Dans la Drôme : « Nous badigeonnons les plaies de taille pour favoriser la cicatrisation de la vigne et diminuer sa sensibilité aux maladies du bois »
Baptiste Condemine, régisseur vignobles de la Maison Chapoutier, à Tain-l’Hermitage, dans la Drôme, estime que le badigeonnage des plaies de taille évite que les vignes ne s’infectent.
Baptiste Condemine, régisseur vignobles de la Maison Chapoutier, à Tain-l’Hermitage, dans la Drôme, estime que le badigeonnage des plaies de taille évite que les vignes ne s’infectent.
La Maison Chapoutier est adepte de la biodynamie depuis toujours. Depuis toujours donc, certaines parcelles bénéficient d’un badigeonnage des plaies de taille. « Le but est de colmater les plaies de suite après la taille, afin d’améliorer la cicatrisation de la vigne, d’éviter les infections et de diminuer la sensibilité aux maladies du bois », introduit Baptiste Condemine, régisseur vignobles de la Maison Chapoutier, à Tain-l’Hermitage, dans la Drôme.
Bouse de vache, argile, petit-lait, décoction de prêle et préparat de romarin
Dans la pratique, une équipe de tailleurs officie dans une parcelle le matin. L’après-midi, l’équipe de badigeonnage prend le relais, à condition que la pluie ne soit pas de la partie. En cas d’averse sur le badigeon, l’opération sera à renouveler. « Mais ce n’est pas fréquent, rassure le régisseur vignobles. En hiver, ce n’est pas comme en été, les averses s’anticipent facilement, nous n’avons pas trop de problèmes. »
Les salariés, équipés d’un pinceau à poils épais et à long manche pour ne pas avoir à trop se baisser, appliquent un mélange de bouse de vache, d’argile kaolinite, de petit-lait, de décoction de prêle et préparat de romarin, contenu dans un seau de type seau à vendange. « Chaque domaine a sa recette, observe Baptiste Condemine. C’est la nôtre, mais certains remplacent la prêle par de l’ortie, le petit-lait par de l’eau, etc. » Une fois réalisé, le badigeon peut se conserver plusieurs semaines, à condition d’être placé à l’abri de la lumière directe.
Cette préparation, réalisée la veille pour le lendemain dans une bétonnière ou à la pelle, n’est pas très onéreuse. « La bouse de vache et le petit-lait ne coûtent rien car ils sont récupérés, énumère Baptiste Condemine. L’argile kaolinite ne revient pas cher. Nous achetons la prêle, mais c’est très abordable. Ce qui coûte le plus cher, c’est le préparat de romarin, mais il s’agit seulement de quelques grammes. »
Pas d’application sur les bois de moins de deux ans
Le badigeon est ensuite appliqué sur les plaies de taille des bois d’au moins deux ans. « Nous réalisons une taille non mutilante ; nous visons l’allongement de la plante et le respect des flux de sève, décrit-il. La plaie de taille des bois de l’année est moins conséquente du fait du diamètre des bois et donc la porte d’entrée pour les maladies est moins importante. Et surtout l’avantage de cette méthode est qu'elle protège le flux de sève et donc l’alimentation du futur rameau. » Le chicot et son cône de dessèchement sont supprimés l’année suivante, moment où la plaie se voit protéger d’un badigeon.
« Ce type de taille, même s’il nécessite plus de temps à l’hectare, a vraiment un effet positif sur la résilience de la vigne, sa mise en réserve et diminue sa sensibilité à l’esca et à l’eutypiose, rapporte le régisseur. Cela permet à la vigne d’être plus résistante. » De même que le badigeonnage. « Nous n’avons pas réalisé d’essai dans les règles de l’art, poursuit-il. Mais empiriquement, nous observons que là où nous mettons en œuvre cette pratique du badigeon, nous avons moins de maladies du bois, notamment d’esca, alors que la taille est la même, et les pratiques culturales aussi. »
De l’eau d’enduit à partir des pleurs de la vigne
Il en va de même pour l’eau d’enduit, appliquée en lieu et place du badigeon à partir du moment où la vigne pleure. « Sur certaines zones, nous avons tendance à tailler tardivement pour décaler le débourrement, témoigne Baptiste Condemine. Parfois nous taillons au début des pleurs et dans ce cas, on ne peut plus appliquer le badigeon. » L’eau d’enduit apportée au pulvérisateur prend alors le relais. Compost de bouse de Maria Thun, argile, petit-lait et décoction de prêle forment les principaux ingrédients de cet élixir qui est dynamisé durant vingt minutes avant pulvérisation et doit être employé dans les 48 heures.
L’eau d’enduit est plus rapide à appliquer
« L’idée est la même qu’avec le badigeon, à savoir nettoyer les plaies de taille, assure le régisseur. On nettoie les bois de taille en aspergeant la vigne. » Et le résultat est similaire, avec une pression fongique moindre, des bois plus sains, moins de maladies du bois. « Nous pouvons aussi appliquer cette eau d’enduit quand nous n’avons pas le temps de badigeonner les plaies une à une, ou pour diminuer les coûts, ajoute Baptiste Condemine, car sa pulvérisation ne prend que 4 à 5 heures par hectare. C’est une méthode un peu alternative. » Et pour cause. L’application du badigeon, elle, nécessite en moyenne 17 heures par hectare dans les vignes de la Maison Chapoutier, la densité de plantation étant élevée, avec 9 000 voire même 10 000 pieds par hectare. « C’est un réel coût, conclut le régisseur. Cela revient à peu près aussi cher que toute la campagne phytosanitaire. » Mais la pérennité du vignoble est peut-être à ce prix.
repères
Maison Chapoutier, à Tain-l’Hermitage
Superficie 15 hectares badigeonnés sur les 55 hectares du site
Encépagement syrah et marsanne
Densité de plantation 9 000 pieds par hectare
Taille gobelet
Production annuelle environ 40-45 hl par hectare
Découvrez les autres articles de notre dossier "Taille de la vigne, les bonnes idées du terrain" :
Taille de la vigne : les bonnes idées du terrain
En Loire-Atlantique : « Le déracage de la vigne permet de recourir à du personnel non qualifié »
En Charente : « Un gain de rendement de 31 % avec le meilleur tailleur de vigne »
Lors de la formation de la vigne, une meilleure croissance s’obtient avec une taille respectueuse
Le chitosane, bon candidat au badigeonneage des plaies de taille