Coproduits
Prévoir de nouveaux débouchés pour mieux valoriser les sons
La progression des disponibilités en coproduits de biocarburants va peser lourdement sur les prix des matières premières riches en fibres
Le développement de la production de biocarburants se traduit par un afflux de matières premières valorisables par la nutrition animale. En France, 675.000 t de drêches et 2,1 Mt de tourteaux de colza ont globalement été produites en 2009. Des matières premières qui se sont fait une place au sein de l’éventail à disposition des industriels qui ont appris –ou apprennent encore pour les premières– à les travailler. Ces nouveaux volumes ne sont pas sans conséquence sur l’équilibre des marchés. Les meuniers devraient notamment réfléchir à de nouvelles destinées pour leurs issues, à défaut de quoi leurs prix accuseraient une forte dévaluation, affectant la rentabilité de leurs entreprises.
Moindre dépendance aux tourteaux de soja importés
Jean-Luc Gurtler de FranceAgriMer et Frédéric Pressenda du Cereopa ont cherché à mesurer l’incidence de l’incorporation de ces coproduits sur les formulations. Ils ont envisagé différents contextes de marché, avec des prix d’énergie et de protéines plus ou moins élevés, présentés lors d’un séminaire Arvalis le 28 septembre. Ils ont retenu, pour une projection à 2012, une situation proche de celle de 2008/09 (sur la base de 571.000 t de drêches et 2 Mt de tourteaux de colza) avec un coût de l’énergie faible, soit un blé à 135 €/t, et des protéines chères avec un tourteau de soja à 311 €/t. Les experts ont aussi anticipé un recul de l’activité de l’industrie de l’alimentation animale en tablant sur une baisse de 9 % des tonnages. Parmi les grands changements attendus en 2012, les utilisations d’orge (960.000 t) régresseraient de plus de 41 % et celles de blé (4,5 Mt) de près de 20 %. Une large part de ce repli s’explique par le recul de la production du secteur. Tombant à 5,16 Mt, l’incorportation de tourteaux de soja, et donc l’importation, s’amenuiserait de 18 %. Le tout suppose cependant un ajustement de l’ensemble des prix matières premières… à la baisse ! « On note une détérioration forte du prix d’intérêt des issues de céréales, qui pèse aussi sur les prix des tourteaux de colza et drêches », relèvent les spécialistes. Le recours aux sons de blé à 1,28 Mt ne se maintiendrait qu’à la faveur d’une baisse de prix de 41 % par rapport à 2008/09, où il se situait à 72,6 €/t ! Les tarifs de remoulages devraient céder 19 % ! Ceux des tourteaux de tournesol non décortiqué (Tnd) chuteraient de 35 % et ceux de colza, à 173 €/t environ en 2008/09, de 20 %. Le prix des drêches de blé perdrait entre 9 et 22 %, selon l’origine.
Vers un marché surchargé en fibres
Jean-Luc Gurtler et Frédéric Pressenda ont aussi testé différents scenarii relatifs aux disponibilités en matières premières. Ainsi, limiter les volumes de sons sur le marché intérieur à 1 Mt permettrait de modérer le recul de son prix à -6 %. Le tarif du remoulage ne cèderait plus que 3 %. Le prix des drêches de Lillebonne ne baisserait que de 3 % (contre -9% en présence de tous les sons) et celles de Bazancourt de -7 %(-10 %). Le tourteau de colza reculerait de 14 %, celui de tournesol à Lezoux de 13 % (-19 %) et celui de Tnd de seulement 25 %.
Les experts ont également envisagé l’essor des importations de drêches d’origines américaine et européenne et la montée en puissance de la production nationale de pois. La tendance au repli ne fait que s’accentuer. Avec 0,6 Mt de drêches d’importation et 500.000 t de pois sur le marché, les prix des sons (moins d’1 Mt) chuteraient de 30 % par rapport à 2008/09 et ceux des remoulages se maintiendraient à -19 %. Les prix des drêches reculeraient de 20 à 24 % selon l’usine, ceux des tourteaux de colza de 34 %. Les cours de tournesol abandonneraient 30 % et ceux de Tnd de 49 % ! « Quid de son avenir ? »
« Sur un marché des fibres encombré », les responsables de l’étude proposent aux meuniers une stratégie pour éviter la forte dévaluation des sons : soustraire une partie de leur production du marché et l’orienter vers le débouché énergétique. Dégager « 300.000 t serait déjà bien ». Ce tonnage représente 103.000 t d’équivalent pétrole (tep), sachant que l’objectif du programme 2010 du “Fonds chaleur” est de 175.000 tep. « Au tarif de l’énergie, le prix d’intérêt pourrait être bien supérieur. »