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Des ténébrions devenus insensibles à certains insecticides

Des chercheurs en écologie de l’université de Rennes 1 confirment expérimentalement la résistance de certaines populations de ténébrions à la cyfluthrine, qui leur était suggérée par des éleveurs.

Pulvérisation sur les bas des mûrs d'un adulticide contre le petit ténébrion (archive)
© A. Puybasset

Aux mêmes causes, les mêmes effets : des années d’usage massif et continu d’un produit biocide contre une population à éliminer conduisent à la sélection des individus les plus robustes, et à l’émergence de populations résistantes. Ce phénomène se produit avec des bactéries mais aussi avec des insectes tels que les ténébrions. L’équipe CNRS Ecobio de l’université de Rennes 1 l’a encore démontré en 2018 sur cinq substances insecticides. Une première série de tests avait été pratiquée en 2013-2014 sur six produits commerciaux, en vente à l’époque(1). « Cette fois-ci, pour être plus précis nous avons voulu utiliser les matières actives pures, sans les adjuvants ajoutés dans les formules commerciales, précise le chercheur Hervé Colinet. Et nous avons utilisé des populations provenant de onze élevages des Côtes-d’Armor et d’Ille-et-Vilaine. » Pendant cinq jours et par paquets de dix individus, ces différentes populations ont été exposées aux molécules imbibées sur du papier absorbant. Sept niveaux d’exposition ont été testés : la dose équivalente à une dose recommandée (DR) par les fabricants et six doses plus et moins fortes : témoin (pas de produit), quart de dose (0,25 DR), 0.5 DR, 5 DR, 10 DR, 20 fois la dose recommandée (et plus dans certains cas d’absences de mortalité). Le suivi de la mortalité permet de calculer la dose létale tuant la moitié de la population (DL50).

Le niveau de résistance de chaque population est obtenu en comparant sa DL50 à celle de deux populations jamais exposées (ténébrions d’animalerie servant de nourriture à des reptiles et ceux de la station de biologie de Paimpont). Une population est considérée résistante si sa DL50 est au moins dix fois supérieure à celle des populations sensibles.

Feu rouge pour la cyfluthrine

Des quatre substances testées jusqu’à leur terme(2) : azaméthiphos, cyfluthrine, perméthrine, pirimiphos méthyl, c’est la cyfluthrine qui se détache très nettement. « Il faut appliquer quatre fois la dose recommandée aux populations sensibles pour arriver à la DL50, explique David Renault, l’autre chercheur de l’équipe Ecobio impliqué dans l’étude. Et, il faut de 20 à 500 fois la dose recommandée pour tuer les ténébrions des élevages, selon les sites. » Quatre des onze populations d’élevages sont considérées comme résistantes. Pour l’azaméthiphos, la perméthrine, le pirimiphos méthyl, l’efficacité biocide mesurée est proche du niveau recommandé (2 à 5 DR) et avec une variation plus faible des DL50. Aucune résistance significative n’a pu être mise en évidence. Ces substances sont donc jugées encore efficaces. « C’est plutôt une bonne nouvelle, note Hervé Colinet, compte tenu du fait que la perméthrine fait partie d’une famille d’insecticides très employés contre les ténébrions. » Ces résultats vont dans le même sens que ceux de l’étude de 2013-2014 sur les produits commerciaux, qui avait aussi mis en évidence l’effet anesthésiant et non létal de la cyfluthrine. « Les ténébrions traités ponctuellement étaient choqués, mais ils se réveillaient au bout de 48 heures. » Pour une meilleure efficacité des traitements, les deux chercheurs déconseillent l’usage continu d’un seul insecticide, en utilisant « plutôt des molécules en alternance qu’associées dans un seul produit commercial. » Les produits doivent aussi être employés à la dose recommandée, car surdoser ou sous-doser peut contribuer à la sélection d’une population résistante.

(1) Nom commercial (et matière active) : Elector (spinosad), Mosca Grains (pirimiphos méthyl), Mosca Caps (bifenthrine), Sectine (acétamipride et perméthrine), Solfac (Cyfluthrine), Topkill (perméthrine).
(2) Le test a été arrêté pour une molécule à laquelle aucune population n’était sensible quelle que soit la dose, alors qu’elle est jugée très efficace dans les élevages (effet synergisant supposé des adjuvants ajoutés)

Alterner les modes d’action

Le Comité d’action contre la résistance aux insecticides(1) dénombre plus de trente modes d’action des insecticides. Ils agissent sur les organes (muscles, nerfs, appareil digestif) et sur la physiologie de l’insecte (croissance, respiration), selon différents mécanismes. Les substances employées contre les ténébrions opèrent selon six modes d’action (voir tableau). Pour minimiser l’apparition des résistances dans les populations, les experts de l’Irac conseillent de changer régulièrement d’insecticide en changeant de mode d’action.

 (1) Irac : Insecticide résistance action committee en anglais

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