JTIC 2025 - Comment la filière céréalière s’adapte au réchauffement climatique en Espagne ?
Le réchauffement climatique impacte déjà sévèrement la filière céréalière en Espagne. À l’occasion de l'édition 2025 des Journées techniques des industries céréalières (JTIC 2025), qui ont eu lieu les 15 et 16 octobre à Auxerre, une délégation espagnole était à l’honneur pour présenter les actions mises en place au sein de la filière locale pour lutter contre les conséquences de l’évolution du climat devant les professionnels français.
Le réchauffement climatique impacte déjà sévèrement la filière céréalière en Espagne. À l’occasion de l'édition 2025 des Journées techniques des industries céréalières (JTIC 2025), qui ont eu lieu les 15 et 16 octobre à Auxerre, une délégation espagnole était à l’honneur pour présenter les actions mises en place au sein de la filière locale pour lutter contre les conséquences de l’évolution du climat devant les professionnels français.
Lors de la récente tenue de l'édition 2025 des Journées techniques des industries céréalières (JTIC 2025) à Auxerre, plusieurs intervenants espagnols étaient à l’honneur pour présenter l’impact du réchauffement climatique sur la production céréalière locale. Pour Inmaculada Carceller, directrice adjointe des cultures herbacées et industrielles et de l'huile d’olive du ministère espagnol de l’Agriculture : « le changement climatique est déjà une réalité en Espagne ».
Pour la filière céréalière française, ce retour d’expérience est précieux, car il se pose comme une observation avancée des mutations climatiques en cours dans l’Hexagone. Ainsi, il est intéressant de tirer des enseignements même si la situation n’est évidemment pas totalement transposable au contexte français.
« le changement climatique est déjà une réalité en Espagne », introduit Inmaculada Carceller, directrice adjointe au ministère espagnol de l'Agriculture
Parmi les effets les plus marqués du réchauffement climatique dans la péninsule ibérique, le ministère espagnol de l’Agriculture relève une augmentation du stress hydrique des cultures, un avancement du cycle de développement du blé avec la hausse des températures, notamment en termes de la date d’épiaison.
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Avec des printemps plus chauds, les producteurs espagnols se sont adaptés en semant des variétés de blé plus précoces pour limiter les conséquences de la sécheresse et les pics de température sur le développement des cultures. Dans le même sens, les dates de semis de blé sont plus précoces en Espagne. Notons que l’amélioration génétique est un des principaux facteurs de la résistance des rendements dans la péninsule ibérique avec une progression de l’utilisation des semences certifiées. Pour faire face au changement climatique, les pratiques agricoles ont aussi évolué avec de nouvelles techniques de travail qui tendent vers le semis simplifié ou le semis direct.
Le levier politique pour lutter contre le réchauffement climatique
Outre l’adaptation des pratiques agricoles, le levier des politiques publiques est aussi mis à contribution en Espagne avec la mise en place d’un « plan national d’adaptation climatique ». Cette politique agricole comporte plusieurs volets avec l’introduction d’un écorégime, une incitation aux producteurs pour allonger la rotation des cultures et introduire des cultures de légumineuses. Ce plan vise aussi à moderniser les techniques d’irrigation, à améliorer les techniques génétiques, à accompagner les investissements dans les machines agricoles (semis direct et agriculture de précision) et à utiliser davantage l’assurance agricole. Avec les effets combinés de ce plan, l’Espagne espère un maintien des rendements des cultures.
« L’agriculture non irriguée est vulnérable », indique Inmaculada Carceller du ministère espagnol de l’Agriculture
Face au changement climatique, les surfaces céréalières sont en baisse au profit de nouvelles productions comme les amandiers et les oliviers, indique la directrice adjointe du ministère espagnol de l’Agriculture. Et ce, malgré une stabilisation des superficies irriguées avec le risque des restrictions des utilisations en eau (10 % des surfaces en blé sont irrigués en Espagne). Mais, en dépit de l’évolution du climat, les rendements du blé sont en progression en Espagne grâce au progrès génétique et à l’adaptation des pratiques agricoles.
La qualité des blés meuniers en baisse
En dépit de cette résilience espagnole en termes de production de blé, cela n’est pas sans conséquence sur la qualité des blés panifiables, selon Luis Coromina, gérant de la meunerie Farinera Coromina en Espagne (35 000 t de production). Le meunier espagnol déplore que les agriculteurs espagnols favorisent le rendement aux dépens de la qualité, ce qui l’oblige à s’approvisionner en France à hauteur de 80 % de ses achats de blé. En effet, Luis Coromina explique : « Pour lutter contre la baisse des rendements, il y a plus de blé à cycle court dont la qualité boulangère est plus faible et le meunier doit s’adapter. On a de plus en plus de difficultés à trouver des blés de force espagnols avec des taux de protéines supérieurs à 14 % ».
Le gérant de Farinera Coromina constate aussi une baisse de la disponibilité des blés meuniers au profit de l’alimentation animale : « La sécheresse réduit la disponibilité des pâturages et les animaux consomment davantage de céréales. Les agriculteurs choisissent aussi d’autres cultures mieux adaptées à la sécheresse ». Parmi les autres impacts du changement climatique, la meunerie espagnole constate une augmentation des impuretés et une apparition plus précoce des insectes. Plus surprenant, Luis Coromina indique : « les pluies sont plus abondantes et plus proches de la récolte, ce qui augmente les risques de mycotoxines et de germination ».
Comment la meunerie espagnole s’adapte au changement climatique
Luis Coromina insiste sur la nécessité de renforcer les relations avec ses fournisseurs de blés afin de mieux comprendre l’évolution des besoins et des contraintes de chacun. En parallèle, il indique que les meuniers espagnols ont relevé leurs exigences avec des analyses plus approfondies sur les lots de blé. Ainsi, sa société Farinera Coromina effectue une analyse complète dès la réception des lots et effectue des analyses externes complémentaires. Il indique que 7 % des lots réceptionnés sont rejetés en raison des insectes.
En parallèle, des investissements dans l’outil industriel sont nécessaires pour améliorer le nettoyage des grains. Ainsi, l’utilisation de trieurs optiques et de pré-nettoyeurs (de type TAS de Bühler) devient monnaie courante. Dans un proche avenir, Luis Coromina se pose la question d’utiliser aussi un décortiqueur de blé ou des sasseurs.
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Le meunier pointe aussi une forte variation de l’humidité lors du processus de production, ce qui affecte le transport des farines et le remplissage des sacs. Pour pallier ce problème, une meilleure ventilation des dépôts est nécessaire pour réduire la température et l’humidité.
Aussi, les fortes températures ont une influence sur l’organisation du travail. De fait, la loi contre la chaleur extrême au travail implique une adaptation des heures et des conditions de travail, avec davantage de pauses et une meilleure disponibilité de l’eau pour s’hydrater.