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"L’injection est rentable chez nous, pas la cogénération"

Agribiométhane est une SAS fondée par quatre élevages laitiers et porcins. Elle produit du biométhane qu’elle injecte dans le réseau gaz de Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée.

Le 18 avril 2014, Agribiométhane envoyait ses premiers mètres cubes de biométhane dans le réseau gaz de ville de Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée. "Début 2015, la production de gaz était de 65 Nm3/h. Sur le second semestre, le débit a bien progressé pour atteindre 80 Nm3/h en décembre. Au premier juin 2016, l’unité de méthanisation a produit 85 Nm3/h", chiffre Damien Roy, président d’Agribiométhane.

Le choix de l’injection s’est vite imposé. En janvier 2010, les dix éleveurs des quatre exploitations fondatrices d’Agribiométhane font faire leur étude par le bureau Astrade. "À l’époque, on ne pouvait valoriser le biogaz qu’avec de la cogénération, un moteur qui produit de l’électricité et de la chaleur. Or, nous ne pouvions pas valoriser correctement la chaleur. Donc on a laissé tomber. En 2011, l’évolution de la règlementation rend possible l’injection de biométhane, et notre projet est relancé."

Sécuriser l’approvisionnement en matières extérieures

Agribiométhane a été dimensionnée pour valoriser les 16 000 tonnes par an de lisier de porc et bovin, fumier de bovin, et fiente de canard, des quatre élevages. Mais aussi 6 000 m3 de déchets d’industries agroalimentaires, nombreuses dans la région. "Dès le départ, nous voulions être un centre de traitement de déchets ; c’est cohérent avec notre environnement." Les déchets de biscuiterie, boues de laiterie, graisses de cuisson… représentent un tiers des matières entrant dans le digesteur. "Ces déchets ont un fort pouvoir méthanogène : 60 % de la production de biogaz est de leur fait. Par contre, un de nos points de vigilance permanent est la sécurisation de nos approvisionnements en matières extérieures", souligne Damien Roy.

À la création d’Agribiométhane, les dix agriculteurs (93 % du capital) ont fait entrer au capital la coopérative Terrena (3,5 %) et la Lyonnaise des eaux (3,5 %), qui gère entre autres le traitement de déchets d’industries agroalimentaires. "L’entrée de ces deux actionnaires a permis de rassurer les banques. Nous l’avons fait aussi pour sécuriser notre approvisionnement en matières premières extérieures. Avec l’expérience, je dirais que ce n’est pas suffisant. Même avec un actionnaire, même avec des contrats, il faut toujours rester vigilant et bien diversifier son portefeuille de fournisseurs."

Sécuriser le débouché du biométhane

Le second point de vigilance d’Agribiométhane, c’est de sécuriser son débouché pour le biométhane. "Nous injectons du gaz de façon régulière, or la consommation de gaz est très saisonnière. Notre production atteint le niveau de la consommation du réseau quatre mois dans l’année. Quelques dimanches, nous devons même brûler le biogaz avec une torchère, car le réseau ne peut plus l’absorber, faute de consommation suffisante."

Agribiométhane cherche un autre débouché. "Notre projet est de valoriser le gaz en tant que carburant. Nous avons testé une station carburant pour un car scolaire pendant un mois et demi. Quelques transporteurs routiers proches de Mortagne sont intéressés pour investir dans des camions roulant au biométhane. S’agissant d’entreprises agroalimentaires, nous ferions alors coup double : sécuriser à la fois nos approvisionnements et notre débouché."

Séparer le digestat pour respecter le plan d’épandage

Agribiométhane a aussi en charge la gestion des effluents d’élevage entrant dans le digesteur et l’épandage du digestat. La SAS prend les effluents deux fois par semaine dans chaque exploitation, et rend le digestat dans les îlots culturaux, dans dix fosses. "Les matières sont complètement mutualisées. Tout le monde est traité de la même manière."

Pour respecter le plan d’épandage par rapport à la norme phosphore, Agribiométhane a opté pour la séparation de phase du digestat, avec une centrifugeuse. La phase solide, riche en phosphore, est vendue à un composteur. Les 650 hectares des quatre exploitations ne reçoivent que la phase liquide, riche en azote ammoniacal, pauvre en phosphore. Un entrepreneur réalise l’épandage pour le compte d’Agribiométhane.

Parmi les intervenants : Astrade, bureau d’études ; Évalor pour le process méthanisation ; Verdemobil pour le process d’épuration du gaz ; Cerfrance pour le conseil économique et juridique.

Un résultat réalisé supérieur au prévisionnel

° L’unité de méthanisation a coûté 3,4 millions d’euros : 25 % pour les bâtiments, le digesteur, le postdigesteur, la voirie… Le budget est important car la fosse de stockage des graisses et celle du fumier sont enterrées pour des raisons d’odeur ; 25 % pour la poche et les fosses de stockage du digestat sur les îlots culturaux ; 25 % pour le process de méthanisation (brasseurs, pompes, traitement d’odeurs…) ; 25 % pour le process d’épuration du biogaz et la chaudière pour maintenir en température le digesteur.

Les 3,4 millions d’euros ont été financés avec 31 % d’aides ; 57 % de prêts bancaires sur douze ans ; 12 % d’apport des dix agriculteurs, de Terrena et de la Lyonnaise des eaux (respectivement au 97 %, 3,5 %, 3,5 %).

° En 2015, le résultat d’exploitation sort à 62 600 euros, plus que le prévisionnel (23 000 euros). C’est grâce à un produit supérieur au prévisionnel (+ 100 000 euros), malgré des charges supérieures. Le produit se monte à 794 000 euros. La vente de gaz (731 000 euros) a été supérieure au prévisionnel. Il y a 33 000 euros de redevance déchets, soit un peu moins que le prévisionnel. "Nous préférons des produits plus méthanogènes, quitte à les faire entrer gratuitement, que des produits de moins bonne qualité qui nous amènent plus de redevance. Économiquement, on s’y retrouve largement !"

Le total des charges est de 595 000 euros, plus que le prévisionnel (541 000 euros). Les plus gros postes sont : l’épandage par l’entrepreneur (78 500 euros) ; EDF pour alimenter pompes, brasseurs, système d’épuration du gaz… (77 000 euros) ; la redevance injection (73 000 euros) ; les intérêts d’emprunt et des comptes associés et le coût salarial (124 000 euros) ; le contrat de maintenance pour le système d’épuration (44 000 euros)… "Nous n’avons pas eu de mauvaises surprises."

° "Pour 2016, nous espérons 200 000 euros de résultats, grâce à une hausse des ventes de gaz, et malgré une augmentation des charges prévisionnelles (provision en prévision d’une panne)."

Chiffres clés 

650 ha de parcelles

16 000 tonnes d’effluent d’élevage (bovin, porc, canard)

6 000 m3 de sous-produits agroalimentaires

1880 m3 pour le digesteur et 1 200 m3 pour le postdigesteur

550 000 Nm3 de biométhane injecté

123 euros/MWh pour un contrat de 80 Nm3/h. À partir de juin 2016, passage à 121 euros pour un contrat de 85 Nm3/h.

Chiffres 2015.

"Un retour positif sur l’élevage"

Au Gaec des Deux rives. "En cette période de crise, on peut dire que la méthanisation apporte un plus. L’épandage est pris en charge par Agribiométhane, soit environ 6 000 euros par an d’économie pour notre Gaec. Les associés d’Agribiométhane toucheront un retour sur le résultat 2015 de la SAS, au prorata de leur investissement. Pour une première année d’exploitation complète, c’est très bien", résument Lionel Blouin, Jean-Paul Boissinot et Jean-Claude Arnou, les trois associés.

Agribiométhane les libère complètement du travail de gestion des effluents (fumier mou et lisier). "Le temps libéré est largement rempli par celui passé sur l’unité de méthanisation. Un week-end sur onze, un associé ou le salarié est de permanence pour surveiller et intervenir en cas d’alerte. L’alimentation du digesteur se fait automatiquement le week-end, à partir des fosses de stockage des effluents et des graisses. C’est un travail différent, et on se voit davantage entre nous !"

Une économie d’engrais minéraux

La méthanisation permet au Gaec d’économiser de l’engrais minéral. "Avant, nous achetions environ 40 tonnes d’azote minéral. Aujourd’hui, la phase liquide du digestat, riche en azote ammoniacal rapidement assimilable par les plantes, nous permet de remplacer une partie de l’engrais minéral. En 2015, qui était une très bonne année pour la valorisation des engrais, sur blé, nous avons fait l’impasse de 300 kg azote minéral par hectare ; sur maïs 100 à 150 kg ; sur prairie, 100 à 150 kgN/an. Pour préserver la matière organique de notre sol, nous enfouissons nos couverts végétaux."

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