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Interview
Nutrition animale : Pedro Cordero, vétérinaire et nouveau président de la Fefac

La Fefac, Fédération européenne des fabricants d’aliments composés, tenait son congrès bisannuel, électif, en Suède les 14 et 15 juin dernier. L’occasion d’un changement à sa tête avec l’élection du représentant de l’Espagne, Pedro Cordero qui succède au Danois Asbjørn Børsting après ses trois années de mandat. Le Français Nicolas Coudray Mesny est un des quatre vice-présidents.

Pedro Cordero, responsable de la stratégie et des relations internationale de Nanta Iberia & Portugal (groupe Nutreco), a été élu président de la Fédération européenne des fabricants d’aliments composés (Fefac), qui tenait son congrès bisannuel à Ystad au sud de la Suède le 15 juin.
© Yanne Boloh

Quel est votre parcours ?

Vétérinaire, je travaille en nutrition animale depuis plus de trente ans, d’abord durant 15 ans dans le domaine des ruminants puis en tant que directeur de Nanta, en Espagne et au Portugal. Je me suis impliqué dans l’association espagnole des fabricants d’aliments pour animaux (Cesfac) dont je suis actuellement vice président, puis de plus en plus dans les dossiers européens ce qui m’a conduit à devenir vice président de la Fefac. Depuis janvier 2023, j’ai pris des responsabilités différentes dans l’entreprise. Elle accepte que je prenne le temps de m’impliquer encore plus dans la Fefac

 

Quelles sont vos priorités ?

J’ai hâte de représenter les intérêts des fabricants européens d’aliments composés et des fabricants de prémix dans cette période compliquée ou nous cherchons à tempérer les impacts de la crise géopolitique causée par l’agressions de l’Ukraine par la Russie et du changement climatique qui impactent la durabilité économique des productions animales et de l’aquaculture européenne. En tant que Fefac, nous soutenons les efforts de la Commission européenne pour augmenter la résilience de nos systèmes agroalimentaires afin de mieux résister aux chocs externes. Cela exige un Marché commun qui fonctionne parfaitement et des règles similaires pour notre secteur des productions animales qui se heurte à une compétition de plus en plus forte des importations qui n’ont pas les mêmes contraintes de haute qualité que les productions européennes en matière de durabilité et de bien être animal. Nous serons proactifs pour contribuer au plan protéique annoncé au niveau de l’UE dont l’objectif est de développer l’autonomie de l’UE pour les protéines destinées à l’alimentation humaine et à l’alimentation animale.

 

Quelles sont les contributions possibles de la nutrition animale ?

La nutrition animale en tant qu’industrie s’est saisie il y a déjà plusieurs années des questions de durabilité. Nous n’avons peut être pas été assez en contact avec l’opinion publique pour expliquer ce que nous faisons. La pandémie nous a rendus plus visibles en tant que maillon de la chaine alimentaire qui a toujours tenu et qui a pu continuer à approvisionner les consommateurs. Pourtant il a fallu gérer les ruptures d’approvisionnements et des chaines logistiques. Les gens ont aussi compris qu’il fallait des fermiers pour produire des œufs, du lait et de la viande. Nous avons donc pu saisir cette opportunité de montrer combien nous sommes responsables. Nous sommes toujours au travail pour le développement d’une économie circulaire qui évite les gaspillages.

 

Et au niveau technique ?

Notre industrie propose des solutions multiples et efficaces pour aider nos clients à faire face au changement climatique avec d’importants progrès dans l’efficacité alimentaire et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des élevages comme le choix des matières premières, l’adaptation de la formulation de précision aux besoins des animaux ou le recours à certains additifs. Notre investissement collectif déjà ancien dans le développement d’outils, dont la valorisation de grosses bases de données par exemple notre base de données Global Feed LCA lancée dès 2015, peut contribuer à accélérer l’adoption de techniques de précision au niveau des élevages. Nous savons notamment formuler en calculant l’empreinte carbone de nos aliments. En tant que président de la Fefac, je vais faire mon possible pour promouvoir ces solutions durables, circulaires et les intégrer dans les recommandations de bonnes pratiques que nous avons détaillées dans notre Charte pour la durabilité à horizon 2030.

 

La réglementation devient plus contraignante encore

Effectivement, ce à quoi nous nous étions engagés volontairement comme la construction de la durabilité de nos approvisionnements, va désormais devenir une obligation. Nous avançons tous dans ce sens comme l’a prouvé la présence de représentants des différents maillons de la chaine alimentaire lors de notre congrès. Nous avons donc pris de l’avance même si nous attendons encore des clarifications sur la réglementation. L’enjeu sera de disposer de la même  réglementation appliquée dans des régions très différentes, les zones ou il est possible de produire du fourrage sont évidemment impossibles à comparer avec celles dont le climat rend cette production compliquée voire impossible, mais je pense qu’avec la bonne volonté de chacun nous allons y parvenir.

 

Justement, la sécheresse qui frappe votre pays, l’Espagne, est particulièrement sévère...

Absolument, depuis trente ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais vu cela. La sécheresse s’étend à tout le pays même dans les zones qui n’étaient pas traditionnellement touchées comme le Centre et le Nord du pays, qui sont nos zones céréalières. les dernières estimations donnent une récolte à 50% ou 45% d’une année normale, c’est un petit peu mieux que les -60% qui avait été anticipés au pire car quelques pluies ont permis de sauver des parcelles d’orge début juin. Pour la nutrition animale, l’Espagne est traditionnellement un pays importateur car elle ne dispose pas, et de loin, les volumes de matières premières pour produire ses 25 Mt annuelles. Nous allons donc être obligés d’importer encore plus et c’est pourquoi le maintien du corridor pour exporter les récoltes ukrainiennes est particulièrement important pour nous. Nous sommes aussi importateurs d’autres pays tiers et les fabricants d’aliments sauront dans tous les cas faire face.

 

Comment se fait il que le recul du cheptel porcin ait été contenu en 2O22 en Espagne ?

L’UE a perdu entre 6 et 8% de ses porcs en 2022 et nous avons effectivement contenu le recul à 2,2%. l’une de nos forces, qui peut toutefois devenir une faiblesse dans certains cas, est notre modèle d’intégration puisque le même opérateur maîtrise tous les couts. C’est quand même la première fois depuis 10 ans que la production porcine espagnole marque le pas. Et depuis le début de l’année 2023, nous sommes en train de revenir au niveau commun puisque nous devrions être au même niveau de décapitalisation que les autres Etats Membres. Mais, après la période difficile durant laquelle les couts de production ont augmenté fortement avec l’énergie et les prix des matières premières, et un prix bas du porc, la situation s’améliore et je pense que nous devrions repartir de façon positive fin 2023 ou début 2024.

 

Chiffres finaux pour l'année 2022

Les statistiques définitives pour 2022 confirment le retrait de 3,8% des volumes produits dans l’UE . L’Espagne, leader européen, perd 5,1% pour passer à 25 ?85 Mt, devançant toujours l’Allemagne (-5,9% à 21,87 Mt) et la France (-6,6% à 19,23 Mt). L’Italie et les Pays Bas suivent à quasi égalité (14,5 Mt et 14,29Mt). La Pologne se démarque en progressant encore un peu à 10,9 Mt (+1,6%), notamment sur le segment volailles (6,3 Mt à +3,6%) alors que tous les grands pays reculent en aviculture.

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