Maître Jean-Michel Monteil, notaire à Bergerac, en Dordogne et membre du GIE Jurisvin, réseau de notaires spécialisés en droit de la vigne et du vin, rappelle les points essentiels à regarder avant de mettre en vente une propriété viticole.
Il faut d’abord savoir ce que l’on veut vendre pour pouvoir déterminer un prix. Est-ce que l’on veut céder des actifs (terres, vigne, bâtiments, matériels, stock, marque…) ou des parts sociales de sociétés qui détiennent ces actifs ? Et parmi les actifs, est-ce qu’on les vend en tout ou en partie ? Qui est propriétaire du foncier ? Les terres et les plantations sont-elles détenues par la même entité ? Le matériel est-il en indivision ? En Cuma ? Pour examiner toutes ces questions, il est important de prévoir un premier rendez-vous avec son notaire et son expert-comptable.
Une vente se prépare au moins six mois à l’avance. S’il y a besoin d’apporter les parcelles dans l’actif des sociétés ou de démêler des servitudes qui ont été constituées sans vraiment être actées, cela prend du temps. L’analyse des titres de propriétés est parfois longue. Il faudra peut-être purger un pacte de préférence fait à un voisin, vérifier qu’il n’y a pas de restriction ou d’interdiction à la vente dans le cas de terres provenant d’une donation.
Quelle est la différence entre vendre des actifs ou des parts de société ?
Le vendeur doit être conscient des différences avant de négocier. De son côté, le calcul des plus-values professionnelles ou privées diffère. Et côté acquéreur, les droits d’enregistrement sont différents. En droit agricole, la fiscalité est très favorable à l’acquéreur de parts sociales de sociétés agricoles. Le droit est fixe et de 125 euros quel que soit le prix alors qu’il acquittera 6 % de droits s’il achète des actifs. Autre différence pour la vente de parts de sociétés, la mise en place d’une garantie d’actif et de passif pour protéger l’acquéreur de toutes actions contre la société du chef du vendeur (redressement fiscal ou social, action aux prud’hommes, procès contre la marque…) pour la période antérieure à la vente. Si redressement il y a, il doit pouvoir l’assumer. Une somme est normalement prélevée sur le prix de vente et séquestrée pendant une période contractuelle, qui est en général de 37 mois. Dans la cession de parts, sont définis le seuil de déclenchement de la garantie et son plafond. Tout est cas d’espèce et dépend des risques et de la taille du domaine.
Vendre un domaine en plusieurs lots est-il préférable ?
Il y a quelques années, avant la vente d’un domaine, nous avons réuni cinq voisins qui se sont mis d’accord pour se le partager. C’est rare mais ça n’est pas à exclure. Pour une parcelle très éloignée du siège de la propriété, on peut voir si un voisin est intéressé. Mais avoir des parcelles situées dans deux appellations différentes est parfois un atout. Par exemple dans le vignoble de Bergerac, avoir du monbazillac et du pécharmant est valorisant.
Quels choix pour le stock ?
Un courtier assermenté analyse le stock pour qu’il soit loyal et marchand. La valeur du stock pourra bouger entre la promesse et la vente effective donc un inventaire a lieu à la signature. S’il ne vend pas le stock, le vendeur doit se demander s’il garde la société le temps de l’écouler, s’il va stocker chez l’acheteur ou dans un lieu à trouver.
Que se passe-t-il pour les salariés de l’exploitation ?
Les contrats de travail attachés à la propriété se transfèrent avec la cession. Il est impossible de licencier pour motif de vente. Si l’on souhaite alléger la masse salariale avant la vente, il faut envisager une ou des ruptures conventionnelles au préalable.
Quelle particularité si l’on est coopérateur ?
L’acheteur n’est pas obligé de continuer le contrat d’apport en coopérative mais la rupture est sujette à des pénalités contre le vendeur, qui peuvent représenter des sommes très importantes. Il faut donc les anticiper.
Être certifié sur le plan environnemental est-il un atout ?
Les certifications environnementales sont plutôt recherchées par les acheteurs extérieurs au monde viticole. Une telle certification ne permettra pas forcément de vendre plus cher mais c’est un atout pour qu’une vente se concrétise dans un marché où il y a plus de vendeurs que d’acheteurs.
Quelles pièces faut-il absolument préparer ?
Il faut bien sûr présenter les diagnostics liés aux biens immobiliers et les titres de propriété, l’enregistrement des marques. Le CVI doit être à jour. Nous demandons toujours le contrôle de pollution des chais et vérifions les systèmes de traitement des effluents vitivinicoles. Le bornage n’est obligatoire que pour les terrains à bâtir. Il peut cependant être nécessaire pour garantir des surfaces ou prévenir un litige.