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SPECIAL MARCHE MONDIAL
« Nous devrons exporter 8 Mt de blé tendre sur pays tiers en 2009/2010 »

La Dépêche-Le Petit Meunier : Quel bilan tirer de la campagne d’exportation de blé tendre 2008/2009 ?

Jean-Philippe Everling : Nous allons tutoyer les 10 Mt de ventes sur pays tiers. C’est exceptionnel ! Comment expliquer cette performance ? Il ne faut pas oublier que l’export reste la variable d’ajustement de nos bilans céréaliers. Les volumes ayant été au rendez-vous en 2008, nous disposions de disponibilités pour ce débouché. En parallèle, les productions de nos clients traditionnels du Maghreb et du Proche-Orient se sont révélées médiocres. Les ventes ont d’ailleurs atteint des niveaux plus enregistrés depuis longtemps sur l’Algérie et le Maroc. Et les blés français sont même partis sur l’Iran, le Yémen et la Syrie ! Autre élément important, la qualité était bien supérieure à celle de 2007/08. Sans être exceptionnelle, elle cadrait avec les cahiers des charges des importateurs sans trop de réfaction. Le poids spécifique moyen, qui avait posé de gros problèmes lors de la précédente campagne, s’est révélé convenable. On peut regretter le recul des ventes sur l’UE, notamment vers les pays du Sud, où la concurrence des producteurs d’Europe centrale et de l’Est a été vive.
LD-LPM : Et pour le blé dur ?
J.-P. E. : La qualité, hétérogène certes mais globalement passable avec un taux de moucheture élevé, a limité les perspectives. Les ventes sur l’Algérie, vers laquelle les plus beaux blés ont été orientés, sauvent notre bilan. Les qualités les plus basses, proposées à des prix attractifs, ont trouvé preneur sur l’Italie. 80 % des nos exportations se sont conclues durant la seconde partie de campagne. Pour les vendeurs, il a en effet été difficile de se mettre en phase avec la concurrence mexicaine et surtout canadienne, qui pratiquait des prix très compétitifs. Le Canada, assurant 50 % des flux internationaux de blé dur, reste le pilote du marché. Or en 2008, il a cumulé qualité et quantité. Il a fallu accepter une chute des prix, de plus de 300 €/t à moins de 250 €/t.
LD-LPM : Avez-vous ressenti la crise ?
J.-P. E. : Nous n’avons pas observé d’impact sur nos activités en terme de consommation. En revanche, les problèmes liés aux disponibilités financières ont accru le « risque contrepartie ».
LD-LPM : Comment appréhendez-vous la campagne 2009/2010 ?
J.-P. E. : En blé tendre, la situation est radicalement inverse à celle de 2008/09. Les récoltes au Maghreb et au Moyen-Orient s’annoncent très bonnes. La production sur la zone mer Noire, notre principale concurrente à l’inter­national, serait en revanche en forte baisse. Nous aurons du mal à rééditer le score de la campagne qui s’achève. Mais nous devons le maintenir à un niveau proche des 8 Mt pour aboutir à un bilan équilibré.
Nous espérons, de plus, de meilleures performances sur l’UE. Un objectif qui ne paraît pas inaccessible, puisque l’Espagne et l’Italie, traditionnellement importatrices, devraient engranger des volumes inférieurs à ceux de 2008. D’autant que la concurrence des pays d’Europe centrale, et en particulier de la Hongrie, devrait être moindre sur ces destinations. Il ne faut par ailleurs pas oublier de regarder du côté du Pakistan et de l’Inde, qui pourraient venir grossir le rang des vendeurs. Le centre de gravité du marché mondial pourrait bien se déplacer !
LD-LPM : Les perspectives sont donc bonnes ?
J.-P. E. : Elles pourraient l’être si nous saisissons toutes les opportunités. Et c’est important car, une fois encore, notre bilan en dépend. En dépit de la légère baisse de la production française –qui pourrait se réduire compte tenu des bonnes conditions de cultures–, les disponibilités devraient être légèrement supérieures à celle de l’an passé, compte tenu du stock de report. Il reste une inconnue : le stockage à la ferme. Quels sont les volumes concernés ? Quand seront-ils vendus ?
En attendant, jamais nous n’avions si peu vendu en juin. Les acheteurs des pays tiers ont été confortés par leurs prévisions de récolte. Ceux de l’UE ont été surpris par le différentiel de prix entre les campagnes. Les cours de l’ancienne récolte sont plus élevés que ceux de la nouvelle. Du jamais vu ! Cette situation a freiné les velléités acheteuses. Les premiers mois de campagne risquent donc d’être très compliqués. Un point est essentiel : il faut alimenter le marché de manière régulière, et ce quelles que soient les conditions.
LD-LPM : N’est-ce pas ce qui a pêché en 2007/08 ?
J.-P. E. : Il s’agissait d’une campagne atypique, marquant l’entrée dans une nouvelle ère. Celle de la volatilité. Les opérateurs ont été choqués. Habitués à des volatilités de 7 % à 10 %, elles ont atteint, en 2007/2008 plus de 30 %. Dans la filière, tous n’y étaient pas préparés. Désormais, tout le monde a compris qu’il faudra composer avec cette instabilité. Alimenter régulièrement le marché permet de gérer le risque lié à la volatilité. Et pour mieux l’appréhender, il faut en confier la gestion aux plus aguerris, notamment les organismes stockeurs.
LD-LPM : Vous l’avez rappelé, les pays de l’Est constituent nos grands concurrents à l’exportation. Que pensez-vous du projet de « pool de la mer Noire » suggéré par la Russie ?
J.-P. E. : L’ambition est jolie sur le papier, mais il me semble compliqué de la traduire par des engagements concrets. Ne serait-ce qu’au regard des relations politiques russo-ukrainiennes. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un marché “ d’extraction ” comme celui du pétrole. Il concerne des matières premières, vivantes, où rien n’est maîtrisable. De plus, les opérateurs sont atomisés.
LD-LPM : Et le marché à terme de l’Est ?
J.-P. E. : Il aurait le mérite de procurer davantage de visibilité au marché du blé meunier. Mais, techniquement, il y a encore beaucoup de points à régler (fiabilité, sécurité). Les opérateurs arrêteraient aussi peut-être de suivre aveuglément le CBoT, alors que le blé américain n’est plus un concurrent direct. Notons d’ailleurs que trop de Français oublient de tenir compte des primes appliquées pour le Fob Golfe, qui se sont établies entre de -30 à -100 cts/bushel cette année.

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