« Le suivi repro avec le vétérinaire est une porte d’entrée pour gérer la santé du troupeau »
Thierry et Claudine Jaguelin, éleveurs en Mayenne, sont engagés avec leur vétérinaire dans un suivi repro avec un forfait aux 1 000 litres. Au-delà de la prévention des problèmes de reproduction, le suivi leur permet d’aborder l’alimentation et la santé du troupeau.


« Comment ça va en ce moment dans le troupeau ? Et la production laitière ? », questionne Olivier Crenn, vétérinaire, en arrivant sur la ferme de Thierry et Claudine Jaguelin le 21 mai au matin. Une trentaine de vaches – sur un troupeau de 90 à 100 laitières – ont été sélectionnées pour être examinées : des fraîches vêlées, des vaches non vues en chaleur, des vaches à confirmer pleines…
Tenir les objectifs d’IVV des éleveurs
Les éleveurs sont engagés au forfait avec la clinique vétérinaire depuis plus de dix ans. Ce service leur coûte 4 €/1 000 l pour une visite du troupeau toutes les quatre semaines. Le vétérinaire examine les vaches et les génisses sélectionnées. « Notre vétérinaire a une bonne connaissance de notre élevage, soulignent Thierry et Claudine Jaguelin. Le suivi mensuel permet de prendre plus tôt et rapidement les problèmes. » Ils estiment aussi que ce suivi est essentiel pour tenir leur objectif d’une production laitière de 10 000 kilos de lait par vache et par an, et d’un intervalle vêlage-vêlage de 400 jours maximum, tout en ayant une période creuse dans les vêlages en décembre-janvier.

Un déficit énergétique repéré
En ce 21 mai, Thierry Jaguelin résume ainsi la situation à Olivier Crenn : « La production est bonne avec environ 34-35 kg de lait par vache et par jour. Par contre, les taux ont un peu baissé ; nous sommes à 41-32,5 de TB-TP, contre 42-33 en moyenne habituellement. Et nous avons du mal à voir les chaleurs. Et ce malgré les colliers de détection. Comme le taux d’urée dans le lait est élevé – 320 à 330 mg/l –, alors que mon objectif est de 270 mg/l maximum, je me demande si les vaches ne manquent pas d’énergie et si je ne devrais pas passer de 600 g à 1 kg de maïs broyé dans la ration. » La ration est constituée d’ensilage de maïs principalement, complémenté par un correcteur azoté, de la luzerne déshydratée ainsi qu’un peu de pâturage ou de l’ensilage d’herbe.
Après échographie des vaches non vues en chaleur, le vétérinaire valide l’hypothèse de l’éleveur. Plusieurs vaches sont en effet repérées avec un kyste folliculaire. « Il y a plusieurs causes possibles, et le déficit énergétique en est une. » Olivier Crenn ajoute que les périodes où les hautes productrices vont dans les prairies, même si le pâturage représente une faible part de la ration, sont plus délicates à gérer pour assurer l’équilibre nutritionnel.
Une détection précoce de cétoses

La visite se poursuit avec des prises de sang sur les fraîches vêlées pour vérifier qu’il n’y a pas d’acétonémie, car les symptômes peuvent ne pas être clairs et visibles par l’éleveur. Deux d’entre elles présentent un résultat au-delà de 1,2 mmol/l de sang (concentration de béta-hydroxybutyrate, un des trois corps cétoniques). L’éleveur leur administrera du propylène glycol et de la niacine, aussi appelée vitamine B3 ou PP.
« C’est un nouvel indice qui confirme qu’il y a bel et bien un déficit énergétique, raisonne Olivier Crenn. Je suggère d’augmenter effectivement la quantité de maïs broyé, en la passant même à 1,5 kg par vache. » Le pressentiment des éleveurs est ainsi conforté par l’examen du vétérinaire.
« Sans le suivi de troupeau, les cétoses seraient restées invisibles jusqu’à ce qu’un déplacement de la caillette ou une cétose clinique survienne », ajoute Thierry Jaguelin.
Olivier Crenn estime qu’il faudrait que les fraîches vêlées puissent rester en stabulation quand les autres laitières sortent dans la prairie pour prévenir le risque de cétose. « Si elles sont dominées, elles ont moins accès à la ration quand les autres laitières sont en stabulation. Et si la prairie ne leur apporte pas assez d’énergie, elles sont en déficit énergétique. » Mais l’élevage ne disposant pas de porte de tri après le robot de traite, c’est compliqué.
Attention à la hausse du Baca
Le vétérinaire s’attarde ensuite sur une des vaches qui n’a pas délivré. Il active la délivrance par l’administration de compléments alimentaires minéraux qui favorisent la mobilisation du calcium osseux. « C’est un indicateur d’un problème au tarissement : y a-t-il eu un souci avec la ration ? », interroge-t-il. L’éleveur suppose que les taries étant sorties au pâturage, cela a déconcentré la ration et fait augmenter le Baca. En concertation avec Olivier Crenn, il est décidé d’apporter du chlorure de magnésium dans la ration des taries pour atteindre un Baca négatif (bilan alimentaire cation-anion), pour prévenir les problèmes de délivrance.
Tenir la stratégie de renouvellement des éleveurs
Enfin, parmi les neuf vaches échographiées en vue d’un diagnostic de gestation, une seule n’est pas pleine. L’éleveur demande aussi le sexe de chaque veau. « Mon objectif est d’élever 30 génisses de renouvellement par an. Donc une fois que ce nombre est atteint, j’insémine avec du blanc bleu belge pour avoir des veaux croisés, qui se vendent plus cher. »
Avis d'expert : Olivier Crenn, clinique vétérinaire du sud Mayenne
« Un accompagnement global sur l’élevage »

Il n’y a plus de gros problème de ration ou de conduite dans les élevages en suivi. Cependant, la ration est un paramètre qui évolue régulièrement en fonction des récoltes et des approvisionnements. Notre action consiste donc à contrôler pour ajuster en permanence.
Je préfère de loin réaliser des suivis réguliers plutôt que des audits isolés. Le suivi permet d’être dans l’amélioration continue et réalisable, d’aborder les points d’amélioration au fur et à mesure, et de pouvoir s’assurer que les solutions sont applicables et appliquées. Nous développons une vraie relation professionnelle, un vrai partenariat. Et c’est une vraie satisfaction de constater que notre travail contribue à améliorer la rentabilité de nos clients. »
Le conseil du jour à l’EARL Cousin
Mickaël et Véronique Cousin, éleveurs à Peuton, en Mayenne, appréhendent les diarrhées néonatales et souhaitent mieux les prévenir. « Nous avions vacciné quelques vaches taries, mais nous avons du mal à le faire pour toutes les vaches taries. Un flacon ouvert ne se conserve pas vraiment, donc il faut regrouper plusieurs taries pour les vacciner ; c’est une contrainte pour nous », exposent-ils. Olivier Crenn leur parle d’une nouvelle présentation, en dose individuelle, qui répond à cette contrainte. « Nous pourrons vacciner en salle de traite après leur dernière traite. Même si ce conditionnement coûte plus cher, vu le prix des veaux en ce moment, cela vaut le coup », conviennent les éleveurs.
Le deuxième conseil du jour d’Olivier Crenn a été de commencer à traiter contre les mouches, « sinon vous allez vous faire déborder ».