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Viticulture : pailler le rang quand la mécanisation peine

Les recherches autour du paillage se poursuivent, en vue de trouver un modèle technico-économique cohérent. Il est principalement envisagé aujourd’hui sur des parcelles peu mécanisables.

<em class="placeholder">Toile Duravigne en place.</em>
En Suisse, la toile en bioplastique Duravigne conquiert de plus en plus de viticulteurs.
© CCD SA

Bois raméal fragmenté (BRF), feutres végétaux, paille de miscanthus, toile en bioplastique… les options de paillages pour le cavaillon sont nombreuses. Si les études qui ont été faites jusqu’ici mettent en lumière les limites de cette technique, les instituts s’évertuent à trouver la bonne combinaison. « Il ressort toujours assez clairement que la mise en place et le coût sont de fortes contraintes, analyse Caroline Gouttesoulard, à l’IFV Rhône-Méditerranée. Mais sur le plan technique ça n’est pas une aberration, les paillages alternatifs ont fait leurs preuves en maraîchage. Nous devons approfondir. » Et de citer par exemple la nécessité d’un projet entier sur les feutres car tous n’ont pas la même matière, la même épaisseur, et tous ne se valent pas. « Il y en a tout un tas ! », s’étonne-t-elle.

Pour l’heure, l’ingénieure a comparé dans le Gard des BRF locaux de résineux, châtaigniers et peupliers (avec 10 cm d’épaisseur), de la paille de miscanthus (même épaisseur) et un feutre en fibres naturelles (Thorenap de Sotextho). De façon générale, les taux de recouvrement par les adventices au bout de trois ans ont oscillé entre 15 et 38 %, alors que le témoin a été recouvert à 76 %. Le feutre a obtenu le moins bon score, mais il faut dire qu’il s’est fait déchiqueter par les chevreuils et sangliers. « Je crois pas mal à la paille de miscanthus, confesse Caroline Gouttesoulard. Une fois qu’elle s’est bien tassée au sol il n’y a pas de prise au vent, et elle se révèle plutôt efficace. Mais aussi, une filière semble se dessiner et son coût pourrait être limité en développant l’autoproduction. »

Trois années sans avoir à travailler le sol

Laurent Habrard, vigneron à Gervans, dans la Drôme, s’est laissé séduire par l’idée du miscanthus en 2018. Lors de la plantation d’une parcelle de saint-joseph de 20 ares en très forte pente, il a appliqué une quinzaine de centimètres de paille. « Je n’ai pas eu à intervenir pendant trois ans, il n’y a que quelques liserons et chardons qui se sont développés et que nous avons arrachés à la main en passant pour les travaux en vert », témoigne-t-il. À la plantation suivante, il a renouvelé l’essai. Mais un fort vent la semaine suivant l’installation du paillage l’a fait quasiment disparaître. « Je ne l’ai pas remplacé, car c’est un budget important et beaucoup de travail pour l’installer », regrette le vigneron. Fort de son expérience, il sait maintenant qu’il ne réserverait cette technique que sur les parcelles non mécanisables et poserait le paillage à l’automne pour profiter des pluies et de leur effet de tassement.

Le vent n’est pas la seule menace qui pèse sur les paillages. L’activité des organismes vivants dans le sol peut se révéler tout aussi redoutable. « Dans le cadre de notre projet, il y avait un deuxième site d’expérimentation, dans le Sud-Ouest. À modalité équivalente, la dégradation y a été très différente de celle de nos parcelles en costières, souligne Caroline Gouttesoulard. Plus la terre est fertile et riche en micro-organismes, plus elle est rapide. » De façon générale, les plaquettes ou broyats les plus fins sont ceux qui se dégradent le plus vite. La pire modalité dans le Tarn ayant été celle composée de déchets verts, où il a fallu renouveler le paillage chaque année.

Par ailleurs, les micro-organismes du sol apprécient également les feutres en fibres naturelles. Frédéric Berne en a fait l’expérience sur une vigne de morgon, dans le Beaujolais. « Sur une parcelle en banquette difficilement mécanisable, j’ai comparé des feutres en chanvre avec des toiles de paillage synthétiques, relate le vigneron. Les feutres ont commencé à être dégradés par la vie du sol dès la deuxième année, et les toiles par les UV en cinq ans. » In fine, c’est la modalité où il a installé du feutre au-dessus de la toile qui se montre intéressante sur le long terme, puisqu’il n’a toujours pas travaillé son cavaillon depuis 2015. Ils se protègent l’un l’autre. Le vigneron n’a pas prévu de généraliser ce système pour autant, eu égard au prix et au temps que nécessite l’installation. « Je pense que ça peut être une solution dans des cas très particuliers, mais elle perd son intérêt dès que le travail du sol est facilement réalisable », estime-t-il.

D’autres effets bénéfiques sont à prendre en considération

C’est la conclusion à laquelle est également arrivée Agnès Boisson, conseillère en viticulture biologique chez Bio Bourgogne, et qui a expérimenté le feutre Géochanvre entre 2022 et 2024. « À l’heure actuelle ce n’est pas une option pérenne d’un point de vue technico-économique, considère-t-elle. Ce qui est dommage car les sondes capacitives ont montré des résultats clairs sur le maintien de l’humidité, à plus forte raison les années sèches, mais aussi un recul du débourrement significatif de quatre jours. Le rêve serait d’avoir un paillage amovible que l’on peut monter et baisser comme un filet antigrêle ! »

<em class="placeholder">Feutre sur le cavaillon de vigne</em>
Les feutres d'origine végétale font l'objet de nombreuses expérimentations. © C. Gouttesoulard

Une autre voie, peu explorée, est celle des paillages plastiques en biopolymères. La société belge Phormium propose par exemple la solution Duravigne, une toile faite à base d’amidon de maïs et 100 % biodégradable, annoncée avec une durée de vie comprise entre sept et dix ans. En Suisse, elle a fait l’objet de subventions et est distribuée dans le vignoble valaisan par la société CCD SA. « Nous annoncions plutôt cinq à six ans de longévité à nos premiers clients, mais nous sommes étonnés de voir que certains paillages remplissent encore leur fonction après dix ans, relate le dirigeant, Louis Guinchard. De plus en plus de viticulteurs s’y mettent, et ceux qui l’ont déjà essayée en commandent de nouveau. » Ce paillage est généralement employé à la plantation, sur les coteaux ou terrasses en bio, difficiles à mécaniser. Le Duravigne est actuellement testé par l’Inrae de Colmar dans le cadre du programme Biocontrôle et équilibre de l’écosystème vigne (BEE). Quoi qu’il en soit, cette solution aura les inconvénients des feutres et toiles, à savoir qu’ils sont soumis au risque d’arrachement par les outils de travail du sol de l’interrang, notamment les griffons.

La tuile plastique ne perce pas

<em class="placeholder">Tuiles Tal-Ya sur vigne.</em>
La forme des tuiles Tal-Ya permet également de capter la rosée. © Facebook/TalYa
La tuile de paillage Symbio a créé le buzz entre 2017 et 2020. Cette solution en plastique recyclé, constituée de modules de 40 cm de large pour 90 à 110 cm de long était annoncée comme un mode de paillage pérenne, devant durer dix ans a minima. La réflexion a été poussée jusqu’à servir par la même occasion de support pour l’irrigation goutte-à-goutte. La chambre d’agriculture du Vaucluse l’avait testée en 2021 et jugée intéressante mais encore onéreuse car non industrialisée. L’aventure de Symbio semble s’être arrêtée en 2022 lorsque l’entreprise Inovinéa a vendu son brevet à un groupe industriel spécialiste du plastique. Ce dernier, contacté par nos soins, n’a pas répondu à nos sollicitations. L’entreprise israélienne Tal-Ya a également travaillé au développement d’une tuile de paillage en plastique, dont la forme permet de récolter la rosée et de l’acheminer vers le pied de la plante. Si le site internet de la firme existe toujours, les contacts sont aux abonnés absents…

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