Méthaniser le couvert des vignes pour faire du gaz vert ? GRDF y croît !
Au pied de la montagne Sainte-Victoire, des viticulteurs s’apprêtent à créer du biogaz à partir de biomasse cultivée en interrang. Zoom sur ce projet d’économie circulaire.

Et si la viticulture contribuait à la création de gaz vert pour le réseau GRDF ? Le gazier français est en tout cas convaincu par l’idée. Il a présenté courant avril l’avancement de son tout premier projet de méthanisation dans la filière viticole, en association avec les Vignerons de la Sainte-Victoire. « Tout ce qui est organique peut faire du biogaz, explique Guilhem Armanet, directeur GRDF Sud-Est. Nous avons déjà 750 méthaniseurs qui injectent dans le réseau, à partir d’effluents d’élevage ou de biomasse végétale, mais cette nouvelle réalisation est véritablement innovante. » Le projet MethaValArc se veut vertueux à plus d’un titre. Il est taillé pour créer de l’énergie tout en diffusant les pratiques agroécologiques au vignoble. Car les premiers intrants destinés à nourrir le digesteur ne sont autres que les couverts végétaux cultivés entre les rangs pendant le repos végétatif de la vigne.
Les digestats de méthanisation pour compenser l'export
Pendant deux ans, l’IFV et les Vignerons de la Sainte-Victoire se sont évertués, lors du projet Intervignes, à collecter les données agronomiques relatives à la mise en culture des interrangs. « Les résultats montrent que cette pratique n’a pas d’impact sur les vignes que ce soit sur le plan hydrique ou minéral, pose Jean-Jacques Balikian, directeur de l’association des Vignerons de la Sainte-Victoire. Au contraire, la présence du couvert pendant la saison hivernale permet de maximiser l’infiltration des eaux de pluie et de favoriser la vie du sol. » Des échantillons de cultures (avoine, barjelade-mélange avec 40 % d'avoine, 40 % d'orge et 20 % de vesce-, féverole) ont fait l’objet d’analyse, et montrent un fort pouvoir méthanogène. Par ailleurs, les vignerons ont commencé à adapter une petite ensileuse traînée, trouvée d’occasion, pour la future récolte des couverts.
Puisque ces couverts végétaux ne seraient pas directement retournés au sol, l’idée est de rapporter les éléments minéraux plus tard sous la forme de digestats de méthanisation. « Aussi nous expérimentons l’effet d’une fertilisation minérale par rapport à des digestats mélangés à de la matière végétale affinée », informe Constance Cunty, de l’IFV.
Engrais verts et effluents de chai pour alimenter le méthaniseur
En plus de cette biomasse issue des vignes, le méthanisateur recevra les effluents de chai des caves coopératives de la Sainte-Victoire. Car, cerise sur le gâteau, les analyses ont montré qu’ils sont eux aussi méthanogènes. Une bénédiction, pour la cave Lou Bassaquet à Trets, dans les Bouches-du-Rhône, qui gère 20 000 hectolitres d’effluents par an. « Cela simplifie grandement les choses par rapport à un épandage, et en plus cela permet de les valoriser », se réjouit Fabien Doudon, président de la cave.
La création du méthaniseur est pilotée par l’entreprise gardoise Tenea Energies, spécialiste de la fabrication d’énergie verte à la ferme. « Nous entrons dans la phase concrète, révèle Benoît Giraud, codirigeant de Tenea Energies. Un terrain a été identifié sur la commune de Peynier, près d’une conduite de gaz, nous finalisons les dossiers réglementaires et la création de la société d’exploitation. » L’objectif de mise en service est prévu pour les vendanges 2026. Outre l’association des Vignerons de la Sainte-Victoire, le projet doit rassembler cinq caves coopératives ainsi que quelques caves particulières intéressées pour la gestion de leurs effluents. « L’idée est d’avoir une démarche collective et d’alimenter le digesteur avec des intrants locaux, ayant fait 25 kilomètres maximum, poursuit Benoît Giraud. Un modèle qui pourrait être duplicable dans d’autres territoires viticoles. » GRDF a calculé un potentiel à l’échelle du vignoble provençal de 125 GWh/an, soit l’équivalent de 31000 logements chauffés au gaz renouvelable.
Un moyen d’amortir le coût des engrais verts
D’un point de vue économique, il est prévu que la biomasse soit achetée par la société d’exploitation aux viticulteurs. Les porteurs de projet vont construire un prix d’achat qui prendra en compte les coûts de production et de récolte. Le but étant de créer un revenu stable pour aider les viticulteurs engagés dans cette démarche. « Cela en incitera peut-être aussi certains à laisser le sol se reposer entre le moment de l’arrachage et celui de la replantation, en cultivant des couverts rémunérés », espère Jean-Jacques Balikian, directeur de l’association des Vignerons de la Sainte-Victoire.