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Effluents : Quelle est la part d’azote rapidement disponible ?

L’azote est présent sous forme minérale et organique, en proportions différentes selon le type d’effluent. Valoriser le maximum d’unités fertilisantes reste un exercice délicat.

Les digestats de méthanisation, les fientes de volaille et les lisiers, produits riches en azote ammoniacal, sont les plus sensibles au risque de volatilisation. © B. Griffoul
Les digestats de méthanisation, les fientes de volaille et les lisiers, produits riches en azote ammoniacal, sont les plus sensibles au risque de volatilisation.
© B. Griffoul

L’optimisation de la valorisation de l’azote contenu dans les engrais de ferme est un des principaux enjeux de la fertilisation organique. Autant le phosphore et la potasse des effluents issus des bovins sont entièrement disponibles pour les plantes, au même titre qu’un engrais minéral, autant le devenir de l’azote est plus complexe.

 

 
TITRELes facteurs déterminants des émissions d'ammoniac au champ © Source : A. Guézengar CA ...

 

Deux formes d’azote : ammoniacal et organique

L’azote des effluents d’élevage se présente sous deux formes : minérale et organique. La fraction minérale, de nature ammoniacale, se transforme rapidement en nitrates, forme sous laquelle l’azote est absorbé par les plantes. Mais, ces nitrates, on le sait, peuvent aussi être lessivés (lixiviation). Et l’ammoniac peut se volatiliser au contact de l’air. Selon leur nature et l’espèce animale, les effluents contiennent de 0 à 70 % d’azote ammoniacal, qui pourra être assimilé par la culture sur laquelle ils sont épandus s’il n’est pas perdu par volatilisation ou lixiviation. Les fumiers en contiennent peu (10 %), les composts pas du tout et les lisiers de bovins de l’ordre de 40 %.

L’azote organique est en partie minéralisé

L’azote organique se trouve dans les matières organiques des effluents (litière, résidus de digestion…). Une partie est minéralisée dans les semaines et mois qui suivent l’apport et sera disponible pour le couvert végétal en place. Cette minéralisation est plus ou moins rapide et importante selon le type d’effluent et les conditions climatiques. L’année d’épandage, la plante bénéficiera de l’azote ammoniacal et de l’azote organique qui se minéralise rapidement (effet direct). Un cumul qui représente 20 % de l’azote total pour le compost et, respectivement, 40 % et 70 % pour le fumier et le lisier de bovin.

Les arrière-effets de l’azote non minéralisé

Une deuxième partie de l’azote organique, non minéralisée l’année de l’apport, est stockée dans la matière organique du sol via le processus d’humification : l’azote s’associe au carbone pour former l’humus. Cette part d’azote se libérera progressivement au cours des années suivantes au fur et à mesure que l’humus se minéralise. Ce sont les arrière-effets. Ils ne seront perceptibles qu’après des apports répétés d’effluents qui auront contribué à augmenter de façon significative la quantité d’azote organique du sol. Dans les calculs de fertilisation, ils sont généralement englobés dans les fournitures d’azote par le sol. Certains effluents (compost mûr, fumier vieilli) contiennent déjà une partie importante de matières organiques humifiées à décomposition lente qui se sont formés lors du compostage ou du stockage. L’arrière effet azote d’un compost est de 80 %.

Faire coïncider pics de minéralisation et de besoins

Le choix de la culture qui recevra l’effluent et celui de la période d’apport jouent donc un rôle important dans la valorisation de l’azote qu’il contient et la réduction des risques de pollution diffuse. L’objectif est de faire coïncider le pic d’azote minéral disponible - l’azote ammoniacal et la part d’azote organique minéralisé au cours du cycle cultural - avec la période au cours de laquelle la culture a les plus forts besoins. Pour un effluent riche en azote ammoniacal et à minéralisation rapide (lisier, digestat, fientes de volaille), l’apport doit être réalisé au plus près des besoins des cultures. Pour les effluents à minéralisation lente (fumier), les apports doivent être faits plusieurs mois avant le pic de consommation. Le compost peut être épandu à tout moment car il ne comporte pas d’azote ammoniacal et peu d’azote organique rapidement minéralisable.

Minimiser la volatilisation de l’azote

« La perte d’azote par volatilisation ammoniacale lors de l’épandage de produits organiques est un élément explicatif important de la faible valorisation de l’azote épandu, dans certaines conditions, avec des produits contenant de fortes proportions d’azote ammoniacal. La maîtrise de ces pertes est indispensable à la maximisation de la valorisation de l’azote », préviennent les instituts techniques Arvalis et Idele. La volatilisation de la fraction ammoniacale se produit au contact de l’air. Elle est très intense dans les 24 heures qui suivent l’épandage et se poursuit pendant plusieurs jours. « Les pertes sont d’autant plus importantes que le produit a une teneur élevée en azote ammoniacal, que la température de l’air et la vitesse du vent sont élevées et que le pH est élevé », précisent les instituts techniques. « Ces pertes peuvent atteindre 20 à 30 % de l’azote ammoniacal pour un produit solide à faible teneur et 80 % pour les lisiers ou digestat de méthanisation à forte teneur », soulignent-ils. Prendre en compte les conditions météorologiques (vent faible, température basse, épandage avant une pluie d’au moins 10 à 15 mm) permet de diminuer les émissions de 40 %. Mais, cela rétrécit les possibilités d’épandage déjà restreintes par la réglementation. L’utilisation de techniques et équipements qui réduisent le temps et la surface de contact entre le produit et l’air (rampe à pendillards ou à sabots, injection dans le sol, enfouissement) sont les leviers les plus efficaces pour minimiser la volatilisation.

Les facteurs déterminants des émissions d’ammoniac au champ

 

 
TITRELes facteurs déterminants des émissions d'ammoniac au champ © Source : A. Guézengar CA ...

 

Source : A. Guézengar CA Bretagne - Terra.

Stéphane Violleau, chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme

« La valeur fertilisante est fluctuante »

 

 
S. Violleau © B. Griffoul

 

« On connaît la valeur en azote total des effluents d’élevage mais on a du mal à évaluer la valeur fertilisante réelle en équivalent engrais. C’est un facteur limitant pour bien utiliser les engrais de ferme et ajuster le complément d’azote minéral. La valeur fertilisante azotée à court terme est assez fluctuante en fonction des conditions climatiques. Si le printemps est sec et froid, l’azote organique censé se minéraliser rapidement sera moins disponible que s’il est doux et humide. Des situations que nous rencontrons souvent en altitude. »

Mise en garde

« L’organisation des chantiers [d’épandage des effluents] doit permettre leur incorporation dans les toutes premières heures, recommande l’Ademe. Les émissions d’ammoniac d’un fumier enfoui dans l’heure sont réduites de 90 %, et 80 % pour un lisier ! Le recours aux pendillards ou aux sabots déposant le lisier sous la végétation permet de diminuer respectivement de 10 à 55 % et de 40 à 70 % les émissions d’ammoniac. L’injection directe dans le sol réduit la volatilisation de 50 à 90 %. »

Des coefficients d’équivalence engrais minéral

Des coefficients d’équivalence établis par rapport à un engrais minéral de référence (ammonitrate pour l’azote, super 45 pour le phosphore, chlorure de potasse pour le potassium) permettent de déterminer la valeur fertilisante des engrais de ferme. Pour l’azote, il varie selon la période d’apport (fin d’été/automne/printemps) et le type culture (dates de semis et de récolte) qui reçoit l’effluent et correspond à l’effet direct (azote ammoniacal et azote organique minéralisé au cours du développement de la culture). Pour les lisiers, il prend également en compte les pertes par volatilisation selon qu’ils sont incorporés ou pas et les pertes par lessivage pour les apports d’automne. Dans un calcul de fertilisation, on peut ainsi remplacer un engrais minéral par son équivalent engrais organique. Ces coefficients sont intégrés dans les outils prévisionnels de fertilisation. Pour le phosphore des effluents de bovin et la potasse, le coefficient d’équivalence est égal à 1 car la totalité des éléments sont disponibles pour le couvert végétal.

Ainsi, l’épandage au printemps sur maïs de 20 t/ha de fumier de litière accumulée (coefficient de 0,3), qui contient 5,9 g/kg d’azote total, fournira 35 unités d’azote (5,9 x 20 x 0,3). Sur une prairie, avec un apport d’automne, plus que 24 unités (coefficient de 0,2) et sur céréale avec un apport de fin d’été ou automne (coefficient de 0,1) seulement 12 unités. Un épandage de 30 m3/ha de lisier pur fournira 51 unités d’azote (coefficient de 0,5), quelle que soit la culture (blé, maïs, prairie), s’il est apporté au printemps, et 31 unités sur prairie avec un apport d’automne (coefficient de 0,3).

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