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Gaec La Clavelière, dans les Deux-Sèvres
« Nous avons fait le choix de maintenir le lait »

Limité par les volumes de production, le Gaec La Clavelière a construit son développement sur l’optimisation du bâtiment, des surfaces et de l’alimentation du troupeau.

« Dans les Deux-Sèvres, il a été toujours difficile d’obtenir des volumes de lait supplémentaires, explique Frédéric Rousseau. Nous aurions pu faire le choix de supprimer les vaches laitières. » Située à l’extrême sud du département, l’exploitation a plus à voir avec les plaines de polyculture de la Charente-Maritime qu’avec les zones d’élevage des Deux-Sèvres. Les éleveurs laitiers y sont peu nombreux. Mais, l’intérêt pour la production laitière l’a emporté. Quand il s’est installé, en 2004, alors que ses parents avaient déjà 300 000 litres de quota, le jeune éleveur n’a récupéré que 50 000 litres supplémentaires. Quatre ans plus tard, Murielle, son épouse a obtenu un peu plus (120 000 litres). Si, aujourd’hui, le Gaec La Clavelière produit plus de 700 000 litres de lait avec un cheptel de 80 vaches, l’augmentation ne s’est faite que très progressivement. Ce qui a limité la capacité d’investissement. Impossible notamment d’envisager un bâtiment neuf sans visibilité sur les volumes à venir. Les cultures de vente assurent le tiers du chiffre d’affaires. Mais, acquérir des surfaces supplémentaires pour augmenter cette part s’est avéré jusqu’à présent tout aussi difficile que d’obtenir des volumes de lait.

Sécuriser le maïs avec des retenues collectives

Un jeune associé, Quentin Teillet, hors cadre familial, a néanmoins intégré le Gaec le 1er février dernier. Après deux ans de salariat et deux ans de parrainage, période pendant laquelle il était déjà associé aux décisions, il ne fallait pas laisser filer vers un autre horizon professionnel un jeune aussi motivé, malgré les incertitudes sur les possibilités de développement de l’exploitation et la conjoncture laitière.

Dans cette région très touchée par les sécheresses estivales, la sécurisation du maïs fait aussi partie des incertitudes qui pèsent sur l’exploitation. Le Gaec ne peut irriguer que dix hectares alors qu’il en cultive trente. Il est engagé dans le projet de création de 19 réserves de substitution (dites bassines) porté par la Coopérative de l’eau des Deux-Sèvres. Le remplissage se ferait pendant l’hiver, ce qui permettrait de réduire de 70 % les prélèvements estivaux. Si la majorité d’entre elles ont obtenu l’autorisation d’aménager, ce n’est pas encore le cas de celle qui alimenterait le Gaec La Clavelière. L’aboutissement de la procédure judiciaire reste incertain. « Ce projet nous permettrait de doubler le volume d’eau utilisable, de 20 000 à 40 000 m3, et d’arroser une bonne moitié du maïs et un peu de luzerne. Nous pourrions aussi envisager des cultures de semences pour consolider l’installation de Quentin », escomptent les associés.

Faute de volumes et de surfaces supplémentaires, le Gaec a construit son développement sur l’optimisation de tous les facteurs de production. À commencer par la stabulation. Les éleveurs se sont accommodés du bâtiment existant, d’une capacité de 35 vaches sur aire paillée, et ont engagé une remarquable chasse aux mètres carrés perdus. Réalisée sur plusieurs années, elle leur permet d’y loger 72 vaches en trois rangées de logettes. Une partie de la toiture, qui couvrait l’aire d’exercice et l’auge, a été refaite en bi-pente. Des cases à génisses ont été supprimées. Une presse à fumier « taupe » a permis de supprimer la fumière tampon et de gagner 14 places. L’aire d’attente et la salle de traite ont été remplacées en 2008 par un robot de traite Lely A2 acheté d’occasion, ce qui a permis de gagner dix logettes supplémentaires. Le troupeau comptait alors 55 vaches. Il a été remplacé par un robot neuf (Lely A4), au départ des parents, en 2013.

La production laitière est optimisée pour utiliser au maximum le robot actuel. « Avec 72 vaches, ça se passe bien, assurent les éleveurs. Il ne faut pas aller au-delà de 75. Mais, il faut être présent pour faire passer les vaches et éviter qu’elles ne prennent du retard. » Le robot est en circulation libre. Seules, les retardataires sont poussées vers une case à passage forcé qui les guide vers le robot de traite.

Fourrages riches en MAT et maïs épi

Ne pouvant augmenter le nombre de laitières, le Gaec La Clavelière s’est donné pour objectif de « produire un peu plus de lait par vache ». En 2017, il a livré 706 000 litres. Une production plutôt en baisse pour diverses raisons. Mais, elle est bien repartie depuis l’automne dernier. L’objectif est de monter à 800 000 litres en 2018 et d’atteindre 850 000 litres en 2019. « Nous avons prévenu notre coopérative, Terra Lacta, qui est plutôt en recherche de lait », indiquent les associés. Pour y parvenir, les éleveurs ont entrepris un réglage plus fin de l’alimentation. Ils ont réduit la part de maïs ensilage dans la ration pour se prémunir du risque de sécheresse et augmenté la part d’herbe avec des coupes précoces ou tardives (du ray-grass italien, implanté en août et enrubanné après le 15 novembre, qui fait plus de 20 % de MAT). Cela permet d’augmenter la valeur azotée du fourrage et de limiter les achats de correcteur. Et, depuis deux ans, une partie du maïs est récoltée en épi. Il permet de réduire les quantités de concentré en apportant un aliment riche en énergie mais qui amène davantage de fibres et sécurise la ration.

Des matières premières au robot de traite

La ration mélangée comprend (en MS/VL/jour) 9,2 kg d’ensilage de maïs, 2,4 kg d’ensilage d’herbe, 3 kg d’enrubannage (luzerne - dactyle et ray-grass italien), 1 kg de foin, 1,6 kg de maïs épi, 1,2 kg de tourteau de soja, 500 g d’orge, 125 de CMV (6-23-4) et 50 g de sel. Cette ration, à 41 % de MS, est équilibrée à 27 kilos de lait. Du foin est mis en libre-service au cornadis. Depuis cet automne, les éleveurs utilisent du tourteau tanné. « Ils ont fait les choses dans le bon ordre. Ils ont d’abord optimisé le rationnement avant d’introduire le tourteau tanné », observe Christophe Mauger, conseiller bovin lait à la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime. Il assure le suivi de l’atelier laitier du Gaec La Clavelière dans le cadre d’un groupe robot interdépartemental. La complémentation au robot est réalisée avec des matières premières (tourteau de soja non tanné, orge et maïs aplati). Ce qui, avec quelques réglages du robot et une préparation des aliments (tamisage du tourteau) ne pose pas de difficulté. « La montée se fait sur 50 jours avec un objectif de production de 45 litres pour les vaches et de 40 litres pour les génisses, détaille Frédéric Rousseau. Amener toutes les vaches à 50 litres coûte cher. Je préfère limiter à 45 litres et ajuster pour celles qui dépassent. » La consommation de concentré est très maîtrisée (176 g/1 000 l).

Ration vaches taries en balles enrubannées

Les éleveurs ont revu également la préparation au vêlage. Comme il est difficile de fabriquer une ration à la mélangeuse tous les jours pour quelques vaches, ils ont mis au point avec un entrepreneur local une technique de conservation de ration mélangée par enrubannage. Le premier jour, ils préparent dix mélangeuses de ration vaches taries, qui comprend (brut/VL/jour) : 2,5 kg de paille, 3,8 kg de foin de moha, 1 kg de foin de luzerne, 8,5 kg d’ensilage de maïs, 800 g de tourteau de soja, 1,2 kg de maïs épi, 100 g de CMV, 50 g de chlorure de magnésium et 15 g de sel. Le lendemain, cette ration est mise en balles rondes avec une presse qui serre plus fort qu’une machine classique, avant d’être enrubannée. Le coût de revient de la ration (coût des fourrages selon la base de données Perel des Pays de la Loire, mécanisation et main-d’œuvre comprise) est de 180 euros par tonne, soit 3,2 euros par vache tarie et par jour (dont 0,8 € pour la seule mise en balles). « Dix mélangeuses nous permettent de tenir six mois à raison de six vaches en moyenne et d’une distribution de trois semaines pour les vaches et quatre semaines pour les génisses, détaillent les éleveurs. Le démarrage en lactation est meilleur et les problèmes de métrites, que nous avions auparavant, ont quasiment disparu. »

Optimiser tous les facteurs de production

Chiffres clés

185 hectares dont 124 ha de cultures (64 de blé tendre, 12 de blé dur, 9 d’orge - avoine (autoconsommé), 15 de tournesol, 13 de millet, 11 de pois) ; 61 ha de SFP (30 de maïs, 13 de luzerne-dactyle, 8 de RGI, 10 de prairies temporaires), auxquels s’ajoutent 28 ha de dérobés d’hiver et 58 ha de dérobés d’été.

80 Prim’Holstein

755 000 litres de référence

3 UMO

2 UGB/ha SFP

Un chargement élevé

L’utilisation du parcellaire est très optimisée. Sur les 184 ha de SAU, seulement 62 ha de SFP sont consacrés au troupeau. Ce qui représente un chargement de 2 UGB/ha. La moitié de la SFP est implantée en maïs (23 ha en ensilage et 7 ha en épi). Mais, d’importantes surfaces de dérobées s’intercalent entre les cultures. En hiver : 8 ha de ray-grass italien pur et 20 ha de ray-grass italien - trèfle incarnat, récolté en enrubannage pour les génisses. En été, le Gaec cultive du moha (pur ou associé au trèfle d’Alexandrie), après le blé, et a fait l’an dernier un essai de colza fourrager, RGI et avoine, pâturé par les génisses pleines. En 2017, 58 ha d’inter-cultures d’été ont été implantés car il fallait refaire des stocks. La réussite reste très tributaire de la pluviométrie estivale.

Génotypage, IA sexées et croisement

La quasi-totalité du troupeau est génotypée. Cette connaissance de la valeur génétique des animaux permet aux éleveurs de mener une stratégie de reproduction très ciblée. En 2018, 90 femelles seront mises à la reproduction, dont 30 génisses. Celles-ci se répartiront en trois tiers : deux IA sexées pour les meilleures, une IA sexée suivi d’une IA conventionnelle pour les suivantes, IA conventionnelles pour les dernières. Quant aux vaches, seules les 6 ou 7 meilleures auront droit à une IA sexée. Les 18 vaches intermédiaires seront inséminées en conventionnel et les 35 moins bonnes seront saillies avec un taureau charolais, ce qui représente près de 40 % de croisement. « Depuis que nous faisons du génotypage, la progression génétique est flagrante. Nous gagnons 10 points d’ISU par an », indiquent les éleveurs. Le surcoût est compensé par la vente des veaux croisés.

Des trackers photovoltaïques pour produire l’électricité

Le Gaec La Clavelière a investi dans deux trackers photovoltaïques d’une surface totale de 160 m2. Ils s’orientent en fonction du soleil pour optimiser la production d’électricité. « Ce n’est pas l’investissement le plus rentable, reconnaît Christophe Mauger. Mais, il permet de maîtriser les achats d’électricité. » Le coût d’installation s’élève à 70 000 euros et le bénéfice, avec amortissement sur 20 ans, est de 3 000 euros par an. Les deux tiers de l’électricité sont autoconsommés et le reste revendu à un prix dérisoire (0,065 €/kWh). Le tracker est plus adapté à l’autoconsommation qu’une toiture photovoltaïque car il couvre une plage horaire plus large des besoins de la ferme. Pour stocker de l’électricité, un chauffe-eau tampon de 1 000 litres a été installé dans la laiterie. Pour augmenter la part d’autoconsommation et améliorer la rentabilité, l’installation de batteries et l’automatisation de l’aplatisseur, qui fonctionnerait aux horaires de forte production, sont à l’étude.

Avis d’expert

« Le pas suivant sera plus grand à franchir »

« Cette exploitation de polyculture - élevage est très efficace, comme en attestent les critères habituels, tel que l’EBE/PB (34 %). Au départ, le Gaec comprenait quatre associés avec une dimension moindre. Ils n’avaient donc pas le choix s’ils voulaient sortir quatre salaires. Ils se sont développés en maintenant cette efficacité. Depuis trois ans, la conjoncture est plus délicate, aussi bien en céréales qu’en lait, mais ils maintiennent les résultats. Ils ont réussi à optimiser tous les postes, à l’image du bâtiment. Quelques petits points peuvent encore être améliorés. Mais, le pas suivant sera plus grand à franchir s’ils envisagent de développer l’élevage, ce qui nécessitera la construction d’un nouveau bâtiment. S’ils trouvent la possibilité d’agrandir les surfaces en cultures, ce sera plus facile. La mécanisation reste néanmoins le point à surveiller. Tout nouvel investissement devra faire l’objet d’une réflexion en amont pour s’assurer que la rentabilité n’est pas remise en cause. »

Christophe Mauger, conseiller lait à la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime

En savoir plus : trois vidéos sur le Gaec La Clavelière (fumier taupe, balles vaches taries, logettes escamotables pour passage de la balayeuse-pailleuse), réalisées par Christophe Mauger, sont à voir sur la chaîne You Tube de la chambre d’agriculture 17 (www.youtube.com/user/CA17TV ; taper Clavelière dans l’outil de recherche).

Le prix du lait (331 €) bénéficie d’une plus-value de 9 € par rapport au prix de base, liée surtout à la matière grasse. Il est pénalisé (- 5 €) par des petits problèmes de qualité dus, entre autres, à un problème de ration acidogène sur l’hiver 2016-2017.

Beaucoup d’animaux ayant été vendus en 2017 (réformes, génisses surnuméraires et vaches en lait), les ventes sont compensées par une forte variation d’inventaire négative (- 15 550 €).

Les cultures de vente assurent le tiers du produit brut.

Les charges de concentrés (65 €/1 000 l avec les génisses) sont très maîtrisées (85 à 90 € en moyenne régionale). En 2017, le coût réel des fourrages (38 €/1 000 l) est plus élevé que d’habitude pour cause de reconstitution de stocks.

Les frais vétérinaires (50 €/VL) sont très maîtrisés (90 € en moyenne régionale).

Les charges de mécanisation (78 €/1 000 l avec amortissements) sont à surveiller (70 € pour la référence). Le Gaec fait peu appel au matériel en Cuma. L’augmentation des stocks et la confection des balles rondes ont joué aussi.

Le coût du robot de traite (maintenance, entretien, hygiène) s’élève à 8 934 € (près de 13 €/1 000 l).

En 2017, les coûts salariaux de Quentin (6 000 €) sont assez faibles car il était en stage de parrainage. À l’avenir, le revenu disponible devra être divisé par trois associés.

Le taux d’endettement est de 64 %.

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