Produire plus de lait par vache, est-ce vraiment rentable ?
Le contexte de prix du lait favorable incite les éleveurs à produire plus de lait par vache. Si le lait coûte plus cher à produire avec plus de concentrés, cela reste rentable dans un contexte de prix du lait de base à 460 €/1 000 l. Cependant, attention à ne pas déraper en concentrés, la maîtrise du coût alimentaire est toujours essentielle pour dégager du revenu.


La flambée du prix des intrants a fait bondir le coût alimentaire dans les exploitations laitières. Au sein de l’observatoire des exploitations laitières bretonnes (121 exploitations laitières en agriculture conventionnelle en 2023-2024), le coût alimentaire moyen est passé de 93 euros pour 1 000 litres vendus sur la campagne 2021-2022 à 135 euros pour 1 000 litres en 2023-2024, soit une hausse très importante de 45 %.
Cette augmentation s’explique d’abord par la flambée du prix des intrants. Le prix des aliments consommés s’est établi à 467 euros par tonne, soit une hausse de 100 euros en trois ans, au sein de l’observatoire breton. Le poste concentrés a grimpé de 36 euros pour 1 000 litres. Cependant, cette hausse s’explique également par un recours accru aux concentrés pour produire le lait. Dans un contexte de prix du lait plus favorable, la tendance est à l’augmentation du niveau de production par vache, produit avec plus de concentrés. Ces tendances sont accentuées par le développement des robots de traite, qui se traduit souvent aussi par une intensification de la production et moins de pâturage.
Un coût alimentaire maîtrisé toujours gagnant
Le lait livré par vache et par an atteint en moyenne 8 066 litres en 2023-2024 contre 7 581 litres en 2021-2022 au sein de l’observatoire des exploitations laitières bretonnes. Les vaches produisent donc en moyenne 485 litres de plus par vache. Elles ont consommé aussi plus de concentrés : 1 812 kilos par an en 2023-2024, contre 1 270 kilos en moyenne la campagne précédente, soit 542 kilos en plus par vache.
Concernant le coût des fourrages, la hausse est plus modérée : +5 €/1 000 l à cause de l’augmentation du coût des intrants (engrais, semence, traitement) et des travaux tiers de semis et récolte. Le coût du maïs ensilage sur les dernières clôtures est en moyenne de 700 euros par hectare, soit une hausse de 110 euros par hectare en l’espace de deux années. Le coût de l’herbe est de 403 euros par hectare (+153 €/ha en deux ans). Les pratiques ont évolué, avec plus de dérobées récoltées dans les systèmes fourragers, qui augmentent le coût de l’herbe à l’hectare. On observe aussi une tendance à l’intensification avec plus de maïs ensilage dans la surface fourragère (+5 % de maïs ensilage en deux ans).
Stratégie productivité par vache, ça paie ?
L’augmentation du prix du lait de plus de 100 euros pour 1 000 litres en trois ans a permis de couvrir l’augmentation des charges liées à l’alimentation. La marge sur coût alimentaire évolue positivement et atteint son niveau le plus élevé en 2022-2023, soit 340 euros pour 1 000 litres (voir graphique). Sur les clôtures 2023-2024, les hausses des intrants étant au maximum, la marge sur coût alimentaire est pénalisée et redescend à 327 euros pour 1 000 litres. Cependant, celle-ci reste supérieure à 2021-2022, avant la période de flambée des charges.
Plus aller plus loin, il est intéressant d’observer jusqu’au revenu disponible. En effet, les revenus disponibles en fonction de la productivité de lait par vache montrent, comme pour le coût alimentaire, une grande variabilité quel que soit le lait livré par vache et quelle que soit l’année. Il n’existe pas de lien entre la stratégie de volume par vache et le revenu disponible par unité de main-d’œuvre exploitant. En revanche, les écarts de revenu pour des mêmes stratégies de volume sont très importants. Par conséquent, les exploitations ne doivent pas perdre de vue l’objectif de recherche d’efficacité économique, quel que soit le contexte de prix du lait et quel que soit l’objectif de lait livré par vache. L’alimentation représente 74 % des charges opérationnelles de l’atelier lait et est le premier poste de charges dans le coût de production du lait. La recherche de maîtrise du coût alimentaire reste primordiale pour rentabiliser l’atelier lait, même dans un contexte de prix du lait plus favorable.
Graphique : Évolution de la marge sur coût alimentaire et du prix du lait

Avec un prix du lait en hausse de 100 €/1 000 l entre 2020-2021 et 2023-2024, le gain de marge sur coût alimentaire a été de 72 €/1 000 l en 2022-2023 et de 59 €/1 000 l en 2023-2024. Malgré la flambée du coût alimentaire, le lait produit reste rentable dans un contexte de prix du lait à 460 €/1 000 l.
Graphique : Coûts alimentaires des vaches laitières en fonction du lait livré par vache
La répartition des coûts alimentaires des vaches laitières selon le niveau de production permet d’observer les écarts entre les exploitations et de fixer des repères moyens.
Les exploitations avec les coûts alimentaires les plus performants se situent dans la zone verte et les exploitations avec les coûts les plus élevés se situent dans la zone rouge.
Le graphique permet de fixer des objectifs de coûts alimentaires à atteindre selon le niveau de production de lait par vache.
Pour une exploitation moyenne à 8 000 litres de lait vendus par vache, l’objectif de coût alimentaire doit être inférieur à 130 euros pour 1 000 litres vendus. Pour ce niveau de lait, les exploitations les plus performantes se situent à 110 euros pour 1 000 litres.
Une exploitation à 7 000 litres vendus visera un objectif de coût alimentaire inférieur à 120 euros pour 1 000 litres vendus.
Une exploitation à 10 000 litres vendus visera un coût alimentaire de moins de 150 euros pour 1 000 litres.
Face à des niveaux record de coût alimentaire, les repères habituels sont bouleversés. Au sein de l’observatoire des exploitations laitières bretonnes (121 exploitations laitières en agriculture conventionnelle en 2023-2024), pour un même niveau livré de lait par vache, les écarts de coût alimentaire sont très importants : jusqu’à plus de 100 euros pour 1 000 litres vendus. Les exploitations dans le rouge doivent s’interroger pour regagner en efficacité technico-économique. Pour comprendre les écarts entre exploitations, cela nécessite une analyse de chaque situation pour en identifier les leviers. Les pistes d’optimisation sont nombreuses mais doivent tenir compte des contraintes de chaque exploitation (parcellaire, bâtiment, main-d’œuvre). Il est possible d’identifier quelques leviers comme rechercher le maximum de lait produit par les fourrages équilibrés, récolter des fourrages de qualité, limiter les gaspillages de concentrés, valoriser le pâturage, analyser l’efficacité et la rentabilité des concentrés de production, améliorer le confort dans les bâtiments, optimiser l’accès à l’eau et l’auge en quantité et qualité, etc.