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En bio, l’autonomie en concentré prime sur l’autonomie fourragère

En Rhône-Alpes, le réseau régional PEP pointe les leviers de réussite des fermes laitières bio, comme la production de fourrages de qualité, en quantité et à un coût maîtrisé.

Il existe différentes façons de produire du lait en bio, avec des systèmes plus ou moins intensifs, en plaine ou en montagne, avec ou sans séchage en grange. Les résultats de 23 élevages bovin lait bio du réseau régional du Pôle d’expérimentation et progrès (PEP) (1) montrent que l’on peut bien gagner sa vie dans n’importe quel système (2), résume Monique Laurent, de l’Institut de l’élevage (résultats sur les années 2011 à 2015). On constate une dispersion des EBE (26 000 à 80 000 euros/UMO. 139 à 604 €/1 000 l. 27 à 61 % d’EBE/PB). Pour dégager un bon résultat, en dehors de la stratégie d’investissement qui est un facteur clé que l’on soit en bio ou en conventionnel, le levier de réussite est l’efficacité du système fourrager. Ce qui est primordial, encore plus en bio qu’en conventionnel, c’est de bien adapter son système fourrager à son potentiel pédo-climatique et à ses surfaces disponibles. Un des grands messages en bio est de ne pas chercher la productivité maximum. On va chercher un optimum pour un système durable, sécurisé et peu coûteux."

Obtenir qualité et quantité de ses prairies

Quels sont les leviers techniques qui expliquent les bons résultats ? Les conseillers des chambres d’agriculture du réseau ont dégagé des leviers de réussite communs aux différents profils, comme la réussite du pâturage d’avril à novembre. "L’herbe s’use quand on ne l’exploite pas", commente Monique Laurent. Tirer le meilleur de ses prairies est particulièrement stratégique pour un système tout herbe de montagne avec fauche précoce. "Après leur passage en bio, les éleveurs mettent à l’herbe le plus tôt possible, tournent davantage (2 à 3 j/parcelle), voire utilisent le fil au plus fort de la pousse. Ils fauchent plus fréquemment (4 voire 5 coupes) pour aller chercher les stades jeunes et la qualité, et faire de la quantité. Ils cherchent à alterner pâturage et fauche précoce (au moins une fois par an) sur une même parcelle pour assurer l’entretien et la productivité de la prairie." Pour tirer leur épingle du jeu, les systèmes très herbagers doivent valoriser les premières coupes de prairies multiespèces en ensilage ou enrubannage pour assurer les repousses pour une deuxième coupe avant un éventuel coup de sec.

Viser l’autonomie en concentré d’abord

"En bio, l’achat de fourrage est moins coûteux (peu d’écart avec le conventionnel) que l’achat de céréales (350 à 400 €/t), de paille, et surtout de tourteaux (700 à 900 €/t). Il vaut donc mieux viser l’autonomie alimentaire sans viser l’autonomie fourragère en premier lieu. On recherchera plutôt l’autonomie en concentré + paille en premier lieu", indiquent les conseillers. Cela passe par une bonne valorisation du pâturage, l’introduction de légumineuses dans les prairies de longue durée (au lieu du traditionnel RGI), la production d’herbe conservée de qualité, et la production de concentré énergétique (céréale, maïs grain ou épi).

Assurer des rotations longues

Un levier important est le maintien des céréales dans le système, intéressant à plusieurs titres. Les céréales et méteil grain sont une source d’énergie alimentaire et de paille. Ils peuvent offrir une sécurité en étant ensilés les années déficitaires en fourrage, mais leur valeur alimentaire est insuffisante pour les vaches laitières. Surtout, les céréales permettent la mise en place de rotations longues avec des prairies multiespèces. "Ainsi, on renouvelle la prairie temporaire de longue durée. Cette dernière, riche en légumineuses fixatrices d’azote, est un bon précédent pour la céréale qui suit, voire la deuxième céréale de la rotation, pas plus ! Lorsque la succession des cultures est supérieure à deux ans et que les prairies temporaires sont insuffisamment retournées, les rendements chutent, le salissement et les maladies sur cultures s’accentuent", constatent les conseillers.

Donner une place centrale aux légumineuses

Les conseillers rappellent que "la luzerne en pure n’est pas recommandée en bio, pour des raisons de salissement impossible à traiter en bio. La luzerne convient en mélange, ou en semis de printemps sous couvert de céréales pour réduire le risque de salissement (5,5 à 9 tMS/ha en 3, 4 voire 5 coupes)". Les prairies multiespèces à dominante de trèfles affichent des rendements plus faibles (-0,5 à -1 tMS/ha) mais présentent l’avantage de pouvoir être pâturées.

"Nous insistons beaucoup auprès des éleveurs sur l’introduction des légumineuses (1/3 de la prairie en général) dans des prairies multiespèces que l’on gardera trois à cinq ans. L’intérêt est de deux ordres : améliorer la richesse en PDI des fourrages, et apporter de l’azote en complément des effluents d’élevage qui doivent être épandus également sur prairie. Les engrais bio coûtent très chers, on cherche donc à s’en passer", ajoute Monique Laurent.

Couvrir le sol pour gérer les adventices

Pour ne pas se faire envahir par les adventices, il faut se préoccuper des rotations et couvrir le sol. Un certain nombre d’éleveurs font des semis sous couvert. Par exemple, du semis de prairie sous couvert de céréales en sortie d’hiver. "Cette pratique demande de la technicité : il ne faut pas que la céréale handicape la prairie et vice versa. Il faut donc bien choisir les espèces à implanter."

(1) Chambre d’agriculture (05, 42, 69, 73, 74), Conseil élevage (26 et 38), Idele.(2) Ces élevages ont des résultats représentatifs des élevages laitiers bio de la région.

Attention aux coûts avec le séchage en grange

Vu son coût (50 à 80 €/1 000 l autochargeuse comprise) et le surcoût d’électricité (5 à 6 €/1 000 l), le séchage en grange doit permettre d’obtenir une excellente qualité des foins, pour réduire les achats de concentrés et les frais de fonctionnement du système fourrager (moins de maïs, moins d’irrigation, moins de travaux de récolte d’herbe, de conservateur, de bâches, de films, de ficelles). L’intensification du système fourrager est recherchée, en réalisant une première coupe très précoce (cumul des températures à 600 °C) et en enchaînant ensuite deux à quatre coupes en plaine et moyenne montagne. Un parcellaire groupé facilite la planification des chantiers. Dans le profil avec du maïs en plaine, un levier de réussite est de "donner une place centrale à la luzerne dans les prairies, et d’équilibrer par du maïs sous toutes ses formes, surtout ensilage d’épis", concluent les conseillers. Un levier fondamental est d’assurer une production laitière suffisante pour amortir les charges de structure.

"On peut réussir en bio sans séchage en grange. Quand on se convertit, il est plus prudent de commencer par maîtriser la gestion de l’herbe et les rotations, et de programmer son investissement dans un séchoir pour plus tard quand la situation financière sera stabilisée", conseille Monique Laurent.

Produire ou pas du maïs ?

En bio, conserver beaucoup de maïs est très coûteux à cause du besoin de complémentation en protéines. Mais le maintenir a minima dans l’assolement présente l’intérêt de limiter les quantités de concentrés énergétiques à acheter, et de sécuriser le stock fourrager les années sèches. "Certaines fermes ont abandonné la production de maïs davantage en raison d’une problématique travail que de contraintes pédoclimatiques. Le désherbage mécanique demande beaucoup d’observations et de réactivité d’intervention à une période où l’exploitation de l’herbe est tout aussi stratégique. La prolifération de prédateurs entraîne parfois des resemis coûteux (semences bio : 200 à 240 euros/ha) ou nécessite la pose de clôtures électriques, avec entretien sans usage d’herbicide. "

Des marges de progrès pour le coût alimentaire

Le coût alimentaire va de 62 à 150 euros/1 000 l (analyse des résultats sur cinq ans). Il dépend beaucoup du degré d’autonomie en concentrés, notamment des achats de tourteaux. Mais aussi de la maîtrise de l’équilibre de la ration et de la qualité des fourrages, qui elle-même dépend de la qualité d’implantation de la prairie, de la gestion du pâturage, du stade de récolte, des conditions de récolte et de stockage, de l’entretien de la prairie…

Dans le système à dominante herbe et ensilage de maïs en montagne, les conseillers appellent à la vigilance. "Il faut faire attention à limiter le maïs de 0,8 à 1,5 t MS/VL/an (ou 4 à 5 kg MS/VL/j) et le réserver aux rations hivernales jusqu’au début de la mise à l’herbe, puis pendant la sécheresse estivale."

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