En Nouvelle-Zélande
La croissance laitière sera freinée par l’environnement
La crise laitière a choqué mais pas assommé les éleveurs néo-zélandais. Malgré des coûts de production plus élevés depuis 2007, les éleveurs restent compétitifs.
La crise laitière a choqué mais pas assommé les éleveurs néo-zélandais. Malgré des coûts de production plus élevés depuis 2007, les éleveurs restent compétitifs.



La Nouvelle-Zélande est une terre laitière par excellence. Elle a produit près de 22 millions de tonnes de lait sur la campagne du 1er juin 2014 au 31 mai 2015. C’est-à-dire presque autant que la France sur un territoire deux fois moins vaste, comptant quatorze fois moins d’habitants. Le pays exporte 95 % de sa production laitière, et représente 30 % des exportations mondiales. La Nouvelle-Zélande pèse donc sur les marchés mondiaux, notamment de septembre à janvier, pendant son pic de production.
C’est un concurrent à double titre : sa production a été multipliée par deux en vingt ans et ses exploitations sont compétitives grâce à des systèmes pâturants économes. Deux phénomènes changent un peu cette donne : le coût de production moyen des élevages a augmenté depuis la campagne 2007-2008, et des contraintes environnementales commencent à s’appliquer sur les élevages bovin lait. Une étude de l’Institut de l’élevage fait le point sur les évolutions récentes du secteur.
Ces vingt dernières années, la production a beaucoup augmenté dans l’île du sud, sous l’effet de conversions d’élevages de brebis et de vaches allaitantes en troupeaux laitiers. Ces conversions étaient motivées par une meilleure rentabilité du lait, toujours d’actualité malgré la crise laitière car les perspectives restent bonnes. "Ces nouvelles exploitations sont plus grandes, plus équipées et intensives que beaucoup d’exploitations sur l’île du nord", décrit Mélanie Richard, de l’Institut de l’élevage.
Le point mort (prix de revient du lait hors rémunération de la main-d’œuvre familiale) est passé de 300-350 dollars néo-zélandais pour 1 000 l avant 2007 à 470-490 NZD/1 000 l à partir de la campagne 2007-2008 marquée par une sécheresse historique et un prix du lait très incitatif. Et entre 2007 et 2014, il n’est pas redescendu.
Charges d’alimentation et de structure plus élevées depuis 2007
"L’alimentation reste basée sur le pâturage, mais les éleveurs complémentent davantage avec des fourrages produits sur l’exploitation (ensilage de maïs et enrubannage d’herbe) et des aliments achetés (tourteau de soja et surtout de palme). En 2001, les élevages les plus pâturants (plus de 86 % de la ration est du pâturage) représentaient 70 % des exploitations. En 2014, ils ne représentaient plus que 30 à 40 % des élevages ! La complémentation permet de sécuriser l’alimentation, de préserver les pâtures en hiver, et d’intensifier la production à l’hectare. Les éleveurs y voient une 'simplification' de la production à l’herbe, quitte à perdre en efficience (EBE/produit)", analyse Mélanie Richard.
Pour préserver les prairies, les éleveurs, notamment dans le Sud, ont investi dans des paddocks stabilisés d’hivernage voire dans des bâtiments. La pression environnementale croissante explique aussi ce choix. Avoir moins d’animaux dans les prairies l’hiver, quand l’herbe valorise très peu l’azote, permet de limiter le lessivage de l’azote. "La hausse des charges de structure s’explique aussi par la hausse du prix du foncier. Le prix moyen des terres est passé de 10 000 NZD/ha à près de 40 000 NZD entre 2000 et 2015. Enfin, dans l’île du sud, les conversions ont nécessité des investissements conséquents : salle de traite au milieu des paddocks, barrières, chemins, drainage ou irrigation…"
L’endettement moyen a nettement augmenté. "Le ratio dettes/actif est passé de 35 % en 2005 à 46 % en 2015, un niveau comparable à celui des récents investisseurs en France. La crise laitière a fait prendre conscience aux banques des risques et a freiné les investissements déraisonnables", commente Mélanie Richard.
Un retour à une stratégie économe pour passer la crise
La crise laitière a durement touché les exploitations néo-zélandaises. "En Nouvelle-Zélande il n’y a pas d’aides publiques aux éleveurs, pas de soutien des marchés." Fonterra, la grande coopérative qui valorise 90 % du lait néozélandais, transforme le lait essentiellement en produits de commodité pour l’export. Ces produits sont soumis à une très forte volatilité, surtout ces dernières années. Le prix du lait a atteint un pic à 8,5 NZD/kg de MSU (matière solide utile) au second semestre 2013 (soit 700 NZD/1 000 l ou 400 €/1 000 l en 38-32), et a chuté jusqu’à 4,1 NZD/kg MSU (350 NZD/1 000 l ou 195 €/1 000 l) au second semestre 2015.
Depuis la hausse du prix prévisionnel de Fonterra à 6 NZD/kg de MSU pour la campagne 2016-2017, les éleveurs néo-zélandais respirent ! Avec les compléments de prix, ils pourront espérer un prix final autour de 6,5 NZD. Pour réduire son exposition à la volatilité, Fonterra développe des produits à plus forte valeur ajoutée, essentiellement des ingrédients spécifiques pour la nutrition et la restauration hors foyer.
"Au final, il y a eu peu d’arrêts de la production laitière. Les exploitations se sont adaptées, revenant à des conduites plus économes. Le point mort a baissé à environ 415 NZD/1 000 l. La crise les a obligés à revenir à davantage d’efficience. Les banques ont accordé des prêts de trésorerie. Le prix des terres n’a pas chuté. Tout démontre que tous croient en l’avenir du lait et en la solidité du modèle néo-zélandais", conclut Mélanie Richard.
Chiffres clés
Les contraintes environnementales arrivent doucement
La Nouvelle-Zélande doit protéger son environnement, attraction principale de son activité touristique. Et la filière laitière a besoin d’afficher une image "verte". Mais le pays ne veut pas déstabiliser cette dernière. En 2014, la Nouvelle-Zélande a fait une déclaration politique sur la gestion des eaux douces, et elle se donne jusqu’à 2025 pour que les régions fixent des objectifs et des limites par bassin versant. Pendant ce temps, des moyens sont donnés à la recherche pour trouver des solutions. Certaines régions ont déjà leur plan d’actions, d’autres sont en cours d’établissement. Dans certaines zones, la croissance laitière sera très difficile, les conversions en bovin lait très contraintes, des niveaux d’intensification plafonnés. Concernant les gaz à effet de serre, des moyens ont été alloués à la recherche, et à la définition de modes de calcul qui ne pénalisent pas le lait néo-zélandais, et il n’y a pas de plan d’actions contraignant pour le secteur agricole.
À partir de 2018, Fonterra pourra refuser de collecter une nouvelle exploitation laitière. Auparavant, la coopérative était dans l’obligation d’accepter tout nouvel adhérent, y compris les conversions en bovin lait.