Aller au contenu principal

OCM céréalier : une étude privée remet en question l’intervention

Un rapport, commandé par la Commission européenne, juge le système de régulation des marchés céréaliers efficace. Il préconise néanmoins de le modifier de manière substantielle.

UNE EVALUATION DES instruments de politique céréalière de l’UE vient d’être publiée. Cette étude a été réalisée par un bureau privé et indépendant (LMC International) à la demande de la Commission européenne. Si ce rapport juge l’organisation commune globalement efficace pour la régulation des marchés céréaliers, il suggère de profondes modifications de l’OCM. La principale raison de cette remise en cause réside dans le recours massif à l’intervention dans les nouveaux Etats membres (Nem). L’AGPB, l’AGPM et la Ffcat «dénoncent, dans un communiqué commun du 7 avril, l’incohérence de ces conclusions». Les représentants de la filière céréalière française ne sont pas dupes quant à l’usage que la DG6 pourrait faire du travail de ce cabinet méconnu, considéré comme un «ballon d’essai». Aussi, refusent-ils que ce rapport «serve de prétexte à une nouvelle remise en cause» de l’organisation actuelle «alors même que la précédente réforme se met à peine en place et qu’elle ne concernera pleinement les nouveaux Etats membres qu’à partir de 2008».

Cette évaluation préconise, entre autres, de réserver la mise en œuvre de l’intervention au blé panifiable et seulement dans les zones de l’UE déficitaires. L’idée serait de rendre au marché intérieur et à l’export leurs rôles de régulation. Elle suggère également une autre solution qui consisterait à gérer l’intervention au travers de mécanismes de stockage privés, notamment dans les zones excédentaires. Enfin elle propose l’abandon progressif des jachères. Alors que les représentants de la filière céréalière française considèrent, eux, que «l’exemption de jachère obligatoire accordée à titre transitoire» aux Nem est l’une des causes du déséquilibre.

Le recours massif à l’intervention pointé du doigt

Pour l’AGPB, l’AGPM et la Ffcat, «si l’ampleur anormale du stockage public de céréales dans plusieurs pays est-européens n’est pas contestable, ce phénomène n’est pas dû à l’OCM, l’évaluation elle-même le souligne». Elle est liée à «l’absence d’infrastructures suffisamment performantes pour que les récoltes puissent être commercialisées efficacement». Et, si ces pays, et notamment la Hongrie, rencontrent des problèmes, ils cherchent à se doter de capacités de stockage supplémentaires et à améliorer leurs outils logistiques, contrairement à ce qu’avance l’étude. Cette dernière, reconnaissant que l’intervention a permis l’harmonisation des prix des céréales dans l’UE, lui reproche en effet de freiner l’investissement logistique.

Pour Yves Boulay, responsable communication de la Ffcat, «il est peut-être un peu tôt» pour juger l’utilisation de l’intervention par les Nem. «Certes, il y a un bug de départ, mais de là à le prendre comme argument pour une nouvelle réforme...». Selon lui, «il faut laisser le temps à ces pays de s’adapter» et vivre leurs premières années sous le régime de la Pac comme un période de «rodage». La méthode d’analyse menée par LMC International elle-même étonne les professionnels. En effet, elle évalue l’OCM céréalier sur la période 1995-2004. Pourquoi faire une observation historique de l’évolution des marchés «sans prendre en compte les effets de la réforme en cours ?», s’interroge Yves Boulay. Le seigle n’est, par exemple, plus interventionable et cela a changé la donne sur le marché, remarque-t-il, regrettant que les conséquences de ces nouvelles règles n’aient pas été considérées.

L’étude propose de «casser» un système de régulation jugé efficace

Le document préconise de limiter l’intervention à certaines zones déficitaires. Ce à quoi les céréaliers rétorquent : «L’intervention doit se faire dans les zones de production, pas celles de consommation», puisque ce dispositif est là pour apurer le marché en cas de récolte importante. L’étude recommande également d’abandonner le prix d’intervention unique pour toutes les céréales, jugé trop attractif pour les pays enclavés, notamment pour les céréales secondaires. Elle propose de ne soutenir que le blé panifiable, qui deviendrait alors un étalon de mesure pour les prix des autres céréales. Idée récusée par les professionnels de la filière. Pour l’intervention, le problème majeur se pose pour le maïs. Au 6 avril, la Hongrie avait déjà offert 3,22 Mt à l’intervention —sur 3,92 Mt pour l’UE à 25— Ce marché est par ailleurs sujet à de fortes variations de production. Supprimer l’intervention, donc le filet de sécurité, voudrait dire que l’ «on laisse le marché s’écrouler les années de production importantes en prenant le risque, s’il y a un problème l’année suivante, de devenir importateur», met en garde Yves Boulay poursuivant, «bref, on casse la machine». De plus, si l’évolution du marché de l’orge de mouture est plus ou moins corrélée à celle du blé, le maïs, même s’il oscille en fonction des éventuelles reformulations des fabricants d’aliments composés, est, lui, plus indépendant.

Recourir au stockage privé pour gérer l’intervention

Parmi les options proposées par LMC International, celle de recourir au stockage privé, plutôt que public, pour la gestion de l’intervention, notamment dans les zones excédentaires, est elle aussi critiquable. «Cela ne fonctionnera que lorsque le recours à l’intervention sera minime». AGPB, AGPM et Ffcat estiment d’ailleurs que «s’ils devaient être sollicités plusieurs années de suite, ces mécanismes de stockage privés ne résisteraient pas, faute de moyens financiers suffisants». Et Yves Boulay d’ajouter : «Il paraît suspect de repasser une responsabilité communautaire à des privés».

Les plus lus

Alimentation animale : malgré la hausse des fabrications, les capacités d’investissement s’effritent

En dépit d’un contexte économique et sanitaire tendu, les fabrications d’aliments pour animaux se maintiennent. Mais la…

Graphique prix colza tournesol France au 24 novembre 2025
Marché des oléagineux du 24 novembre 2025 - Les États-Unis attendent un nouvel accord avec la Chine sur le soja

L’évolution des prix du colza et du tournesol français entre le 21 et le 24 novembre 2025, expliquée par La Dépêche-Le Petit…

graines de soja dans la paume d'une main
Les accords commerciaux sur le soja entre la Chine et les Etats-Unis : faits et chiffres

Depuis le 20 octobre et jusqu’à ce jour, le marché mondial du soja est sous influence de la rencontre entre les président…

Photo en portrait d'Alexandre Everling
Deux nouvelles sociétés de courtage se lancent en céréales et en oléagineux

Après une expérience riche sur le marché des grains, Alexandre Everling s’est lancé en famille dans la création d’…

Engrais chimique en granulé.
Marché des engrais : retard des achats face aux incertitudes géopolitiques et à la hausse des prix

Ces dernières semaines enregistrent un raffermissement progressif des cours des engrais, notamment des produits azotés.…

Champ de blé à Mercedes, province de Buenos Aires, Argentine.
Une moisson de blé annoncée exceptionnelle en Argentine

Le volume attendu des moissons de blé à peine engrangées dans les Pampas en Argentine s’annonce au minimum record de 23 Mt,…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 958€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site La dépêche – le petit meunier
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez votre revue numérique la dépêche – le petit meunier
Recevez les évolutions des marchés de la journée dans la COTidienne