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« Avec la bio, nous vivons bien avec 60 vaches à 8 500 litres »

Dans la Loire, le Gaec des Gauds a réussi sa conversion bio, sans baisse de productivité laitière, mais avec une profonde réorganisation des rotations et une introduction massive de légumineuses.

Sixième ! En 2021, le Gaec des Gauds, dans la Loire, est en sixième position dans la top liste de nos confrères de PLM pour la production de matière utile en élevage bio, avec 644 kg/vache (57 Prim’Holstein et Montbéliardes). Mais, pour donner tout son sens à ce classement, il manque un élément essentiel, estime Jean-Pierre Monier, conseiller bovin lait à la chambre d’agriculture de la Loire et référent bio pour Auvergne-Rhône-Alpes : « Il faudrait savoir à quel prix est produit le lait. »

Il suit depuis huit ans le Gaec des Gauds de Bénédicte et Philippe Chausse, à Saint-Genest-Malifaux dans la Loire. « Ils ont un coût de concentré (51 €/1 000 l) équivalent voire inférieur à celui des éleveurs conventionnels avec un aliment qui coûte deux fois plus cher et des performances très bonnes (8 500 l/VL de moyenne économique). En bio, c’est remarquable. Le Gaec des Gauds démontre qu’il est possible de produire du lait bio avec un coût alimentaire maîtrisé malgré des aliments très chers. Dans le département, la plupart des éleveurs qui ont fait récemment la conversion ont réussi à maîtriser le coût alimentaire. » « Nous étions au bout de notre système intensif de montagne, confient Bénédicte et Philippe ChausseLa bio nous a remis sur de bons rails. »

La production de lait n’a pas baissé

La salle de traite, rénovée en 2014 en deux fois cinq postes avec décrochage. Une nurserie est en projet avec accès des veaux à l’extérieur, obligatoire en bio. Mais, elle sera  plus éloignée.
La salle de traite, rénovée en 2014 en deux fois cinq postes avec décrochage. Une nurserie est en projet avec accès des veaux à l’extérieur, obligatoire en bio. Mais, elle sera plus éloignée. © B. Griffoul

Leur exploitation est située dans les Monts du Pilat, entre 900 et 1 000 mètres d’altitude. En 2015, malgré une bonne production de lait, les résultats économiques n’étaient pas satisfaisants, pris en ciseaux entre chute du prix du lait et coûts élevés. Pourtant, « quand on parlait d’agriculture bio, ils souriaient », se souvient le conseiller. Ouverts à la réflexion, ils ont participé à des journées portes ouvertes et se sont laissé tenter par un diagnostic de conversion de leur exploitation. « Nous accompagnons très fortement les candidats à la conversion dans leur cheminement : diagnostic approfondi, formations, journées portes ouvertes… », explique le conseiller. Sodiaal a déployé sa première collecte bio sur leur zone, dès le début des années 2000.

Au fil des années, une forte émulation s’est créée. Le canton est marqué par une forte dynamique laitière bio. Le label bio ramène de la valeur ajoutée dans une zone où il n’y a pas d’AOP. « Le seul doute portait sur la capacité à maintenir le niveau de production du système conventionnel, indique Jean-Pierre Monier. Mais, même avec moins de lait, économiquement, la conversion était viable. » La production (480 000 l) n’a finalement pas baissé car, entre-temps, le Gaec a augmenté sa surface de 20 hectares, passant de 80 à 100 hectares de SAU (sols sableux).

« Les rotations, c’est le nerf de la guerre en bio »

Les clés de cette conversion réussie résident dans le retour d’une agronomie vertueuse. Fini les maïs sur maïs avec apports massifs de fumier, place aux vraies rotations et à une introduction massive de légumineuses. Par prudence, la première année, le Gaec a réduit la surface en maïs ensilage (de 10 à 5 ha), ne connaissant pas la culture en bio. Les trois premières années se sont très bien passées (12 à 14 t MS/ha) et, l’an dernier, ce ne fut pas pire qu’en conventionnel (9 t MS/ha). Mais, désormais, le maïs vient toujours après une prairie, dans une rotation prairie/maïs/céréale. « Les rotations, c’est le nerf de la guerre en bio, assure Jean-Pierre Monier. Une part importante de terres labourables 60 ha ici est un gros atout pour passer en bio. »

Le maïs est fertilisé avec 20 à 30 tonnes de fumier/ha et du carbonate de chaux (1t/ha tous les 3 ans). Le désherbage, par contre, est gourmand en main-d’œuvre : un passage de herse étrille au semis et deux à trois binages. Forts de ce résultat, les éleveurs ont de nouveau porté la surface en maïs à 10 hectares.

Les logettes sont davantage paillées

La stabulation de 1998 a été réaménagée et agrandie. Les logettes sont réparties en deux rangées avec couloir d’alimentation central. Les génisses sont logées dans un bâtiment récent.
La stabulation de 1998 a été réaménagée et agrandie. Les logettes sont réparties en deux rangées avec couloir d’alimentation central. Les génisses sont logées dans un bâtiment récent. © B. Griffoul

Dans les prairies temporaires (47 ha), les légumineuses composent désormais 50 % de la flore. Près de la stabulation, ce sont des mélanges multiespèces de type suisse pour le pâturage des vaches. Pour la fauche, les prairies sont à base de ray-grass anglais, d’un peu de dactyle et de trèfle violet, et conservées trois à quatre ans. Elles sont fertilisées avec du compost (10 t/ha) en fin d’hiver. Depuis la conversion, les logettes sont davantage paillées (4,5 kg/VL/jour), ce qui permet d’avoir beaucoup de fumier.

Hormis de petites surfaces en céréales pures pour renouveler la semence, le Gaec cultive désormais des méteils récoltés en grain (seigle, triticale, pois). Dans les rotations sans maïs, deux céréales succèdent à la prairie. Au semis, le fumier n’est apporté qu’en deuxième céréale. En revanche, toutes les céréales reçoivent en fin d’hiver un apport de 10 t/ha de fumier frais pour bénéficier d’un petit effet direct de l’azote. Les rendements ont peu baissé (40 qx/ha contre 55 qx/ha en conventionnel).

« Des fourrages au top de la qualité »

Le Gaec a fait l’acquisition d’une auto-chargeuse distributrice (13 m3) équipée de deux tapis pour distribuer simultanément des deux côtés du couloir d’alimentation (coût : 40 000 €).
Le Gaec a fait l’acquisition d’une auto-chargeuse distributrice (13 m3) équipée de deux tapis pour distribuer simultanément des deux côtés du couloir d’alimentation (coût : 40 000 €). © B. Griffoul

Le Gaec des Gauds n’a pas modifié ses modes de récolte de l’herbe, basés uniquement sur des fourrages humides pour les vaches : ensilage de première et deuxième coupes (respectivement 36 et 17 ha) stockés dans le même silo et enrubannage. Du foin de prairies naturelles est récolté sur un site éloigné pour les génisses. Le Gaec achète du foin de luzerne de très bonne qualité pour amener la fibre dans la ration des vaches (22 t consommées en 2020).

L’ensilage d’herbe est récolté très tôt pour privilégier la qualité. « Ils sont parmi les premiers à lancer la campagne d’ensilage dans mon groupe de suivi, confie Clémence Petit, de Loire Conseil Elevage. Ils sont très attentifs aux conditions de récolte. C’est vraiment le point fort de l’exploitation : que ce soit le pâturage, l’affouragement en vert ou les ensilages d’herbe et de maïs, ils ont toujours des fourrages au top de la qualité. Les vaches sont hyper efficaces — on est tout le temps au-dessus de 1,4 d’efficacité alimentaire parce qu’on leur donne des fourrages faciles à digérer et riches en azote. » En 2020, l’ensilage d’herbe ressortait à 0,9 UFL, 170 g de MAT, 441 g de NDF et 75 % de digestibilité.

« Au moins 4 kg MS de maïs toute l’année »

Le désherbage du maïs est effectué avec une buteuse à pommes de terre.
Le désherbage du maïs est effectué avec une buteuse à pommes de terre. © B. Griffoul

« Nous essayons de mettre toute l’année au moins 4 kg MS d’ensilage de maïs dans la ration pour maintenir l’état corporel des vaches et le TP, précise-t-elle. En hiver, les vaches ont environ 15 kg (bruts) de maïs et 12 kg lorsqu’elles sont à la pâture ». Quand le silo de maïs se termine, un achat de maïs épi permet de faire la soudure. En hiver, l’ensilage d’herbe est distribué à volonté. Les ensilages sont désilés avec un godet équipé d’un peson pour contrôler les quantités. L’ensilage d’herbe est décompacté devant le silo puis le maïs est rajouté dessus avant de mélanger le tout. Jusqu’à l’hiver dernier, le mélange était posé en tas devant le cornadis puis repoussé manuellement.

Depuis l’achat d’une nouvelle auto-chargeuse équipée d’un double tapis de distribution pour l’affouragement en vert, il est distribué avec cette machine. La fibre (1 kg/VL/jour de foin de luzerne) est donnée au cornadis. « Il y en a peu mais elle est efficace », commente Clémence Petit. Le concentré est distribué au DAC, soit en moyenne par vache : 3,5 kg de céréales (60 % méteil, 40 % maïs), 0,5 kg de tourteau à 40 % de MAT et 1,5 à 2 kg de VL à 30 % de MAT. Le tout pour couvrir une production moyenne de 28-30 kg de lait/vache/jour.

L’affouragement en vert, variable d’ajustement

L’herbe distribuée en vert est coupée le matin et consommée au retour des vaches à la stabulation vers 16 h 30.
L’herbe distribuée en vert est coupée le matin et consommée au retour des vaches à la stabulation vers 16 h 30. © B. Griffoul

Depuis la conversion en bio, le Gaec des Gauds a optimisé la gestion du pâturage et introduit l’affourragement en vert. La mise à l’herbe est plus précoce, dès le début avril (à 900 m d’altitude). La distribution d’herbe démarre un mois plus tard. Au début, elles en consomment modérément car la pâture couvre une grande partie des besoins (8 kg de MS). Le troupeau (55 vaches en lactation) dispose de 20 hectares de pâture (35 ares/VL) conduits en pâturage tournant. L’affourragement en vert remplace l’ensilage d’herbe et représente la variable d’ajustement tout au long de la saison.

Jusqu’à l’an dernier, l’herbe était distribuée à la main. Une tâche excessivement pénible. Le Gaec s’est donc équipé d’une auto-chargeuse distributrice (40 000 €). « Quand il y a beaucoup d’herbe, je fais l’aller et retour en 20 mn. Au pire, il me faut trois quarts d’heure, explique Philippe Chausse. J’ai préféré faire de l’affourragement en vert plutôt que d’ensiler. On ne perd pas en qualité et, en plein été, les vaches aiment mieux manger de l’herbe fraîche que de l’ensilage. » Pendant la saison d’herbe, ensilage de maïs et foin de luzerne sont maintenus. En revanche, le tourteau est supprimé autant que faire se peut. Le concentré comprend de la céréale et, depuis cette année, de la VL à 19 % de MAT (plutôt que 30) (respectivement 3 kg et 400 g pour des vaches à 30 kg de lait) afin de renforcer l’énergie de la ration et remonter le TP. « Pour le coût alimentaire, ils sont dans le top deux des éleveurs de mon groupe. Au printemps, avec l’affourragement, ils sont même les meilleurs », indique Clémence Petit.

« Garder 17 % d’amidon toute l’année dans la ration »

Reste un point faible : le taux protéique. « C’est un problème récurrent dans les systèmes Prim’Holstein bio, témoigne Jean-Pierre Monier. Mais, eux sont parmi les plus hauts grâce à une part de maïs dans la ration. » La grille de paiement du lait bio de Sodiaal prévoit la suppression de la prime qualité (12 €/1 000 l) lorsque le TP est inférieur à 31,5 g/l. Sur la campagne 2020/2021, seuls deux mois ont été pénalisés. « Tenir les TP en bio, c’est la question que tout le monde se pose, affirme Clémence Petit. Notre mot d’ordre est de garder 17 % d’amidon dans la ration sur toute l’année pour maintenir le TP au-dessus de 31,5 et l’état des vaches. »

« Dans le diagnostic, nous avions identifié trois objectifs : conserver l’autonomie fourragère, maintenir le niveau par vache et garder le revenu disponible », dévoile Bénédicte Chausse. « Tous les objectifs ont été dépassés », observe le conseiller. La rémunération atteint 2,4 Smic en trésorerie. Le couple ne s’en cache pas : « Nous vivons bien et nous avons de la trésorerie. »

À lire aussi : Gaec des Gaux : « Les Prim’Holstein vont bien en bio »

Chiffres clés

SAU 103 ha dont 10 ha de maïs ensilage, 15 ha de céréales, 47 ha de prairies temporaires et 31 ha de prairies permanentes
Cheptel 57 Prim’Holstein et Montbéliardes à 8 500 l/VL
Référence 460 000 litres
Chargement 0,9 UGB/ha
Main-d’œuvre 2,5 UMO dont 0,5 salariée

Avis d’expert : Jean-Pierre Monier, référent bovin lait bio en Auvergne-Rhône-Alpes

« Ils ont réussi un vrai challenge »

« Bénédicte et Philippe Chausse ont réussi leur pari de la conversion. Ils ont maintenu un niveau de production, que ce soit à la ferme ou à la vache, tout en maîtrisant de façon drastique les coûts alimentaires. Ils ont réussi là un vrai challenge. Les résultats techniques n’ont pas baissé. Même sur les taux, par rapport aux autres éleveurs, ils sont dans le top. La reproduction marche bien… Tous les indicateurs sont au vert. Ils sont la preuve aussi qu’on n’est pas obligé de casser son troupeau pour passer en bio et qu’il est, lui aussi, capable de s’adapter à la conversion. Le travail sur l’herbe et les rotations est remarquable. Les rotations et les prairies à base de légumineuses qu’ils ont mises en place sont la pompe à azote de la ferme sous toutes ses formes : fertilisation des cultures, tourteau des vaches. Ils ont baissé par plus de deux la consommation de tourteau de soja. Les rotations assurent la lutte contre les adventices. Et, enfin, leur système est très pâturant. Quant aux résultats économiques, ils sont excellents. L’exploitation a bénéficié l’an dernier d’un dispositif régional en faveur de l’autonomie fourragère : diagnostic, achat de semences, clôtures… Cette année, elle est rentrée dans le programme national Cap Protéines, l’objectif étant de diminuer encore les achats de protéine. »

 
 

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