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« L’exportation de farine est une soupape de régulation du marché intérieur. Nous devons maintenir nos ventes à 500.000 t »

La Dépêche-Le Petit Meunier : Comment se porte votre secteur d’activité ?
Guy Naccache :
La France a toujours été leader européen en matière d’exportations de farines. Des années 80 à 1997, nos ventes avoisinaient 1,4 Mt. Chaque marché qui disparaissait était relayé par une autre destination. Aujourd’hui, les destinations se sont raréfiées et la concurrence intensifiée, mais nous arrivons à maintenir un volume d’exportation autour de 500.000 t. En 2011/2012, nos ventes devraient progresser légèrement de 10 %. Notre objectif est de maintenir, voire consolider, notre niveau d’activité et qu’il devienne incompressible. Mais rien n’est gagné !
L’exportation est une soupape de régulation du marché français de la farine. Les gros moulins ont besoin de ce débouché pour tourner à pleine capacité, diviser les frais fixes et rester compétitifs sur l’intérieur, marché sur lequel ils pèsent considérablement. Si l’export s’effondrait, c’est toute la profession qui s’en ressentirait !

LD-LPM : Quelles sont les perspectives sur le marché mondial ?
G. N. :
Nos marchés d’Afrique de l’Ouest, consommateurs de pains de type français, se sont équipés de moulins qu’ils protègent par des barrières douanières. Celles-ci peuvent atteindre 50 % du prix ! Même lors de la flambée des cours du blé, qui a mis à mal les meuniers locaux, certains gouvernements les ont maintenues. Avec un tarif de pain fixe, les boulangers n’avaient plus d’autre solution que de réduire son poids. Un marché phare se dégage en Afrique de l’Ouest : l’Angola, qui ne dispose pas de minoterie. Le pays importe 400.000 t de farine pour 13 Mhab. Pour référence, la Libye de l’ère Kadhafi, qui menait une politique de stockage intensive pour prévenir d’un éventuel embargo, importait 800.000 t pour 5 Mhab… Le marché angolais pourrait donc être porteur. D’autant qu’il s’agit d’un pays riche et désormais en paix, où le niveau de vie peut encore s’élever. Et les autorités angolaises sont très soucieuses de ne pas taxer un produit alimentaire de première nécessité pour sa population.
Les pays d’Asie peuvent également réserver de belles perspectives. Leur niveau de vie s’accroît et ils sont attirés par les habitudes occidentales. Nos produits de panification à la française y trouvent un excellent accueil. Ils nous envient nos vins, nos fromages et nos pains. Nous n’avons même pas besoin d’en faire l’éloge ! La Chine, l’Inde ou l’Indonésie sont bien équipés en moulins, mais leur farine n’est pas la même que la nôtre : ils n’ont pas les mêmes blés ni le même savoir-faire. Nos offres sont par ailleurs accessibles en prix d’autant que les frets sont bas sur ces destinations.

LD-LPM : Les évènements au Proche-Orient ont-ils eu un impact sur vos ventes de farine ?
G. N. :
En Libye surtout. Avant la révolution, les achats de farine y étaient réglementés et sécurisés. Le pays disposait d’un Board qui encadrait les importations, gérées par adjudications. Lors du soulèvement, le système est resté mais avec moins de garanties et sans les mêmes référents. Ils exigeaient par ailleurs un paiement après livraison. Sur des bateaux de 5.000 t, le risque était trop élevé. D’autres concurrents comme des opérateurs turcs ou russes ont pris ce risque et la farine importée, stockée pendant le conflit, se retrouve aujourd’hui sur certains marchés du continent, comme au Tchad. Les capacités installées n’ont par ailleurs pas été détruites, elles ont simplement suspendu leur activité. La production de farine locale a ainsi été relancée depuis la fin du conflit et la fenêtre d’opportunités s’est rapidement refermée pour nos exportations.

LD-LPM : Comment la concurrence se manifeste-t-elle sur vos marchés ?
G. N. :
Nous sommes confrontés à une concurrence déloyale notamment de la Turquie. Elle a gagné près de 750.000 t de farine en dix ans sur les destinations desservies par les pays de l’UE, qui, eux, ont perdu plus d’1,2 Mt. La France y a quant à elle cédé 264.000 t. Les meuniers turcs importent des blés américains et d’origine mer Noire, et exportent de la farine issue des blés locaux en profitant des subventions de l’Office des céréales local, le TMO. Leurs prix en dollars sont calqués sur nos offres en euros, mais sans conversion ! Selon une enquête de l’OMC, les meuniers produisent à pertes et reçoivent des compensations “considérables” de l’état qui exerce une forte pression pour que ce secteur devienne le premier poste d’exportation national. Bruxelles a choisi de nous soutenir et d’interroger à nouveau les autorités turques. Et nous ne sommes, enfin, plus seuls à nous battre : les producteurs de blé américains voient de plus en plus de ventes de Panamax de blé perdues sur l’Asie du Sud-Est, la farine turque arrivant à des prix inférieurs aux prix du blé US !
Nous appelons également le gouvernement français à réviser sa politique en matière d’aide alimentaire. Depuis 2005, la France et l’UE préfèrent dispenser des fonds pour contribuer au développement des industries dans les pays demandeurs plutôt que d’acheminer de la farine sur place. Louable, l’objectif initial n’est pas respecté. Résultat, nous finançons nos concurrents ! Les opérateurs turcs et russes trustent les appels d’offres du Programme alimentaire mondial en farine, en biscuits vitaminés et en pâtes. Ils profitent aussi majoritairement des achats réalisés au titre de la Convention sur l’Aide alimentaire, à laquelle la France, comme l’UE, participe là encore généreusement. Pour autant, nous répondons toujours présents aux appels du Quai d’Orsay, quand des crises alimentaires surgissent, et fournissons des sacs de farine dans l’urgence.

LD-LPM : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre syndicat ?
G. N. :
L’ensemble des adhérents ayant appuyé ma candidature, je succède, à la tête du Symex, à Michel Soufflet. Après avoir occupé cette fonction pendant seize ans, il devient notre président d’Honneur. Christian Poirot, directeur export des Grands moulins de Paris, occupe la fonction de trésorier. Nous disposons d’une structure qui nous assure une veille des marchés mondiaux de la farine et du blé. Avec la multiplication des barrières douanières et non-tarifaires sur les destinations livrées, cette activité a pris de l’ampleur. Les négociations à l’OMC étant en panne, nous devons également défendre nos intérêts et envisager l’avenir dans le cadre des accords bilatéraux négociés par l’UE. Des discussions sont en cours avec les états-Unis, le Canada, l’Ukraine… Connaître les capacités installées et les marchés potentiels prend toute son importance. Au-delà de ce travail de fond, j’ai trois ans pour évaluer dans quelle mesure le Symex peut participer à la promotion de nos intérêts sur des marchés en croissance.

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