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Des vins boisés en seulement quelques jours

Réduire les durées d’élevage et alléger la pénibilité, tels sont les avantages des automates de boisage. Aldwin Vieira, œnologue à Fonjoya, dans l’Hérault, a testé les deux du marché. Bilan.

L'Enotimatic 100, commercialisé par la société Ever, est composé d'une cuve dans laquelle on insère jusqu'à 25 kg de copeaux et 25 l de vin.
L'Enotimatic 100, commercialisé par la société Ever, est composé d'une cuve dans laquelle on insère jusqu'à 25 kg de copeaux et 25 l de vin.
© J. Gravé

La cave coopérative Fonjoya, à Saint-Saturnin-de-Lucian, dans l’Hérault, exporte environ 80 % des 50 000 hl de vin qu’elle produit chaque année. « On utilise les bois œnologiques sur environ 8 000 hl de vin rouge, et on prévoit d’augmenter de 5 à 10 % par an le volume de vin à boiser », explique Aldwin Vieira, œnologue chez Fonjoya. Face à une clientèle qui impose des délais parfois très courts, le responsable cherche un moyen de gagner du temps lors de l’élevage, tout en préservant la qualité de ses vins.

Le principe « du sachet de thé que l’on remue dans l’eau »

Le Smart oak se compose d'un automate et d'une, deux ou trois cuves de 10 hl montées en série.

Il y a deux ans, il a testé le Smart oak, commercialisé par Pellenc-Pera Œnoprocess. En 2021, c’est l’Enotimatic, de la société Ever, qu’il a mis à l’épreuve. Les deux machines reposent toutes deux sur le principe d’un boisage dynamique, et s’utilisent après fermentation alcoolique. Mais la technique d’extraction diffère. « Smart oak fonctionne selon le principe du sachet de thé que l’on remue pour accélérer la diffusion », commente Anne-Claire Bonneau, œnologue chez Pellenc-Pera Œnoprocess. La machine permet de boiser jusqu’à 30 hl en un cycle, répartis dans trois cuves de 10 hl montées en série. Sur l’interface, l’utilisateur indique la quantité de bois (copeaux, staves ou blocks) insérée dans la cuve, le nombre de cuves, le degré alcoolique ainsi que le volume de la cuve mère. « Il choisit également le programme à appliquer. Un cycle court dure 6 à 8 jours, un cycle classique 8 à 11 jours et un cycle long 9 à 12 jours », complète la spécialiste. Après remplissage, le vin circule en circuit fermé entre l’automate et la cuve inertée contenant le bois, soumise à une pression de 2 bars. « Elle renferme deux sondes d’impédance électronique. Ces dernières vont mesurer la signature électronique du vin, qui varie en fonction de l’extraction des composés du bois. Dès que la signature est homogène, les 10 hl boisés sont refoulés dans la cuve mère et un nouveau volume est prélevé », expose Anne-Claire Bonneau.

La percolation fait pénétrer le vin dans les fibres du bois

Outre le gain de temps lors de l'élevage, Aldwin Vieira, œnologue à la cave coopérative Fonjoya, estime que les machines de boisage rapide permettent d'alléger la pénibilité au chai.

« À l’époque, j’avais mis une dizaine de jours pour boiser 200 hl à 8 g/l », se remémore Aldwin Vieira. Il se rappelle avoir trouvé les vins intéressants sur le plan organoleptique, avec des profils similaires à ce qu’il obtient habituellement. « C’est un peu comme un boisage statique mais en accéléré », résume l’œnologue de Fonjoya. Il estime qu’à grammage équivalent, la sensation en bouche est nettement différente de celle obtenue avec l’automate d’Ever. « Avec l’Enotimatic, on extrait tout. C’est comme si on lessivait les copeaux », rapporte l’œnologue. Ceci s’explique par la technique utilisée, à savoir la percolation. « La cuve inertée à l’azote contenant les copeaux est soumise à une pression de 8 bars pendant quelques minutes, ce qui va faire pénétrer le vin dans les fibres du bois. S’ensuit une phase de dépression qui va extraire les composés du bois », explique Jaufré Bordes, directeur chez Ever France. Les oscillations vont permettre de prélever tour à tour les arômes, les tanins et enfin les polysaccharides. « Il faut absolument que la surface de bois soit homogène, c’est pourquoi on ne peut utiliser que des copeaux » complète le responsable.

Dix jours pour boiser une cuve de 380 hl à 7 g/l

Le nombre et la durée des cycles de pression et dépression font partie des paramètres à ajuster lors des premières utilisations. « Le boisage sous haute pression reste une technique relativement nouvelle. On doit encore faire des essais pour maîtriser davantage l’extraction et la sucrosité en fonction de la longueur des cycles », reconnaît Jaufré Bordes. Aldwin Vieira rapporte qu’un premier essai avec 70 cycles courts (de douze minutes chacun) n’a pas donné satisfaction. « C’était trop extrait, et il n’y avait pas de sucrosité », indique-t-il. En revanche, avec 70 cycles longs (de dix-huit minutes chacun), « ça donne des vins plus souples, comparables à ce que j’obtiens après plusieurs mois de statique », affirme l’œnologue. Il lui aura fallu dix jours et 250 kg de copeaux pour boiser une cuve de 380 hl. De son point de vue, la percolation présente surtout un intérêt pour former des concentrats de vins boisés à 100 g/hl, à utiliser en assemblage. « J’ai fait des tests, avec un ratio 80-20, j’obtiens le même profil organoleptique qu’avec un boisage statique », relate-t-il. Avec à la clé, des économies substantielles de bois œnologiques. « Mais pour le coup c’est vraiment différent de la façon dont on travaille aujourd’hui », tempère-t-il.

Manipuler les copeaux par tranche de 25 kg

Outre le gain de temps sur le boisage des vins, le Smart oak comme l’Enotimatic permettent à Aldwin Vieira de réduire la main-d’œuvre allouée à cette tâche. « Sans compter le soutirage, l’équipe met à peu près une heure à sortir les copeaux de la cuve et à les redescendre », soulève l’œnologue. Il assure qu’avec l’Enotimatic, changer les copeaux ne prend pas plus de cinq minutes. « On remettait 25 kg de copeaux chaque matin. Niveau pénibilité, c’est incomparable », insiste l’œnologue. Un point important pour la cave coopérative. « En cave aussi on a des difficultés à recruter. Je pense qu’automatiser les tâches les plus pénibles améliorera notre attractivité », poursuit Aldwin Vieira. Il rapporte par ailleurs que ses équipes n’ont eu aucune difficulté à prendre les machines en main.

Dans une tout autre optique, Jérôme Baudin, œnologue et dirigeant de la société Œnochêne, dans l’Hérault, voit pour sa part un intérêt à utiliser la version laboratoire de l’Enotimatic. « Aujourd’hui, pour faire nos préconisations sur les bois œnologiques, on réalise des trempages de deux mois dans des bibs avec nos différentes gammes », pointe le dirigeant. S’il choisit de s’équiper, il pourra demain prendre du vin chez ses clients un lundi, et formuler ses préconisations avant le vendredi. Le nec plus ultra du conseil personnalisé !

Smart oak

Les + Fonctionne avec staves, blocks et copeaux, le prix (à partir de 26 000 € la machine et une cuve de 10 hl), le programme automatique

Les – Cuve mère en vidange de 10 à 30 hl, encombrant

Enotimatic

Les + Boisage très rapide (dès 24 heures), économie de bois œnologique avec les concentrats

Les – Fonctionne uniquement avec des copeaux, le prix (70 000 € la machine pouvant contenir jusqu’à 25 kg de bois œnologique)

 

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