Effluents d’élevage : dissocier le transport et l’épandage du lisier pour gagner en débit de chantier
Spécialiser le matériel pour le transport du lisier d’une part et pour l’épandage d’autre part, améliore le débit de chantier tout en réduisant le tassement des sols et les risques routiers. Mais cette organisation peut être gourmande en matériel et en main-d’œuvre.
Spécialiser le matériel pour le transport du lisier d’une part et pour l’épandage d’autre part, améliore le débit de chantier tout en réduisant le tassement des sols et les risques routiers. Mais cette organisation peut être gourmande en matériel et en main-d’œuvre.

Les chantiers traditionnels d’épandage de lisier ou de digestat ont atteint leurs limites avec l’agrandissement des exploitations et avec des parcelles de plus en plus éloignées des lieux de stockage. Les grosses tonnes à lisier passent parfois la majorité de leur temps sur la route.
« Dans les Cuma, nous estimons que le débit de chantier d’une grosse tonne de 24 m³ se situe en moyenne aux alentours de 50 m³/h, alors qu’elle est capable d’atteindre 100 m³/h dans le cas d’un épandage en pied de fosse », observe Hervé Masserot, animateur à la FDCuma de Mayenne. Ces machines de gros volume équipées de lourds outils d’épandage s’accompagnent d’un accroissement du gabarit et de la puissance des tracteurs. Le poids de ces ensembles dépasse allègrement le PTRA (poids total roulant autorisé) lorsque la tonne est pleine, exposant l’utilisateur à des risques routiers. Ce poids accentue également le tassement des sols. « On n’évalue encore pas suffisamment les pertes occasionnées par les besoins de décompactage et les baisses de rendement », souligne le spécialiste.
Épandre de gros volumes en peu de temps
Autre phénomène lié à l’augmentation de la taille des exploitations, ainsi qu’au développement des unités de méthanisation, les Cuma ont de plus gros volumes à épandre sur des fenêtres d’intervention plus courtes, notamment au printemps, comme l’observe Jean-Marc Roussel, animateur à la FRCuma de Bretagne. « Les jours disponibles sont comptés quand il faut enchaîner l’épandage sur les Cive, les céréales et avant l’implantation du maïs, notamment quand la météo fait des siennes. Cela impose parfois de travailler en 3 x 8. »
Face à ces contraintes, le chantier décomposé peut s’avérer payant. En dissociant le transport et l’épandage, il améliore considérablement le débit de chantier de la tonne qui se cantonne à l’épandage au champ. Une Cuma qui épand annuellement 20 000 m³ de lisier avec une tonne de 24 m³ affichant un débit de chantier de 50 m³/h doit compter 25 jours de travail en 2 x 8. Elle peut économiser dix jours en passant à 80 m³/h, en dissociant le transport de l’épandage.
« Il faut voir cette organisation comme celle qui s’est généralisée pour le fumier. On le transporte au champ avec des bennes, puis on l’épand en différé avec un outil qui ne va pas sur la route », illustre Hervé Masserot.
Le stockage intermédiaire économise du matériel
Deux stratégies peuvent s’envisager : utiliser un stockage intermédiaire ou alimenter directement le chantier. Avec un stockage intermédiaire, le lisier est transféré en dehors des périodes d’épandage. « Cette solution permet de lisser la charge de travail sans investissement supplémentaire pour assurer le transport. Quand il y a eu un regroupement d’exploitations, elle valorise les fosses des différents sites et peut résoudre les problèmes liés au volume de stockage sur le site principal. » Lorsqu’il n’existe pas de lieu de stockage disponible, les contraintes administratives rendent quasiment impossible la construction d’une nouvelle fosse en béton sur une zone où il n’y a plus d’élevage. La poche souple peut être une solution pour le digestat ou des lisiers peu épais, « mais elle est à proscrire avec le lisier de bovins qui va déposer en l’absence de brassage ».
Beaucoup moins d’heures à épandre, mais un coût au mètre cube qui grimpeComparaison de trois stratégies de chantier pour un volume de 400 m³ à épandre | |||
Chantier classique | Stockage intermédiaire | Transfert en direct | |
Distance moyenne des allers/retours entre fosse et parcelles | 16 km | 16 km + 2 km(1) | 16 km |
Matériel d’épandage | Tracteur de 150 ch avec tonne de 16 m³ équipée d’une rampe de 12 m | Tracteur de 150 ch avec tonne de 16 m³ équipée d’une rampe de 12 m | Tracteur de 150 ch avec tonne de 16 m³ équipée d’une rampe de 12 m |
Matériel de transport | idem | idem | 3 tonnes de transfert de 20 m³ avec tracteurs de 200 ch |
Débit de chantier à l’épandage | 20 m³/h | 64 m³/h | 95 m³/h |
Durée du chantier | 21 h de transport et d'épandage | 19 h de transport, puis 6 h 20 d'épandage | 4 h avec 4 chauffeurs |
Coût(2) du transport | 4 €/m³ | 8,50 €/m³ | |
Coût(2) de l’épandage | 2 €/m³ | 1,50 €/m³ | |
Coût(2) total | 4,40 €/m³ | 6 €/m³ | 10 €/m³ |
(1) distance supplémentaire entre la fosse intermédiaire et les parcelles. (2) incluant le matériel et la main d’œuvre. Source : Réseau des Cuma |
Ravitailler en temps réel avec des tonnes routières
Seconde option, le transport direct sur le lieu d’épandage évite d’être dépendant des infrastructures de stockage, mais impose des équipements de transport et de la main-d’œuvre supplémentaires.

« S’il est possible d’utiliser des tonnes existantes, il est préférable d’opter pour des machines dépouillées d’accessoires d’épandage et dotées de pneus routiers, que l’on pourra atteler à un plus petit tracteur. Sur les longues distances, l’idéal est de passer au camion semi-remorque, mais les contraintes réglementaires liées aux convois routiers et l’accès plus complexe aux parcelles sont souvent dissuasifs », analyse Hervé Masserot.
Le ravitaillement du chantier en temps réel peut s’organiser avec ou sans caisson tampon. « L’utilisation d’un caisson fait économiser une tonne à lisier et un chauffeur sur la route et ne contraint pas le volume de celle-ci en fonction de celui de l’équipement d’épandage. Cela impose en revanche de choisir des zones de ravitaillement où déposer le caisson. »
L’alimentation de la tonne d’épandage en direct depuis les tonnes de transport offre davantage de souplesse. Dans les grandes parcelles, plusieurs zones de transfert peuvent ainsi être définies pour éviter des trajets à vide de la tonne au champ.
Repères
Un outil de simulation comparant l’intérêt économique de différentes méthodes d’épandage est en cours de mise à jour. Développé dans le cadre du projet Teplis, piloté par la FRCuma Ouest, il sera disponible sous la forme d’un calculateur en ligne d’ici la fin de l’année. Il permettra de simuler des coûts et des durées de chantier pour des organisations et des matériels différents.