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Les biofilms microbiens à l’épreuve de la science

 Les biofilms, des agglomérats de microorganismes adhérant à un support, seraient une forme de résistance aux produits désinfectants. Les chercheurs se saisissent du sujet.

Le 42e congrès de l'OIV qui s'est déroulé à Genève en juillet dernier, a permis à quelques 730 congressistes d'assister à 348 présentations techniques et scientifiques, dont l'une traitait des biofilms microbiens. © Studios Casagrande
Le 42e congrès de l'OIV qui s'est déroulé à Genève en juillet dernier, a permis à quelques 730 congressistes d'assister à 348 présentations techniques et scientifiques, dont l'une traitait des biofilms microbiens.
© Studios Casagrande

Voilà des années que Marie-Noëlle Bellon, enseignante-chercheuse à AgroParistech, étudie les biofilms microbiens pour le compte de l’industrie agroalimentaire. Mais en œnologie, ce n’est que très récemment que les chercheurs se sont penchés sur le sujet. Si bien que pour la plupart des œnologues, le concept reste encore assez flou. “Un biofilm est un phénomène séquentiel, dynamique et naturel caractérisé par l’agglomération de micro-organismes capables de s’ancrer sur des surfaces biotiques et abiotiques”, a défini Marie-Noëlle Bellon lors d’une réunion Smartlink au laboratoire Excell, en Gironde. Une structure qui conférerait aux micro-organismes des capacités de résistance supérieures. Pour l’heure, les connaissances sur les biofilms et notamment sur la capacité des différents micro-organismes à se structurer ainsi ne permettent pas d’établir précisément les mécanismes qui entrent en jeu pour créer ce phénomène d’adhésion. “Il s’agit a priori d’interactions physico-chimiques et électrostatiques, qui sont très dépendantes des conditions environnementales, comme la dureté de l’eau utilisée pour le rinçage », a dévoilé la chercheuse parisienne. Une piste sérieuse, mais qui fait débat au sein de la communauté scientifique. « Chimistes et microbiologistes ne sont pas tout à fait d’accord”, a-t-elle complété. Les travaux qu’elle a menés ont révélé deux structures types de biofilms, dépendantes de la nature du matériau. « On distingue la structure en tapis de celle en patch, chacune pouvant être plus ou moins poreuse et plus ou moins dense selon le milieu », a-t-elle relaté.

Un focus sur les biofilms de Brettanomyces

C’est d’ailleurs spécifiquement sur ce point que l’équipe de Sandrine Rousseaux, maître de conférences à l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV) de Dijon, travaille en ce moment. La chercheuse a ainsi présenté les premiers résultats de ses travaux à l’occasion du 42e congrès de l’OIV (1) qui s’est déroulé en Suisse en juillet dernier. Ses expérimentations sont ciblées sur les biofilms de Brettanomyces, « très peu étudiés jusqu’ici ». Elle a observé l’évolution de deux souches différentes de bretts, sur trois supports différents : le polystyrène, l’acier inoxydable et le bois. « Au bout de sept jours, il y avait un tapis de bretts sur l’ensemble des matériaux, d’environ 9 µm d’épaisseur, qui s’apparentait plutôt à une microcolonie qu’à un biofilm », a relaté la chercheuse. Au bout de quatorze jours, certaines cellules entraient en état viable mais non cultivable. Ses expériences révèlent par ailleurs des différences statistiques sur les cinétiques de formation du biofilm. « Sur l’inox, le phénomène d’adhésion apparaît très rapidement mais le nombre d’individus au sein de la colonie a tendance à se maintenir au cours du temps. En revanche sur le bois, l’adhésion est plus longue, mais une fois établie, les populations se développent très rapidement, en 2 h à 48 h », a exposé la chercheuse.

Une structure en filaments à l'origine de la résistance

Une étude plus détaillée des levures présentes dans le biofilm a mis en évidence la présence de structures filamenteuses. Ces dernières ont été décrites dans d’autres travaux de recherche lorsque Brettanomyces est soumise à des conditions de stress. « Les extrémités des filaments sont composées de cellules plus rondes et plus larges, à l’instar des chlamydospores formées par les champignons pour survivre d’une année sur l’autre. Brettanomyces serait donc capable d’atteindre cette forme de résistance particulière par l’intermédiaire des biofilms », a avancé Sandrine Rousseaux. Des constats qui sont encore loin d’être des conclusions, " leur structure, leur rôle et leur mécanisme de formation restant encore à valider".

Des impasses pour éliminer efficacement les biofilms lors du nettoyage

Sandrine Rousseaux a également présenté des résultats préliminaires sur l’utilisation des agents de nettoyage en vue d’éliminer ces biofilms. « Nous avons testé la modalité classiquement utilisée dans les caves, à savoir une formulation à base de soude et de peroxyde d’hydrogène à 5 %, et une modalité plus écologique, composée d’acide lactique à 5 % », a-t-elle indiqué. Après quinze minutes de contact, un dénombrement sur milieux de culture a été réalisé ainsi qu’une cytométrie de flux. Les deux souches de Brettanomyces ont été détectées par dénombrement dans le cas du traitement à l’acide lactique. « Pour le traitement classique, il y a un effet souche à valider car nous en avons détecté une sur deux par cytométrie de flux », a reconnu la chercheuse. Ainsi, les pistes concernant l’élimination du biofilm sont encore nombreuses à explorer. Comme l’a rappelé Isabelle Masneuf – directrice de la recherche à Bordeaux Sciences Agro – également présente lors de la réunion Smartlink au laboratoire Excell, « en l’absence de données décrivant parfaitement l’ensemble des phénomènes en jeu, certains principes essentiels doivent absolument être respectés. Parmi ceux-ci, il faut compter le nettoyage régulier du petit matériel de chai ainsi que l’évacuation systématique des eaux stagnantes. »

(1) Organisation internationale de la vigne et du vin.

en bref

Un projet de thèse sur les biofilms

Fin 2020, le laboratoire Excell financera un projet de thèse « afin de mieux caractériser les biofilms microbiens à la cave, les interactions entre ce consortium microbiologique et Brettanomyces, les stratégies d’hygiène et les outils de diagnostics » a indiqué le laboratoire. Isabelle Masneuf, directrice de la recherche à Bordeaux Sciences Agro et Marie-Noëlle Bellon, enseignante-chercheuse à AgroParistech, encadreront ces travaux. Des essais sur le terrain seront nécessaires pour valider les avancées du projet. Vous pouvez solliciter Vincent Renouf, directeur du laboratoire Excell, pour prendre part aux expérimentations.

voir plus loin

Six résolutions adoptées par l’OIV en œnologie

Le 42e congrès de l’OIV s’est conclu par la traditionnelle assemblée générale, au cours de laquelle 18 nouvelles résolutions ont été adoptées. Six d’entre-elles concernent les pratiques œnologiques :

- L’ajout de tanins œnologiques dans les vins à des fins antioxydantes et de stabilisation de la couleur est validé en complément de la stabilisation protéique et du collage.
- Le traitement de raisins foulés aux ultrasons en vue de réduire les temps des macérations est désormais possible.
- La cellulose alimentaire est adoptée en tant qu’activateur de fermentation.
- Le recours aux bactéries lactiques pour désacidifier les moûts est entériné.
- Le traitement des raisins et des moûts par des procédés à hautes pressions hydrostatiques discontinus, pour réduire la charge microbienne et limiter le sulfitage est homologué.
- La limite autorisée de gomme de cellulose dans les vins blancs est désormais de 200 mg/l, contre 100 mg/l auparavant. Ce composé est utilisé pour la stabilisation tartrique.

 

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