La fabrication salers tarie, le cru 2025 amputé
Près de la moitié des producteurs de fromage salers AOP ont dû stopper la fabrication cet été, en raison des ruptures de pâture.
Près de la moitié des producteurs de fromage salers AOP ont dû stopper la fabrication cet été, en raison des ruptures de pâture.

À Espinet sur les hauteurs de Vézac, dire que la pluie était attendue avec impatience est un euphémisme. Ce mercredi matin orageux, les vaches sont encore à l’étable, nourries au foin, comme depuis un mois et demi déjà. Des sécheresses, les frères Lours en ont connues, à un rythme rapproché cette dernière décennie. Celle de 2022 est notamment dans leur mémoire : pour la première fois, la section salers du Cif(1) que
Laurent Lours préside, donnait consigne aux producteurs de salers AOP d’interrompre la production début août, faute de pâturage. L’herbe pâturée doit en effet représenter 75 % de la ration dans le cahier des charges.
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Production stoppée chez 50 % des éleveurs
Pas de consigne officielle cette année de la part de l’ODG(1), mais un appel à la responsabilité de chacun au vu d’une plus grande disparité de situations au sein des 69 exploitations de cette appellation fermière et saisonnière. Au dernier recensement, pas loin de la moitié d’entre elles avaient néanmoins stoppé la transformation du lait en salers. Nombreux sont ceux, à l’image du Gaec de l’allée d’Espinet, à avoir basculé sur la production de cantal fermier, d’autres ont préféré lever le pied et livrer en laiterie, encouragés par un prix du lait au plus haut au mois d’août. “Cela dépend des débouchés de chacun”, explique Laurent Lours, qui ne désespère pas de recourir à nouveau à la gerle en bois avant la mi-novembre et la fin de la campagne. “S’il fait une bonne arrière-saison, qu’il pleut suffisamment, on pourrait reprendre le salers vers le 15-20 septembre, le temps que l’herbe repousse..., expose le président du Cif, sans trop d’illusion. On risque bien au final d’avoir une campagne de quatre mois au lieu de sept, de mi-avril à mi-novembre.”

Une campagne salers amputée de trois mois
Une double peine alors que les récoltes printanières ont été satisfaisantes et que les ventes semblaient se redresser. Cette conjoncture avait conduit le Cif à notifier des volumes de production stables aux producteurs (par rapport à 2024) dans le cadre du dispositif RRO (règle de régulation de l’offre). En grillant précocement les prairies, la canicule de juin a tout remis en cause.
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Avec quelles conséquences économiques pour les producteurs ? “Ce qu’on n’a pas produit cet été va manquer au printemps 2026 pour faire le tuilage avec la prochaine campagne”, répond Laurent Lours. La substitution par du cantal fermier se traduit par un écart de valorisation de l’ordre de 25 à 30 %. Cependant, difficile de chiffrer un manque à gagner moyen : “Encore une fois, cela dépend des débouchés de chacun : selon par exemple qu’on vend tout à l’affineur ou pas. Et puis certains affineurs rechignent à ramasser du cantal fermier au lieu du salers... contrairement à la GMS”, estime l’agriculteur vézacois.
Et avec un autre cahier des charges ?
S’il était en vigueur, le projet de nouveau cahier des charges de l’AOP salers aurait-il changé la donne cet été ? En abaissant le seuil de pâturage obligatoire à 50 %, soit la possibilité d’affourager chaque vache à hauteur de 500 kilos de foin sur la saison, “cela aurait donné un peu plus de souplesse et aurait permis de gagner un mois même s’il y aurait eu une coupure quand même”, juge le responsable de la section. Pourquoi dès lors, au vu de la répétition et de l’intensité accrue des sécheresses, n’avoir pas proposé davantage d’affouragement ? “Même si le changement climatique nous bouscule, on ne peut pas tout changer du jour au lendemain, on est sur une production traditionnelle basée sur l’herbe et on ne peut pas mentir au consommateur”, tranche Laurent Lours.
Sur ce sujet : /agriculture-massif-central/node/26331
(1) Comité interprofessionnel des fromages, organisme de défense et gestion des AOP cantal et salers.