives qui ont repris l’outil industriel de Lactalis à Villard-de-Lans en Isère. Nous étions 70 producteurs pour une collecte de 9 millions de litres. Les quatre premières années, la coopérative a perdu beaucoup d’argent. Elle ne transformait que 1,5 million de litres. En 2007, elle était au bord de la cessation de paiement. Des producteurs sont partis. Nous avons mis en place un plan de redressement avec changement de présidence et embauche d’un directeur avec des compétences commerciales. Nous avons reconstitué une équipe technique avec un chef fromager et une responsable qualité et mis en place une politique commerciale claire. La coopérative a également cédé la propriété de l’atelier à la communauté de communes afin de reconstituer ses fonds propres. En 2016, nous devrions collecter 5,8 millions de litres dont 1,7 million de lait bio, pour le compte de 35 exploitations et 64 producteurs.

Nous transformons désormais les trois quarts du lait collecté. Pour le reste, nous avons un contrat de 800 000 litres avec Sodiaal, qui arrive à terme au 1er janvier prochain et ne sera pas renouvelé. Nous allons augmenter nos fabrications de fromages et faire du lait UHT identifié avec un prestataire. Nous avons aussi des contrats avec deux transformateurs locaux. Depuis trois ans, Vercors Lait est bénéficiaire et peut payer le lait correctement. En 2015, le prix moyen s’établissait à 385 euros toutes primes comprises et à 452 euros en bio. En 2016, nous sommes sur les mêmes bases. Le prix est désormais détaché du marché standard. Nous aimerions rémunérer un peu mieux encore les producteurs et différencier un peu plus le lait bio, mais nous voulons garder les pieds sur terre. Nous avons toutes les cartes en main pour avancer, mais nous savons d’où nous venons.

Quels sont vos atouts dans le contexte laitier actuel ?
P. F. et P. G. -

Nous avons développé une gamme très cohérente d’une douzaine de fromages typés Vercors. Nous avons la chance d’avoir deux produits sous signe de qualité : l’AOP bleu du Vercors-Sassenage et l’IGP saint-marcellin, que nous déclinons surtout en bio. Nous fabriquons aussi une pâte cuite - le vercorais - et du fromage à raclette - la vercorette - qui marchent très fort. Le bleu (300 t) représente 50 % de nos fabrications, la pâte cuite et la raclette une centaine de tonnes. Nous produisons enfin 200 tonnes de petits produits. Nous proposons un plateau du Vercors qui répond à tous les goûts autour du fromage. Depuis 5 ans, le bio connaît une croissance à deux chiffres. Nous le développons dans des réseaux de magasins bio. Mais, une gamme diversifiée demande beaucoup de main-d’œuvre.

Nous avons veillé également à avoir une clientèle très équilibrée pour ne pas être dépendant d’un gros client. Nous venons d’ouvrir un troisième magasin de vente directe à Romans dans la Drôme, qui s’ajoute aux deux plus anciens, situés sur le site de la coopérative et aux portes de Grenoble. Ils représentent 18 % de nos ventes. Nous vendons entre 60 et 70 % de notre production sur la région Rhône-Alpes. Pour redresser la coopérative, nous avons tout simplement appliqué les méthodes commerciales classiques : un bon produit, ce qui n’était pas le cas au départ, des packagings attractifs, des conditionnements adaptés à la demande, des prix en phase avec le marché, une communication en lien avec le territoire… Nous en récoltons aujourd’hui les fruits.

Que faites-vous pour être là demain ?
P. F. et P. G. -

Depuis quatre ou cinq ans, nous investissons 150 000 euros par an. Outre du matériel de fabrication et d’emballage, nous avons installé un chalet administratif en remplacement d’un vieux mobile-home, afin d’améliorer nos conditions de travail et l’image de la coopérative. Mais, nous avons surtout un important projet d’agrandissement qui va être finalisé d’ici à deux ans. Il prévoit la construction de 1 000 m2 de caves d’affinage et la réorganisation de l’existant. Ces nouvelles installations vont révolutionner notre travail. Nous aurons trois lignes d’affinage, ce qui supprimera les risques de contaminations croisées, et nous pourrons affiner un maximum de produits sur place. Cela nous permettra aussi de rationnaliser l’emballage et l’expédition. La communauté de communes financera les infrastructures pour un montant de 3 millions d’euros, avec l’aide de subventions, et la coopérative 500 000 euros d’aménagements intérieurs et de matériel. Nous investissons pour les 25 années qui viennent.

Le maintien de la production laitière est-il assuré dans le Vercors ?
P. F et P. G. -

Depuis la relance de Vercors Lait, la production a retrouvé une dynamique. Mais, dans les 5 à 10 ans à venir, des producteurs vont arrêter. Nous allons essayer de favoriser ceux qui veulent produire. Nous venons d’intégrer deux producteurs qu’un industriel a cessé de collecter. C’est aussi le prix du lait qui motivera les jeunes à s’installer. Ils sont très attachés à leur territoire. Tous les ans, ils s’investissent beaucoup dans la fête du bleu du Vercors-Sassenage, qui fédère toutes les forces du Vercors autour de notre projet. Ils ont relancé un syndicat des Jeunes agriculteurs… Les élus nous soutiennent, satisfaits de cette dynamique.

Vercors Lait, pilier de l’AOP bleu

Vercors Lait assure 85 % de la production de bleu du Vercors-Sassenage (350 tonnes en 2015), qui bénéficie de l’AOC depuis 1998 et recouvre 27 communes de l’Isère et de la Drôme. Pour l’alimentation des vaches, l’ensilage est interdit mais le fourrage enrubanné est autorisé. Le cahier des charges est en cours de réécriture. La matière sèche des fourrages stockés ne pourra pas être inférieure à 50 %, au lieu de 40 % précédemment, et la part d’enrubanné dans la ration se limitera à 40 % au lieu de 50 %. Et, enfin, les producteurs devront réintroduire 5 % de race Villarde, aux côtés de la Montbéliarde et de l’Abondance. Nous sommes également en train de mettre en place un règlement intérieur au sein de la coopérative et nous venons d’embaucher un responsable qualité qui accompagnera les producteurs sur la qualité du lait. Ils ont déjà fait beaucoup d’efforts, souvent avec peu de moyens, mais nous devons continuer à progresser. À terme, notre objectif est d’aller vers le lait cru, même si nous faisons de très bons produits avec le lait thermisé. Nous sommes prudents, vu l’hygiénisme ambiant, mais cet objectif nous tire vers le haut en termes de rigueur et de qualité.

Chiffres clés (1)

5,8 Ml collectés dont 1,7 en bio. La coopérative collecte aussi 1,7 Ml de lait bio pour Sodiaal
35 exploitations dont 11 en bio
600 t de produits fromagers (75 % de la collecte) dont 300 t de bleu AOP
6,5 ME de chiffre d’affaires (+ 6 à 7 % par an)
35 salariés dont 8 pour les 3 magasins
385 euros de prix moyen du lait, toutes primes et ristourne confondues, en 2015 et 2016, pour un prix de base moyen de 340 euros.
(1) Prévisions 2016.

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