Hors frontières
Une hétérogénéité croissante au sein de l'Allemagne laitière
« La fin des quotas, et le basculement dans un régime de concurrence, a révélé des stratégies de laiteries gagnantes et a sanctionné des stratégies perdantes, comme la stratégie volume et de flux poussé de la coopérative DMK. L'écart s'est accentué entre les prix du lait que les laiteries payaient. Il est passé d'environ 30 €/t en 2013 à un écart de 60 €/t en moyenne sur la période 2014-2018 », a planté en préambule Christophe Perrot, de l'Institut de l'élevage, lors d'une présentation sur l'évolution des laiteries allemandes pour développer des démarches environnementales.
L'hétérogénéité de l'Allemagne laitière se trouve aussi au niveau de ses élevages. « Le nombre moyen de vaches laitières par exploitation est de 40 vaches en Bavière, 100 vaches au Nord-Ouest et de plus de 200 vaches à l'Est. »
Et l'hétérogénéité se mesure aussi au niveau des politiques des Länder. Ainsi, le Nord soutient les investissements productifs dans les élevages. « En Bavière, les pouvoirs publics ont encouragé les conversions et le maintien au bio. Ce land qui produisait la moitié du lait bio allemand jusqu’en 2011, en produit 63% (2018), avec quelques difficultés pour gérer cette explosion de l’offre malgré une forte demande. Un programme bavarois a pour objectif de transformer en 10 ans les étables entravées décriées par les consommateurs (plus de 50% des exploitations avec stabulation entravée toute l’année)."
En Bavière, la quasi-totalité de la collecte est en non-OGM. Mais le non-OGM, devenu un standard sous la pression des distributeurs, ne génère plus vraiment de valeur. Les laiteries bavaroises valorisent aussi le lait de montagne – une valeur qui monte – et du lait de foin, qui se développe. Par contre, les vaches sortent très peu au pâturage.
Il y a davantage de pâturage dans le Nord-Ouest de l'Allemagne, avec une possibilité de développer du lait de pâturage. Mais le projet de valoriser un lait haut de gamme avec du « vrai pâturage », en non-OGM, avec des prairies riches en biodiversité, se heurte au fait que les clients consentent peu à payer pour ce lait plus coûteux à produire.
Près de la frontière autrichienne, la coopérative de Berchtesgaden a une stratégie de différenciation très poussée. « Elle fut pionnière dans le lait bio (1973) et le lait de montagne (1988). C'est la laiterie qui paye le mieux en Allemagne. Elle est leader du lait frais en Allemagne », souligne Christophe Perrot. Elle a su développer des marques fortes qui agrègent plein de promesses consommateurs diverses : lait produit sans glyphosate (2017), vache avec cornes (option Demeter), soignée à l'homéopathie, prix équitable, issu de petites fermes, bien être animal... Le plus souvent sans certification externe.