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Round de Doha
Les négociateurs jettent l’éponge

Les membres de l’OMC ne sont pas parvenus à s’accorder sur un nouvel ordre commercial. Le manque de flexibilité des Etats-Unis est incriminé

AJOURNEES. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, a recommandé de « suspendre les négociations commerciales sur l’ensemble du round » de Doha, « afin de permettre aux participants d’engager une réflexion sérieuse qui est clairement nécessaire », comme il l’a annoncé le 24 juillet lors d’une conférence de presse. Après quatorze ultimes heures de pourparlers, les six grands acteurs que sont l’Australie, le Brésil, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’UE, réunis à Genève pour tenter de débloquer la situation, ne sont en effet pas parvenus à s’accorder sur la réduction des subventions agricoles et des droits de douanes agricoles et industriels. Cette décision sonne le glas de près de cinq années de négociations.

« Je ne sais pas si cette suspension prendra fin », a commenté Pascal Lamy. Aucune échéance n’a en effet été fixée pour une éventuelle reprise des discussions. Celles-ci ne pourront, selon lui, être de nouveau engagées « que si la volonté politique existe vraiment » or « celle-ci n’est pas présente aujourd’hui » a-t-il affirmé lors d’un discours adressé aux 149 membres de l’OMC. Et de commenter : « Aujourd’hui dans cette réunion, il n’y a pas d’un côté les gagnants et de l’autre les perdants, il n’y a que des perdants ».

UE et Etats-Unis se renvoient la responsabilité de l’échec des discussions

Le commissaire européen à l’Agriculture, Mariann Fisher Boel, a souligné que l’offre proposée par l’Union en octobre 2005 « reste sur la table ». De son côté, Peter Mandelson, son homologue chargé du Commerce – qui avait fait savoir que l’UE était prête à des efforts supplémentaires sur les droits de douanes pour se rapprocher de la position du G20 (annonce largement critiquée en France) –, « défie quiconque » de prétendre que les concessions proposées par les Européens sont « maigres ». « Elimination totale des subventions à l’exportation, réduction de 75 % du soutien interne qui fausse les échanges, possibilité d’aller jusqu’à 50 % de baisse tarifaire moyenne et de parler du nombre et du traitement des produits sensibles » étaient envisagés par Bruxelles. « Dire qu’il n’y a pas de nouvel accès au marché est totalement faux », s’est exclamé Peter Mandelson. Pour lui, seuls les Etats-Unis n’ont pas « joué le jeu » en refusant « d’accepter, ou même de reconnaître, la flexibilité des autres et, en conséquence, ont été incapables d’en faire preuve eux-mêmes sur la question des subventions agricoles ». Dans un communiqué, l’ambassade des Etats-Unis à Genève qualifie la déclaration de Peter Mandelson, « visant à éviter la responsabilité du blocage », de « fausse et trompeuse » et rejette la responsabilité sur l’UE. «Incapable d’accepter les propositions des Etats-Unis(lui demandant de baisser ses droits de douanes) à cause de l’opposition substantielle de la France et de quelques autres Etats membres ayant de gros intérêt agricoles, l’UE a tenté alternativement de critiquer ces propositions comme étant soit trop ambitieuses, soit trop faibles » poursuit-elle.

Les pays émergents blâment les Etats-Unis, mais gardent espoir

L’Inde tient Washington comme principal responsable de l’échec des négociations. Pour son ministre au Commerce, Kamal Nath, « il est clair que les Européens ont bougé ». Le Brésil, important exportateur de produits agricoles, rejette lui aussi la responsabilité sur les Etats-Unis qui font difficilement des progrès sur les subventions intérieures. C’est pourtant à eux «qu’il revenait de faire le geste le plus important » a commenté, lors d’un entretien télévisuel son négociateur, Celso Amorim, pour qui cette incapacité à s’accorder est « presque une catastrophe ». Pour lui, il faudra attendre la fin des élections américaines pour pouvoir retrouver « une situation peut-être plus confortable pour avancer ».

Le groupe Asie-Pacifique refuse d’enterrer le cycle. Pour ces pays, l’abandon ne doit pas effacer les progrès accomplis depuis 2001 qui serviront « de base solide en vue d’une reprise ultérieure des négociations ». Le système de discussions multilatéral est en effet « le seul espoir qu’ont les pays en développement d’obtenir un accès plus important aux marchés des pays développés », a rappelé le ministre australien du Commerce, Mark Vaile qui considère que cet échec pourrait « relancer le manège pour cinq ans ». Et son homologue néo-zélandais, Phil Goff, de souligner que le précédent cycle de l’Uruguay round avait survécu à des crises similaires.

Washington se dit « toujours prêt à faire preuve de flexibilité »

Les Américains refusent d’endosser la responsabilité de la suspension des négociations qui constitue, selon le porte-parole de la Maison blanche, Tony Snow, « une occasion manquée » pour les pays émergents. Celui-ci avance ainsi que « le président Bush a signifié clairement au G8 que les Etats-Unis étaient prêts à faire des concessions (…) si certains autres alliés étaient également prêts à en faire. Ils ne l’ont pas fait », affirme-t-il. Susan Schwab, représentante au Commerce, commentait après l’abandon des pourparlers : « malheureusement, nos partenaires semblaient plus intéressés par des échappatoires que par l’ouverture des marchés. Un cycle de Doha allégé n’a jamais été acceptable pour les Etats-Unis ». Ces derniers reprochent notamment à l’UE d’invoquer des “ produits sensibles ” pour limiter l’impact des réductions tarifaires. Mais pour l’Union, qui a enregistré ces dernières années une nette hausse des importations de bœuf et de fortes baisses des exportations de sucres, lait frais ou encore volailles, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Washington se dit toujours « prêt à faire preuve de flexibilité » et « attaché aux objectifs d’un commerce plus libre ». Tony Snow assure d’ailleurs que les négociateurs américains vont, dans les semaines à venir, « continuer de tendre la main aux autres pays pour essayer d’atteindre les objectifs » de Doha. Il exclut néanmoins tout effort unilatéral de leur part : « Les Etats-Unis ne vont pas venir avec une autre proposition sans avoir d’indication claire que toutes les parties négocieront de bonne foi, ce qui n’a pas été le cas. » On tourne en rond !

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