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CESSATIONS LAITIÈRES
L’arrêt du lait n’est pas si souvent gagnant

Cet hiver, le contexte défavorable au lait et très favorable aux grandes cultures a conduit nombre d’éleveurs à s’interroger sur l’arrêt du lait. Attention à ne pas se laisser séduire par les sirènes de la conjoncture céréalière.

L’INTÉRÊT D’UNE PRODUCTION doit se raisonner sur une
moyenne de plusieurs années. Et pas seulement sur
la base de prix conjoncturels.
L’INTÉRÊT D’UNE PRODUCTION doit se raisonner sur une
moyenne de plusieurs années. Et pas seulement sur
la base de prix conjoncturels.
© S. Leitenberger

«Nous entendions parler d’arrêt du lait, même de gros quota, et nous avons craint des arrêts non calculés, que les producteurs regrettent par la suite. Car nos simulations montrent que :

- l’EBE baisse dans tous les cas, de façon significative.

- Des emplois partent durablement.

- Des prairies sont retournées, durablement, avec des conséquences environnementales dramatiques, et in fine un retour de bâton pour les agriculteurs, que ce soit en terme d’image, de nouvelles contraintes environnementales…

Nous avons donc organisé six réunions sur l’avenir du lait, en Meurthe-et-Moselle (163 éleveurs participants) », brosse Jean-Marc Zsitko, conseiller à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, pour les réseaux d’élevage de Lorraine, Champagne Ardennes et Alsace.


Pouvoir arrêter le lait est un luxe que tous ne peuvent se payer


Des simulations ont été présentées, à partir du cas concret d’un Gaec père-fils (2 UMO). Il compte 405 000 litres (77 UGB) et 143 ha de SAU, dont 43 ha de prairies permanentes. Un même bâtiment comprend un espace vaches laitières de 54 logettes, un espace élèves avec aire paillée de 56 à 60 places, et une nurserie. La situation économique de départ est satisfaisante et les annuités sont dans la moyenne des groupes. Cette exploitation parvient à bien se rémunérer tout en gardant une capacité d’autofinancement. « Des éleveurs de zone intermédiaire, même avec des situations de départ satisfaisantes, peuvent se poser la question de l’arrêt du lait, quand elles entendent parler d’arrêts de gros quotas, et quand on leur dit ‘pourquoi tu continues à t’embêter avec de l’herbe et la traite des vaches, alors que tu pourrais ne faire que des cultures?’ », indique Jean-Marc Zsitko.


Les simulations testent trois scénarii d’arrêt du lait : la mise en place d’un troupeau allaitant, le retournement de toutes les prairies, et le retournement des prairies et la mise en place d’une production de taurillons.

Les résultats montrent une baisse de l’EBE dans tous les cas. S’il veut arrêter le lait, le fils a intérêt d’attendre le départ en retraite de son père, dans quatre ans, et de limiter au maximum les investissements durant cette période, pour faire baisser le poids des annuités. « Il ne faut pas oublier qu’au départ en retraite du père, si le fils reste seul, il devra reprendre les parts sociales de son père », ajoute Jean- Marc Zsitko.

« Pour une exploitation dont la situation de départ est moins favorable, on aura le même niveau de baisse d’EBE. Mais cette baisse sera plus dure à supporter pour une exploitation fragile financièrement. »


Lors des réunions, des simulations de différentes options pour produire davantage de lait, et leurs conséquences économiques (voir Réussir Lait de mars 2013, n° 267, page 102) étaient ensuite présentées, suivies d’un débat. « Les réunions regroupaient donc à la fois des éleveurs qui se demandaient s’il ne valait pas mieux arrêter le lait et des éleveurs qui se demandaient jusqu’où reprendre du lait et comment produire ce lait supplémentaire. Les participants avaient néanmoins le même profil : de grosses exploitations de polyculture élevage. »


« Nous nous sommes rendu compte qu’une bonne partie des participants étaient venus se rassurer, et du coup ces réunions les ont apaisés. Car les simulations montrent que le lait reste rémunérateur s’il est bien fait. Et que les exploitations n’ont souvent pas les moyens financiers d’assumer un arrêt du lait. Pour ce qui est de produire plus, les simulations montrent qu’il est préférable de ‘faire mieux’ avant de ‘faire plus’ pour maintenir et améliorer le revenu », résume Jean-Marc Zsitko.


Néanmoins, certains éleveurs sceptiques ont qualifié les conclusions « de trop optimistes pour le lait ». « Pourtant, nous avons plutôt pris des hypothèses optimistes pour les grandes cultures : pas besoin d’investir dans du matériel pour les grandes cultures, pas d’écart de rendement entre d’anciennes terres à herbe et des terres à cultures, et pas d’investissement sur les prairies (drainage) », souligne Jean-Marc Zsitko.


Au cours de ces réunions, « nous avons rappelé la force des exploitations de polyculture élevage, qui n’ont pas tous leurs oeufs dans le même panier. Il y a quelques années, le lait permettait d’acheter la moissonneuse, aujourd’hui, c’est un juste retour des choses d’avoir l’atelier céréalier qui vienne en aide à l’atelier laitier. »


Il y a des cas où un arrêt de la production laitière s’avère cohérent. Par exemple, à l’approche de la retraite, avec peu d’annuités. Pour les exploitations qui ont décidé d’arrêter le lait sans en calculer les conséquences, la question de leur devenir reste posée.

Relire aussi les conclusions des simulations de Cerfrance Calvados dans Réussir Lait de février 2013, n° 266, page 23

LIRE LES SIMULATIONS ÉCONOMIQUES ET LES TÉMOIGNAGES DANS LA REVUE N°270, PAGES 12 À 16.

Attention aux retournements des prairies


Les agriculteurs qui ont demandé l’aide à la cessation laitière ont le droit de retourner toutes leurs prairies, même les prairies permanentes ! Les arrêts du lait sont donc inquiétants, quant à leurs conséquences environnementales (moins de stockage de carbone, davantage de pertes dans les nappes, perte de biodiversité). Cette question doit intéresser les agriculteurs. Car si la qualité de l’environnement se dégrade, ils le payeront tôt ou tard: renforcement de normes environnementales, déficit d’image, etc.


Le coût de la restructuration des prairies est souvent oublié (1). Jean-Marc Zsitko rappelle que « en Lorraine, dans les Ardennes et en Haute-Marne, les surfaces en herbe à bon potentiel ont déjà été retournées. Pour celles qui restent, des investissements seront nécessaires, comme le drainage (coût moyen : 1500 euros par hectare). Souvent aussi, les agriculteurs oublient que ces terres donneront des rendements moins élevés que dans les terres à cultures ».

(1) Il n’est pas pris en compte dans les simulations

Les ingrédients qui poussent à l’arrêt


Un contexte actuel défavorable au lait. « Nombre d’éleveurs ont affirmé qu’un prix du lait meilleur et un prix de l’aliment un peu moins cher suffirait à les remotiver », a souligné Jean-Marc Zsitko.


Une charge de travail qui devient insupportable en contexte peu rémunérateur. « Le débat en fin de réunion a été marqué par la problématique travail. Leur charge de travail est lourde, au regard d’autres activités, et elle est d’autant plus mal vécue qu’elle est mal rémunérée. » L’arrêt du lait est souvent envisagé lors du départ d’un associé, à l’approche de la retraite, ou lorsque l’éleveur ne parvient pas à investir dans de l’automatisation, un salarié…


Une ambiance « pro cultures » voire « anti herbe ». « Les voisins céréaliers charrient des éleveurs qui pourraient labourer des prairies. »


Un renforcement des normes environnementales. Si de nouvelles normes nécessitent de nouveaux investissements sans aides, cela peut précipiter un arrêt.

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