Crise viticole : quelles solutions sont sur la table ?
Alors que les effets de la crise s’amplifient, la mise en place de nouvelles solutions se fait chaque jour plus urgente. Des pistes sont posées au niveau européen et national. Le point sur ce qui se profile.
Alors que les effets de la crise s’amplifient, la mise en place de nouvelles solutions se fait chaque jour plus urgente. Des pistes sont posées au niveau européen et national. Le point sur ce qui se profile.

Face à la gravité de la crise viticole, la mise en place de nouvelles mesures de soutien devient vitale. Force est de constater que la réduction du potentiel opérée par distillation et arrachage, ainsi que les diverses dispositions financières qui se sont succédé ces dernières années ne suffisent pas. Lors de leur rencontre du 15 juillet dernier avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, les représentants de la filière ont donc à nouveau plaidé pour des soutiens structurels et conjoncturels à déclencher le plus vite possible. En parallèle, le parcours législatif du paquet de mesures proposé par la Commission européenne le 28 mars pour améliorer la résilience de la filière viticole est en cours. Le Parlement européen va amender le texte et doit s’accorder avec le Conseil européen. « L’objectif est une validation fin 2025 », espère Ludovic Roux, vice-président Europe des Vignerons coopérateurs.
Que va-t-il concrètement sortir de ce foisonnement de demandes et propositions ? Des avancées sont particulièrement attendues sur cinq points.
1 Le financement d’une nouvelle campagne d’arrachage
La filière, réunie dans l’association générale de la production viticole (AGPV), réclame une nouvelle aide à l’arrachage définitif et temporaire afin de continuer à adapter le potentiel de production à la demande.
Le paquet vin de la Commission européenne introduit l’arrachage parmi les mesures de crise possibles. Il préconise d’autoriser les États membres « à procéder à des paiements nationaux » pour « l’arrachage volontaire de vignobles productifs ». Le financement national de la récolte en vert est aussi prévu. Les deux méthodes sont présentées comme des moyens de régulation plus viables en coût-efficacité que la distillation. Ces mesures seront toujours encadrées par la Commission européenne mais le processus de validation sera plus rapide.
Dans l’immédiat, la ministre de l’Agriculture a posé ses conditions pour une nouvelle campagne d’arrachage lors de sa rencontre avec la filière, le 15 juillet. Elle a rappelé que le volume de 27 000 hectares engagés en arrachage avait mobilisé un budget de 109 millions d’euros. Elle estime nécessaire de faire d’abord un état des lieux de cette dernière campagne. Elle demande aussi à ce que l’arrachage soit qualifié : friches ou vignes en production ? Alternatives après l’arrachage… Elle annonce une enquête afin de calibrer le besoin au niveau national.
Rappelons que la précédente campagne d’arrachage avait déjà été précédée d’une enquête lancée en mai-juin 2024 auprès des viticulteurs inscrits au CVI pour calibrer la demande d’aide. Seulement 11,5 % des viticulteurs y avaient répondu. Ils avaient exprimé un besoin de 22 000 hectares, loin des 100 000 hectares estimés alors comme excédentaires par la profession. À voir sur quelle base sera menée l’évaluation des besoins cette fois-ci.
2 La régulation des autorisations de plantations
L’une des mesures les plus attendues est l’allongement de l’autorisation de replantation après arrachage. Le texte européen propose qu’elle passe de trois ans à huit ans. Ce délai doit permettre aux viticulteurs de faire les choix les plus appropriés face au climat et aux marchés. Un autre texte devrait faire passer le délai de conversion de l'autorisation de 2 à 5 ans. « Demain grâce à nos propositions, le délai de replantation sera de 13 ans en tout », souligne Raphaël Fattier, directeur de la Cnaoc. De plus, il n’y aura plus de sanction administrative en cas de non-utilisation de l’autorisation pour les nouvelles plantations pendant sa période de validité, ce qui permet une forme d’arrachage différé.
Pour les autorisations obtenues avant le 1er janvier 2025 et encore valides, pas de sanction non plus à condition d’informer les autorités compétentes, avant le 31 décembre 2026, de l’intention de ne pas utiliser l’autorisation.
Toujours dans l’idée de mieux réguler l’offre, les possibilités de restreindre la délivrance d’autorisations de plantation sont renforcées. Un amendement du Parlement européen propose même de « limiter jusqu’à 0 % la délivrance d’autorisations au niveau régional » pour des zones spécifiques sur lesquelles peuvent être produits des vins AOP ou pour des zones d’IGP ou de VSIG. Une telle limitation sera également possible pour des zones ayant une production excédentaire et faisant objet de mesures de réduction de l’offre.
Il est aussi question que les États membres puissent fixer des critères pour attribuer et gérer des autorisations de plantation en fonction des débouchés commerciaux.
Cette plus grande régulation des plantations rejoint les demandes de la filière en ajoutant des leviers d’action. Mais il est aussi question de pouvoir limiter les rendements dans certains cas. « Il peut y avoir un danger, observe Ludovic Roux. Il ne faut pas faire perdre la compétitivité », alerte-t-il.
3 La piste du biocarburant pour dégonfler les stocks
Alors que la vendange 2025 s’annonce, la demande continue de faiblir, entre déconsommation et incertitudes sur les débouchés américains dues aux taxes Trump. La distillation apparaît donc toujours comme un outil de crise à envisager.
Lors de sa rencontre avec les représentants de l’AGPV, le ministère a prévenu qu’un dispositif de distillation seul n’était pas envisageable. La filière propose l’ouverture de la distillation des vins vers des biocarburants. Pour le ministère, ce débouché réclame une modification de la réglementation européenne, notamment à travers le paquet vin. Un accord avec les Italiens et les Espagnols serait nécessaire. Pour l’instant, le paquet vin prévoit un financement possible de la distillation sur les paiements nationaux à hauteur de 20 % maximum des fonds disponibles pour chaque État membre.
Les représentants de l’AGPV suggèrent même une « bonification de la biocarburation si couplage avec un arrachage (définitif ou temporaire) ». Le ministère de l’Agriculture se dit prêt à étudier cette piste « au regard de la compatibilité avec la mobilisation du fonds de réserve de crise européen », précise le communiqué de presse de l’AGPV suite à sa rencontre avec la ministre.
4 La garantie d’une juste rémunération des producteurs
Si la filière ne s’était pas sentie concernée jusque-là par la loi Egalim, la crise a changé la donne. Elle veut saisir cette possibilité d’assurer une rémunération décente des producteurs à l’occasion de la quatrième version de cette loi née en 2018. Mais ce texte est en préparation depuis de longs mois. « Le projet Egalim 4 est difficile à concrétiser », constataient nos confrères d’Agra Presse le 3 juillet. Son examen à l’assemblée n’est pas envisagé avant 2026.
Pour garantir un prix rémunérateur, l’espoir d’une solution rapide viendrait plutôt de l’accord de durabilité validé le 15 juillet par la Commission européenne. Il va pouvoir s’appliquer dès la récolte 2025. Ce dispositif, porté par les Vignerons coopérateurs de France mais accessible à tout type de structure, va concerner dans un premier temps les vins IGP pays d’oc de six cépages, certifiés bio ou HVE et vendus en vrac. Il s’appuie sur un article du règlement européen permettant aux entreprises engagées dans des efforts de production durable de déroger au droit de la concurrence. Ainsi des producteurs et négociants pourront s’accorder sur un prix d’orientation.
Il sera basé sur les coûts de production de la catégorie de vin majorés d’au maximum 20 %. L’accord sera signé pour une durée de deux ans et les prix d’orientations définis chaque année. « Ce cadre collectif redonne de la visibilité et de la confiance à nos producteurs tout en apportant des repères clairs au marché », se réjouit Olivier Simonou, président d’Interoc. Si l’IGP pays d’oc a été la première à déposer son dossier, Inter Rhône devrait suivre. Ce cadre devrait inspirer d’autres interprofessions.
Un levier pour un partage de la valeur plus équitable est également attendu grâce à l’exhumation d’un autre article de la réglementation PAC, le 172 ter. Il permet aux interprofessions d’AOP et d’IGP de faire des recommandations sur le prix du raisin. Un travail est engagé avec la Direction général de l'agriculture de la Commission européenne pour que cette mesure puisse s'appliquer. Il est porté notamment par la Cnaoc. Le champ serait donc plus large puisque s’appliquant aussi à des vins non engagés dans des certifications bio ou HVE. Les interprofessions des Côtes-du-Rhône et d'Alsace sont les deux premières à se lancer et à bâtir un cadre. Il faut notamment élaborer la méthode pour établir les indicateurs de coûts de production. Ces deux appellations y avaient déjà travaillé avant d'être condamnées par l'Autorité de la concurrence, respectivement en 2018 et 2020. L'objectif est aussi que cette possibilité soit étendue aux moûts et vins en vrac. Ceci suppose qu'un amendement intégré au paquet vin soit validé. Il faudra attendre le vote final du texte pour s'en assurer.
5 La restructuration économique des caves coopératives
20 % des caves coopératives, soit une centaine, « sont dans des situations précaires », estime Joël Boueilh, président des Vignerons coopérateurs de France. Une enveloppe de 10 millions d’euros figure dans la loi de finances pour 2025. Mais ses modalités d’utilisation ne sont toujours pas définies par le gouvernement, comme il l’a déploré face à la ministre de l’Agriculture, le 3 juillet. La coopération viticole a pourtant déposé un plan et travaillé sur une cartographie des sites.
Mais la ministre Annie Genevard a jugé qu’il fallait un audit pour assurer un usage optimal de l’enveloppe. Il a été confié au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Les Vignerons coopérateurs s’attendent à une publication des résultats en octobre. Un timing pas forcément idéal pour des décisions rapides, compte tenu des discussions sur le budget 2026 et des risques d’instabilité gouvernementale. Pour le déblocage de l’enveloppe, ils veilleront à ce que les financements puissent être rétroactifs à partir du début de l’année 2025.
Quelles mesures pour soutenir les trésoreries ?
Pour l’AGPV, « une évolution des aides de trésorerie pour éviter les faillites à court terme » est indispensable. En réponse à cette demande, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a proposé d’établir un état des lieux après les vendanges « afin d’adapter le produit bancaire adéquat, en respectant la réglementation européenne ».
Le financement en question
« Une politique sans ressource est une politique sans effet », dénonce l’AGPV à propos du paquet vin qu’elle juge « largement théorique en l’absence de moyens financiers ». Pour soutenir la filière, l'AGPV demande à la ministre de l’Agriculture de solliciter les fonds de réserve de crise de l’Union européenne auprès de Bruxelles.