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Comment limiter l’érosion et le ravinement au vignoble ?

Couverts végétaux, travail du sol modéré, matière organique, freins physiques au ruissellement… Diverses mesures limitent les ravinements. Voici les recommandations des experts.

Le broyage des sarments et l'utilisation d'un chenillard sont deux pratiques limitant les phénomènes de ravinement et d'érosion dans les vignes en pente.
Le broyage des sarments et l'utilisation d'un chenillard sont deux pratiques limitant les phénomènes de ravinement et d'érosion dans les vignes en pente.
© J. -C. Gutner

À l’origine de ravines, de déplacements de terre ou encore d’ensablement des cours d’eau, l’érosion des sols est une problématique qui touche de nombreux vignobles. Voici comment la freiner.

1 Installer des couverts végétaux

La mesure prioritaire mise en avant est l’installation d’une couverture végétale. « Dans les coteaux, où l’érosion est très problématique, l’enherbement, voire l’engazonnement avec des graminées s’est fortement développé depuis les années quatre-vingt, illustre ainsi Frédéric Schwaerzler, conseiller viticole à la chambre d’agriculture d’Alsace. Sur des sols avec une bonne réserve utile, tous les rangs sont souvent enherbés, le plus tard possible en saison. On trouve aussi de l’enherbement permanent, mais un rang sur deux. »

« Couvrir le sol est efficace, mais cela n’est pas forcément bon toute l’année pour tous les sols, poursuit Olivier Zebic, consultant vitivinicole, chez Z & C Consultants. Il faudra détruire le couvert plus ou moins tôt en saison. » Surtout sur sols plus légers ou en région sèche. L’agronome conseille des couverts végétaux à base de sept à huit espèces – pour un minimum de levée –, assez rasants, peu concurrentiels et avec une floraison étalée pour enrichir la biodiversité. « Il faut aussi penser à adapter les dates de vendanges et les pratiques œnologiques, ajoute-t-il. Car l’enherbement a un impact sur le profil des vins. »

À noter que l’enherbement des pourtours de parcelles, des tournières et des zones interparcellaires non cultivées est fondamental, voire obligatoire. Il en va de même entre l’arrachage et la replantation d’une parcelle.

2 Réduire le travail du sol

« Limiter le désherbage mécanique et le travail du sol est une autre mesure efficace », souligne Jean-Yves Cahurel, ingénieur à l’IFV. Il déconseille de travailler mécaniquement l’interrang des vignes en cas de pente supérieure à 10 %, de surcroît en présence de fortes pluies. « L’impact du travail du sol à outrance est catastrophique, avec plusieurs centimètres de terre perdus chaque année, même en faibles coteaux », insiste Olivier Zébic. L’idéal pour lui : ne plus passer aucun outil d’entretien du sol.

Pourtant, une fois les couverts végétaux installés, il faut pouvoir les détruire, quand c’est nécessaire. Et l’usage de désherbants chimiques n’est plus une solution à envisager sur l’interrang. « D’où l’idée d’introduire des cochons nains, que nous mettons à l’essai au vignoble pour le désherbage mécanique », raconte Olivier Zébic.

Pour Frédéric Schwaerzler, la destruction des couverts doit se faire exclusivement au broyeur. Dans l’ensemble, il faudra tenter de réduire à son minimum la fréquence de travail du sol et travailler superficiellement, avec des outils de type disques, afin de ne pas le déstructurer.

3 Limiter le tassement du sol

En plus de limiter le nombre de passages de tracteur, les experts conseillent de choisir du matériel qui tasse peu le sol, car cela le sensibilise au ravinement. Chenillard, quad, pneus larges, basse pression sont ainsi recommandés. De même, « les tracteurs avec poste inversé tassent moins le sol », ajoute Frédéric Schwaerzler.

4 Miser sur les matières organiques

« Les matières organiques interviennent dans la stabilité structurale du sol, favorisant sa résistance à l’érosion, explique Jean-Yves Cahurel. Par leur impact sur la biologie du sol, elles améliorent aussi la porosité et donc l’infiltration de l’eau. » Pour lui, tout apport de matières organiques, via des amendements ou la restitution de sarments par exemple, est donc positif. « Certains prestataires proposent la fourniture et l’épandage de compost de déchets verts dans les vignes. C’est intéressant car la mise en œuvre par le vigneron n’est pas forcément évidente », indique Frédéric Schwaerzler. En effet, seuls des apports massifs de ce type de composts permettent de stabiliser, voire d’enrichir le taux de matières organiques du sol, ce qui nécessite un matériel lourd adapté. L’épandage avant plantation constitue une option plus pratique.

Les couverts végétaux, encore une fois, sont aussi une bonne source de matières organiques.

5 Protéger le sol avec des paillages

Les paillages ou l’apport de BRF (Bois raméal fragmenté) se développent. « Un apport de BRF à 300 m3/ha, voire 400 m3/ha, avant plantation, favorise la régénération du sol, apporte des matières organiques et protège le sol, décrit Olivier Zébic. La technique peut sembler onéreuse, mais elle permet de ne pas utiliser de tuteurs à la plantation, de ne pas passer le tracteur pour désherber et de ne pas travailler le sol. »

De son côté, Frédéric Schwaerzler évoque des expérimentations de fauchage tardif en Allemagne : « les talus sont fauchés en fonction de la biodiversité engendrée. Les balles de prés de fauche sont mises à disposition des viticulteurs, qui peuvent les dérouler dans les vignes pour protéger le sol ». Dans les coteaux très escarpés, les vignerons utilisent parfois même des bottes de paille placées en lignes perpendiculaires à la pente dans des interrangs, afin de freiner les ruissellements en cas de fortes pluies.

6 Développer des zones tampons

Dans son guide sur la transition agroécologique (édition 2022), l’IFV préconise d’identifier les zones tampons où mettre en place tout aménagement ralentissant ou déviant l’écoulement des eaux. « La plantation de haies arbustives en bordure de parcelles le permet, cite Jean-Yves Cahurel. Mais cela rogne sur la surface potentiellement plantée en vignes. » Le compromis reste donc à trouver.

Les murets en pierre sèche (voir encadré) quant à eux, contiennent les excès d’eau dans les terrasses et les anfractuosités qui les composent (environ 25 à 30 % de vide). Quand les vides sont comblés, l’eau ressort de manière plus contenue.

Enfin, des talus, des fossés d’infiltration, des fascines, des digues filtrantes ou des soutènements de type gabion peuvent aussi être installés, dans le cadre de la réglementation en vigueur.

7 Planter selon les courbes de niveaux

Il est plutôt recommandé de planter les vignes perpendiculairement à la pente ou selon les courbes de niveaux pour éviter les ravinements. Aménager des terrasses pour l’implantation des vignes et limiter la longueur des rangs sont aussi un bon moyen de prévenir l’érosion, surtout en situation de forte pente. L’IFV invite à ne pas dépasser une longueur de rang de 100 mètres en cas de pente supérieure à 15 % et en présence de couvert végétal ou de mulch.

« Là encore, le vigneron perd en surface de plantation de vigne », remarque Jean-Yves Cahurel. Ce qui est parfois impossible si l’on veut respecter les densités de plantation de son appellation.

Enfin, les conseillers soulignent que le vigneron est rarement seul sur un coteau et qu’il est intéressant d’adhérer à une démarche collective d’aménagement des parcelles et de mise en place de pratiques freinant l’érosion.

« L’impact du travail du sol à outrance est catastrophique, avec plusieurs centimètres de terre perdus chaque année, même en faibles coteaux »

Les murets en pierre sèche, un dispositif ingénieux à préserver

« Les murets en pierre sèche sont un dispositif ancien très ingénieux, qui est très utile en contexte de changement climatique », introduit Claire Cornu, experte pierres sèches au Conseil de l’Europe. Quelques règles de base (1) permettent de préserver ces murets en état. Il est important de repérer les chutes de pierre causées par des déplacements d’engins ou d’animaux et de replacer les pierres dans les brèches rapidement.

 

 
Les murets en pierre sèche contiennent les excès d’eau dans les terrasses et les anfractuosités qui les composent (environ 25 à 30 % de vide).
Les murets en pierre sèche contiennent les excès d’eau dans les terrasses et les anfractuosités qui les composent (environ 25 à 30 % de vide). © P. Cronenberger
En prévention, il faut éviter de traverser les murs en dehors des passages prévus à cet effet et clôturer contre les gibiers. Ensuite, en cas d’enracinement d’un gros arbre dans le muret, il faut reprendre la partie du mur endommagée et prévoir éventuellement le dessouchage de l’arbre.

 

Enfin, en cas de gonflement du mur lié à l’accumulation d’eau, il est conseillé de reprendre la partie du mur bosselée, de replacer les pierres de drain et de remonter le mur. « Mieux vaut réparer les murets un petit peu chaque année, mais bien », conclut Claire Cornu, qui anime avec la fédération française des professionnels de la pierre sèche, des formations sur les murs en pierre sèche, à destination des vignerons, en région PACA.

(1) Source : Guide des bonnes pratiques pour la préservation des paysages de restanques, communauté d’agglomération Sophia-Antipolis Côte d’Azur.
 

Protéger aussi chemins et talus

Dans la gestion des ravinements, les talus et chemins aux alentours des parcelles ne doivent pas être oubliés. « Depuis quelques années, une démarche collective encouragée et financée par les communes et les syndicats de producteurs, vise à intégrer dans les chemins, des grilles bétonnées de 40 x 60 cm et de 8 à 10 cm d’épaisseur, qui favorisent le développement de l’herbe retenant la terre, illustre Frédéric Schwaerzler. Ce dispositif donne de très bons résultats contre les fortes coulées de boue auxquelles nous avons pu faire face par le passé. » Des grilles alvéolaires faites d’autres matériaux, existent et peuvent être installées dans les talus avoisinant les parcelles.

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