Atouts et risques de la révolution numérique
Le big data va révolutionner l’élevage, le management des troupeaux et les relations entre acteurs économiques. Mais attention au risque de perte d’autonomie des agriculteurs.
Le big data va révolutionner l’élevage, le management des troupeaux et les relations entre acteurs économiques. Mais attention au risque de perte d’autonomie des agriculteurs.






Dico
Open data : données ouvertes ne veut pas forcément dire gratuites. Celles générées par l’État sont gratuites. Les autres peuvent se monnayer, ou plutôt avoir une valeur d’échange. Les données ouvertes sont accessibles dans un cadre contractuel, avec une licence ou des conditions générales d’utilisation (CGU).
API : application programming interface. C’est une interface permettant de faire le pont entre un logiciel et une base de données ou un service (ex. une fonction de calcul). Cette interface sert au développeur informatique pour aller piocher dans plusieurs bases de données. Il peut alors croiser des données dans un logiciel à destination des agriculteurs et des techniciens.
Interopérabilité : capacité pour des systèmes informatiques différents de travailler ensemble. Rendre les données interopérables c’est les rendre compréhensibles et utilisables par plusieurs outils informatiques.
Les applications du big data
- Outils de prédiction, d’aide à la décision, de gestion d’exploitation…
- Plateformes de mise en relation d’offres de service et de demande de service, comme WeFarmUp pour la location de matériel agricole de particulier à particulier.
- Portail internet de logiciels en ligne pour la gestion parcellaire, de troupeau ou à l’échelle de l’exploitation. Ex : 365FarmNet en Allemagne, Ekylibre en France… Atland est une offre de logiciels de gestion sur le web, créé par Smag (groupe InVivo). Toujours en France, FarmLeap se définit comme un Ceta numérique. Ce développeur garantit que les données renseignées par les agriculteurs leur appartiennent et ne seront pas cédées. Un comité d’éthique garantit l’indépendance de la plateforme.
Vers le partage des données
Le gouvernement français et les instituts techniques agricoles tracent la voie du partage des données. Le but est de favoriser les innovations qui valorisent les données dans l’intérêt des agriculteurs ; et d’éviter une privatisation des données qui se fasse au détriment de l’indépendance des agriculteurs et de la souveraineté alimentaire française.
API-Agro, la plateforme issue des instituts techniques
L’objet d’API-Agro est de mettre à disposition, gratuitement ou non, des données interopérables et des fonctions de calculs pour créer des services (API, logiciel d’aide à la décision). La plateforme, qui a été lancée en février 2016, met à disposition des données produites par les instituts techniques, et des données ouvertes et publiques de l’État. Depuis le 8 novembre 2016, les instituts et les chambres d’agriculture ont créé la société SAS API-Agro qui assure le développement technique et commercial de cette plateforme. "Cela permet de s’ouvrir à d’autres acteurs que ceux de la R & D. Demain, une entreprise privée pourra intégrer la plateforme, pour faire de l’échange de données. Le partage peut être gratuit ou payant. C’est le fournisseur de données ou de service qui choisit", expose Théo-Paul Haezebrouck.
"En élevage bovin, l’Institut de l’élevage publie sur API-Agro le fichier des taureaux déclarés. Il sortira, au cours du premier trimestre 2017, une API et un service permettant d’estimer le coefficient de consanguinité d’un veau issu de deux animaux, grâce à un algorithme", décrit Erik Rehben, coordinateur du pôle SI coopération internationale, à l’Institut de l’élevage.
Dans ses applications, API-Agro permettra aux chambres d’agriculture de faire évoluer le métier de conseiller, en s’appuyant sur les masses de données pour dispenser les préconisations. Les instituts techniques pourront proposer de nouveaux outils d’aide à la décision.
AgGate, le portail du ministère de l’Agriculture
Le portail pourrait être lancé d’ici la fin de l’année 2017. Le 10 janvier dernier, Jean-Marc Bournigal, président de l’Irstea, à qui le ministère de l’Agriculture a confié le projet de création de ce portail, a rendu son rapport. "Ce portail doit faciliter l’utilisation des données en système d’innovation ouvert, et faciliter la mise sur le marché de nouveaux services." Ce portail sera géré par le monde agricole lui-même, et gouverné par des représentants du monde agricole et du numérique, de la recherche et des ministères de l’Agriculture et du numérique. Le rapport envisage cinq fonctionnalités : un "guichet unique" pour l’accès aux données, qui restent stockées sur les plateformes existantes ; un "magasin numérique" pour un retour rapide vers les fournisseurs de données (statistiques, cartographies…) qui sera gratuit pour les agriculteurs ; un "cloud agriculteurs" ; un espace d’échanges ; et une vitrine d’outils d’aide à la décision et de services qui seront présentés, évalués et pourront être commentés par les utilisateurs.
Mettre l’agriculteur au centre de la valorisation des big data
Le livre blanc de l’Acta (1) présente les dix recommandations du réseau numérique et agriculture (Acta et les instituts techniques agricoles). Il défend un univers numérique au service des agriculteurs et alerte sur les risques d’intégration des agriculteurs, cités ci-dessus.
On y trouve aussi un docu-fiction qui met en scène trois associés en 2019 sur leur exploitation de polyculture élevage. Ils ont un projet de robot de traite. Le premier scénario montre très concrètement les risques d’une privatisation des données des exploitations agricoles par les fournisseurs de l’agriculteur. Les offres sont cloisonnées et ne répondent que partiellement aux besoins des agriculteurs, et les stratégies commerciales des fournisseurs compliquent le choix du robot de traite. Le deuxième scénario illustre les avantages de l’ouverture des données dans un schéma où l’agriculteur reste maître de ses données.
(1) Téléchargeable gratuitement sur www.acta.asso.fr rubrique actualitesAu Royaume-Uni
Le Royaume-Uni s’est doté dès 2013 d’une politique pour développer les technologies et le numérique en agriculture. Cette stratégie nationale est structurée autour de quatre centres de recherche, développement et transfert d’innovation, vers des développeurs privés d’applications commerciales. Un de ces centres, Agrimetrics, est spécialisé dans le big data. Sa mission est de recueillir les données, les nettoyer, les traiter et les rendre disponibles à tous, notamment pour les industriels.