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Nutrition animale
Le retour des farines animales, un choix cornélien

Le Conseil national de l’alimentation ne ferme pas la porte au retour des PAT en formulation, notamment pour des questions de compétitivité.

« Tant que je serai ministre de l’Agriculture, les farines animales ne seront pas réintroduites en France. J’en prends l’engagement », a déclaré le ministre l’Agriculture, Bruno Le Maire, vendredi 2 décembre dans un communiqué, suite à l’avis rendu par le Conseil national de l’alimentation (CNA) sur leur utilisation. Ce dernier ne ferme pas la porte à leur réintroduction, ou tout du moins à l’utilisation de Protéines animales transformées (PAT), issues par définition d’animaux sains. Il a également formulé une série de recommandations et de mises en garde. Rentabilité, concurrence mondiale et européenne, effet psychologique. La réautorisation en France dépend de nombreux facteurs.

La réintroduction des farines animales reste soumise à conditions
Les PAT resteraient interdites pour l’alimentation des ruminants. Comme le conseille le CNA, elles ne seraient potentiellement réintroduites que dans les aliments pour poissons, porcs et volailles, avec interdiction de nourrir un animal avec des farines de son espèce. « La disponibilité de nouveaux tests fiables permettant de déterminer les espèces animales dont seraient issues les PAT, ainsi que la garantie de circuits liés aux PAT dédiés par espèce », sont donc un pré requis incontournable à leur retour. Cela suppose aussi que les laboratoires français disposent de « capacités analytiques suffisantes ».
Eléments plaidant pour leur réutilisation, le CNA souligne les distorsions de concurrence dans les élevages de l’UE et des pays tiers générées par l’interdiction des PAT que s’impose l’Europe. Le Conseil appelle à considérer les protéines animales transformées, que l’UE se refuse à utiliser alors qu’elles le sont dans toutes les autres régions du monde. Et, fait-il valoir, une fois valorisées dans les élevages, elles arrivent parfois en Europe sous forme de nuggets d’Amérique du Sud ou d’Asie. L’avis du CNA souligne aussi que ces protéines animales permettraient à l’UE de moins dépendre du soja, dont le marché, de plus en plus fluctuant, n’est plus déterminé par les achats de l’Europe comme il y a encore vingt ans, mais par la demande chinoise. Rappelons que Bruxelles a d’ailleurs lancé, en juillet dernier, une réflexion sur la question. Le Conseil de l’alimentation recommande aussi au gouvernement de bien prendre en compte « les distorsions de concurrence qui seraient générées par un rejet de l’utilisation des PAT en France (…) afin de ne pas porter préjudice aux filières d’élevage dans un contexte économique très concurrentiel au niveau européen ».

Mieux éclairer le consommateur pour favoriser l’acceptation de ces farines
Le Conseil souligne néanmoins dans son avis « les réticences des consommateurs et de certains acteurs économiques » à cette réintroduction. C’est effectivement ces réticences qui conduit Coop de France Nutrition animale à rester assez réservée sur la question, comme le soulignait Jean-Luc Cade le 22 novembre lors d’un point presse. La non acceptation par l’opinion publique des PAT les conduirait logiquement à ne pas les réutiliser. Or certains voisins européens ne s’encombreraient pas de telles considérations. Et c’est un handicap concurrentiel supplémentaire que les Français se verraient donc imposer (cf. n°3925). De plus, leur gestion s’avèrerait difficile en France où les sites de production sont pour une large majorité polyvalentes en terme d’espèces.
Compte tenu de l’ensemble des difficultés techniques et économique, le CNA conseille à l’Etat de mener des études complémentaires sur les impacts économiques (gains escomptés, coûts supplémentaires liés aux sécurisations et aux contrôles, différences de compétitivité…) et environnementaux (rejets azotés, bilan carbone, phosphore...) des différents scénarios possibles en matière d’utilisation ou non des PAT en nutrition animale en Europe et en France. Il appelle également à « un dialogue avec les consommateurs sur la nature et l’usage des PAT » afin notamment d’éviter l’amalgame avec les« anciennes farines animales », qui incorporaient des déchets et cadavres d’animaux. Le CNA suggère dans cette logique de mettre en avant « la mise en marché actuelle, en France et en Europe, de produits importés de pays tiers issus d’animaux qui ne sont pas soumis aux même exigences ».
La pédagogie pourrait être la clef. En tout cas, c’est ce qu’espèrent les industriels qui compteraient, le cas échéant, sur un soutien de l’Etat en matière de communication auprès du grand public. Mais pour le moment la question ne se pose pas. Pour le ministre actuel, le choix est clair : c’est non ! Il semblerait cependant opportun de se soucier au plus tôt de l’acceptabilité des PAT en France… avant que Bruxelles ne décide de les réautoriser.

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