Mal-être agricole : pourquoi se former au secourisme en santé mentale ?
Alors que les effets déstabilisateurs de la crise se font de plus en plus sentir, la formation de premiers secours en santé mentale peut être un levier de détection et de prévention précieux. Zoom sur cet outil qui se veut accessible à tous.
Alors que les effets déstabilisateurs de la crise se font de plus en plus sentir, la formation de premiers secours en santé mentale peut être un levier de détection et de prévention précieux. Zoom sur cet outil qui se veut accessible à tous.

Vous connaissez les formations en secourisme, qui enseignent les bons gestes de premiers secours. Sachez que ce principe s’applique aussi à la santé mentale avec la formation de premiers secours en santé mentale (PSSM). Elle est accessible à tous. « Tout le monde peut prendre conscience qu’on a une santé mentale et qu’il faut en prendre soin comme on prend soin de sa santé physique. Le programme de premiers secours en santé mentale apporte des connaissances et complète avec des mises en situation. Ça permet de faire tomber les tabous, d’oser aller vers quelqu’un qui ne va pas bien, de donner confiance, de montrer que quelqu’un est là pour écouter », expose Caroline Jeanpierre, directrice de l’association Premiers secours en santé mentale France, qui déploie cette méthode en France.
« La santé mentale ne relève pas de la folie, de la paresse, de la honte, insiste-t-elle. Notre but est que l’on puisse en parler très simplement. » Sur son site, l’association PSSM France rappelle que les problèmes de santé mentale touchent un Français sur quatre.
Constituer un réseau dense de secouristes
S’adresser à tous est l’une des particularités du programme. « Ce n’est pas une formation pour les soignants, c’est une approche citoyenne », explique Caroline Jeanpierre. L’association vise donc à infuser tous les secteurs professionnels. Il n’y a aucun prérequis. Nul besoin d’avoir des bases en psychologie ou psychiatrie.
Le premier objectif est de poser les bons mots sur les troubles, de comprendre ce qui relève de la santé mentale et ce qui n’en relève pas. « La terminologie liée à la santé mentale est très mal utilisée. Cela contribue à maintenir une forme de stigmatisation », estime la directrice de PSSM France. La formation se concentre particulièrement sur les troubles dépressifs, anxieux, psychotiques et liés à l’utilisation de substances. Ce sont les quatre troubles psychiques les plus fréquents.
Le programme décline un plan d’action baptisé Aérer en cinq étapes : approcher, écouter, réconforter, encourager, renseigner. « Peu importe l’ordre », décrit Caroline Jeanpierre. Elle souligne que le secouriste n’est pas dans une position de soignant, ni de super-héros mais de « passeur ». Il acquiert la capacité d’éviter que quelqu’un s’isole en sachant analyser les bons signaux et en l’orientant vers un accompagnement ou des ressources adaptés. Quitte à revenir vers la personne, qui souvent ne se livre pas tout de suite mais a besoin de temps pour être en confiance. Grâce au secouriste, la prise en charge sera plus précoce. Le premier niveau d’orientation sera celui d’un médecin généraliste, qui souvent n’a pas été consulté ou l’a été sans oser parler des problèmes.
Une formation dispensée sur 14 heures
Depuis sa constitution en 2019, PSSM France a formé 220 000 personnes sur le territoire national et ultramarin. Elle développe dans ce but un réseau de formateurs. Le présentiel est le mode le plus adéquat. Le distanciel, mis au point pendant la période de Covid, concerne seulement 1 % des formations dispensées. Toujours dans le souci d’inciter un maximum de personnes à se former, l’organisation se veut souple. Les 14 heures de formation se répartissent sur deux jours consécutifs, ou deux jours espacés sur une plage de quinze jours ou encore sur quatre demi-journées échelonnées sur un mois maximum. Les formateurs accrédités sont à retrouver sur le site de l’association.
Une formation peut être montée sur demande, par exemple pour un ODG ou une fédération de vignerons, pour 8 personnes minimum et jusqu’à 16 personnes. Certains formateurs acceptent des cessions le samedi, mentionne Caroline Jeanpierre. Le prix est de 250 euros, finançable par les opérateurs de compétences Vivéa et Ocapiat. Pour ceux qui n’y cotisent pas, un fonds solidaire est mis en place. Pour l’instant, la formation n’est pas éligible au CPF mais un dossier a été déposé pour que ce mode d’accès puisse s’ajouter. Elle peut être prise en charge dans le cadre de certains projets territoriaux sur la santé mentale, signale aussi Caroline Jeanpierre.
La formation se déploie dans le secteur agricole
L’agriculture entre pleinement dans le spectre de l’association. Caroline Jeanpierre observe que dans ce secteur, c’est particulièrement compliqué « pour quelqu’un qui a toujours beaucoup travaillé de voir qu’il n’arrive plus à avancer ». La MSA des Charentes est précurseure du déploiement de formations PSSM dans le cadre du programme de prévention du mal-être agricole via la structure associative Atouts & Compétences. L’objectif est de former des élus de la MSA et pas seulement les travailleurs sociaux et les animateurs de territoire. Laurie Fortuné, formatrice accréditée PSSM pour Atouts & Compétences, constate « une très forte demande », suite au bouche-à-oreille, après que les premiers élus MSA aient été formés. L’approche est différente des formations Sentinelle délivrées par la MSA, plutôt centrées sur les risques suicidaires. « C’est plus large », indique la formatrice. « Les élus qui se sont formés nous disent que ça leur permet d’être plus attentifs et d’identifier les premiers signes de souffrance. La formation fait écho à des situations qu’ils ont déjà rencontrées mais ils se sentent beaucoup plus à l’aise pour aborder le sujet car plus assurés d’utiliser les bons mots et mieux armés », atteste Laurie Fortuné. Ils prennent aussi conscience de leurs propres limites. « Donner un bon relais, c’est déjà aider », encourage-t-elle. Les secouristes repartent avec un manuel et des ressources nationales et locales. Une vingtaine d’élus ont été formés sur 2024-2025. Le volant de secouristes va encore s’accroître suite à l’élection de nouveaux délégués en juin dernier, qui pourront aussi se former.
voir plus loin
D’où vient le secourisme en santé mentale ?

La formation premiers secours en santé mentale (PSSM) a été imaginée en Australie, par une infirmière qui a constaté le manque de relais en santé mentale alors qu’elle était confrontée à une dépression. Observant le fort besoin de lever les tabous et d’agir pour la santé mentale, l’association PSSM France a décidé de développer ce programme en France. Elle a pour objectif d’avoir formé 800 000 secouristes à fin 2030.