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A L'EPREUVE DU TERRAIN
Dix viticulteurs de la Loire expérimentent à tout va

Les fermes du réseau Déphy ont notamment pour mission de démontrer et d’expérimenter des systèmes économes en intrants. En Indre-et-Loire, un groupe de dix viticulteurs, particulièrement motivés, réussissent ce pari en explorant de nombreux leviers techniques.

Réseau des groupes de fermes Dephy Ecophyto.
Réseau des groupes de fermes Dephy Ecophyto.
© Maaprat

“ Depuis la mise en place du réseau Déphy des exploitations viticoles d’Indre-et-Loire en 2012, l’IFT moyen du groupe a diminué de 27 % et ceci avec 0 % de pertes de récolte. Les viticulteurs ayant mis en œuvre des pratiques alternatives ont réduit de 35 % leur IFT moyen en 2013 par rapport à la référence régionale de 15. Il n’y a plus qu’un seul traitement insecticide par campagne.  Pour certains, cet insecticide est ciblé sur les parcelles sensibles. Le relevé de pièges à tordeuses permet d’ajuster les traitements au risque réel de pression. L’utilisation des herbicides a également diminué. ” Adeline Mallet, conseillère viticole de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire et œnologue conseil, anime, depuis sa création, ce réseau de dix viticulteurs volontaires pour tester des conduites économes en intrant. À l’écouter présenter ces résultats dans la salle de la maison des vins de Bourgueil, la réduction des intrants semble presque simple, d’autant que les baisses affichées se sont effectuées durant des années de fortes pressions.


La réalité n’est pas aussi idyllique, reconnaît-elle. La bonne nouvelle : c’est qu’incontestablement les leviers de réduction des intrants donnent de bons résultats sans nuire à la qualité et la quantité de la vendange. Outre un travail approfondi sur le réglage du pulvérisateur, Optidose, méthode d’adaptation de doses à la surface foliaire, a été mise en œuvre sur neuf exploitations en 2013. Cette méthode a permis de réduire de 35 % la quantité de produit mildiou par rapport à des passages à dose homologuée. Adeline Mallet passe une fois par semaine sur chaque exploitation pour réaliser les comptages, estimer la pression mildiou et préconiser à chaque viticulteur la dose optimale de traitements. De fait, les doses sont de plus en plus adaptées au risque réel. Avant l’application de la méthode, certains viticulteurs appliquaient à vue de nez une adaptation des doses, leur permettant de réaliser une économie moyenne de l’IFT mildiou de 10 %. Optidose améliore ce résultat avec une économie moyenne de 25 %.

 
Mais les viticulteurs se sentent-ils prêts à prendre leur autonomie et calculer eux-mêmes leur dose ? Pour Thierry Houx, coopérateur sur l’appellation bourgueil, “ Optidose : c’est envisageable. Mais son couplage avec Mildium est vraiment trop compliqué. ” Sur la moitié de son exploitation, soit six hectares, ce viticulteur qui aime à tester tout un tas de pistes techniques, a souhaité coupler Optidose et Mildium. Ce processus opérationnel de décision n’est encore que très rarement diffusé sur le terrain car il nécessite une surveillance intensive des parcelles. Il vise à réduire le nombre de passages fongicides sans réduction de doses et permet notamment le couplage des traitements mildiou et oïdium. Les résultats obtenus par Thierry Houx sont très encourageants (cf graphique) et il envisage de l’étendre à l’ensemble de ses 16,5 hectares en 2014… avec l’appui d’Adeline Mallet. Le conseil technique apparaît crucial.

Jouer à pile ou face avec la météo


La baisse des IFT est aussi conditionnée à l’harmonie entre les traitements et les conditions climatiques. “ Il nous faut davantage de précision sur les bulletins météo ”, insiste Thierry Houx. La maîtrise des traitements a mieux réussi dans certaines exploitations simplement parce que certains sont passés juste avant les pluies, alors que d’autres, moins chanceux, sont passés après. Arrêter de jouer à pile ou face avec la météo serait ainsi une marge de progrès possible… D’autres freins limitent aussi les résultats. Il y a les viticulteurs qui avaient déjà mis en place une viticulture raisonnée et paraissent avoir atteint un seuil en deçà duquel le risque pris devient inacceptable. Il y a ceux qui décrochent pour des raisons économiques. Agrandissement très rapide de l’exploitation, accident climatique, incapacité à investir dans du matériel adapté sont autant de raisons qui amènent les viticulteurs à se couvrir.

 

Essais sur les engrais verts


Le groupe s’est aussi beaucoup intéressé à la gestion de l’entretien du sol, afin de maîtriser l’enherbement. Les sols d’Indre-et-Loire ne permettent que difficilement de procéder à un enherbement total, c’est donc vers la recherche d’un équilibre optimum entre désherbage chimique et mécanique que les viticulteurs s’orientent. Thierry Houx désherbe mécaniquement et chimiquement le cavaillon, et enherbe le rang avec des engrais verts. Il s’est construit, lui-même, un rolofaca. L’intérêt de cet outil est de créer un mulch qui conserve l’humidité du sol. De plus le couvert roulé consomme moins d’eau qu’un gazon tondu. Ce qui est intéressant en sol sableux. Thierry Houx détruit son couvert avant le débourrement pour profiter du relargage d’azote au moment où la vigne en a besoin.
Un autre membre du groupe va tester une stratégie de gestion assez inédite qui reprend le principe de la rotation. Il s’agit de réaliser trois îlots de parcelles. Le premier reçoit un désherbage chimique, le second un désherbage mécanique et le dernier est tondu. L’année suivante, une rotation des pratiques est mise en œuvre. L’idée est de permettre une alternance des méthodes d’entretien du sol, et ainsi d’alléger leurs inconvénients économiques ou environnementaux respectifs. “ Nos calculs estiment le coût d’un tel entretien à 264 euros/ha ”, précise Adeline Mallet.

La biodiversité en ligne de mire


Une des prochaines étapes de travail du groupe tournera certainement autour de la biodiversité. Déjà certains viticulteurs s’y intéressent. Thierry Houx veut trouver le moyen de multiplier la population des carabes. “ Nous avons de plus en plus de problèmes d’escargots. Les carabes sont d’excellents prédateurs ”, indique le viticulteur. Un autre vigneron, Philippe Boucard, qui a eu récemment son heure de gloire médiatique en accueillant 250 poules sur 0,5 hectare de ses vignes, veut attirer les chauves-souris. Il a installé vingt nichoirs en bordure de parcelle que son beau-frère a fabriqué lui-même. “ C’est le système D. Cela nous a coûté seulement cent euros de fournitures ”, explique le viticulteur. Et si Philippe Boucard veut héberger ces chiroptères, c’est parce qu’ils se nourrissent de tordeuses comme eudemis et cochylis dans un rayon de 2 à 10 kilomètres autour de leur nid. Il a également planté des haies dans des fossés pour permettre aux chauve-souris de se déplacer. L’alignement des haies leur sont en effet des repères indispensables.


Pour Adeline Mallet, beaucoup reste encore à faire car elle est persuadée que des baisses sont encore possibles, notamment en travaillant sur la qualité de la pulvérisation. Elle milite en faveur des pulvérisateurs à jet porté avec panneaux de récupération. Vu sa ténacité, il est probable que des viticulteurs se laissent convaincre !

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