Céréales
Le marché à terme européen du blé dur va devoir convaincre
L’outil de gestion des risques est défendu par certains opérateurs depuis plusieurs années. Mais tout le monde ne croit pas en son succès.
Le marché à terme européen du blé dur devrait être lancé le 21 janvier, sur l’Italian Derivaties Exchange Market, Borsa Italiana. Il verra donc le jour un an tout juste après son homologue canadien, lancé sur Winnipeg pour accompagner la disparition du Canadian Wheat Board. Or l’activité a du mal à décoller sur la place nord-américaine : seuls 187 lots ont été échangés en onze mois et, au plus fort de sa fréquentation, les positions ouvertes ont plafonné à 72.
Lancement fin janvier
Pourquoi lancer un second marché à terme alors que le premier, situé sur la principale zone d’alimentation du marché mondial, ne trouve pas son rythme de croisière ? « La région méditerranéenne est consommatrice de blé dur, et cela est plus logique d’avoir un marché avec livraison physique là où le grain est utilisé », argumente le responsable Matières premières de Borsa Italiana, Ennio Arlandi, qui s’est confié à Reuters début novembre. Les Italiens sont les plus importants consommateurs de pâtes de la planète avec 26 kg/tête/an, selon les statistiques de l’Union des associations de fabricants de pâtes alimentaires européens (Unafpa). Et le pays en est le plus gros fabricant avec un volume de 3,25 Mt en 2011, dont une partie est exportée. Bien qu’un producteur conséquent de blé dur, avec 4,2 Mt engrangées en 2012 sur les 8 Mt de l’UE (2,8 Mt en France), selon le CIC, l’Italie en est aussi un gros importateur. Pour rappel, les volumes mondiaux de la céréale sont estimés à 35,1 Mt, dont 6,6 Mt en Amérique du Nord. Si les États-Unis sont les seconds plus gros producteurs de pâtes au monde, le Canada ne se place qu’à la 16e place.
De nombreuses interrogations
Le point de livraison retenu pour le contrat à terme se situe donc dans le sud de l’Italie, à Foggia, mais d’autres pourraient être ajoutés ultérieurement. Cela serait souhaitable car bénéfique à la liquidité du marché, selon certains spécialistes. La place italienne entendant refléter la demande européenne, la qualité de blé dur retenue (cf. encadré) n’est pas la même que sur Winnipeg. Celui-ci porte sur du CWAD1, la “Rolls” mondiale, pour traduire l’offre nord-américaine. Le standard retenu en Europe correspond à une qualité collant davantage au profil des blés durs italiens qu’à celui de l’offre française. À ce sujet, certains intervenants de l’Hexagone s’interrogent sur la représentativité de ce marché à terme. En blé dur, il y a diverses qualités, ne serait-ce qu’en fonction des zones de production, souligne notamment le directeur général de la semoulerie de Bellevue de Panzani, Jean-Victor Bregliano. Et ce, y compris en France, en particulier sur la campagne actuelle où le marché est très segmenté. La semoulerie de Panzani ne ressent d’ailleurs pas de besoin fondamental de disposer d’un marché à terme. L’entreprise s’est en effet engagée, depuis quelques années, dans la mise en place de contractualisations variées permettant de se prémunir en partie contre la volatilité, mais aussi, par exemple, de valoriser les efforts de sélection variétale ou de conduites culturales, explique Jean-Victor Bregliano. Pour Emilio Ferrari, directeur Achats de Barilla, en revanche, « cet outil va nous permettre de fixer un prix bien à l’avance. En tant qu’acheteur, cela va nous aider à gérer notre budget. C’est aussi un avantage pour les producteurs », a-t-il commenté à Reuters début novembre.
Pour être efficace, un marché à terme doit être liquide et fréquenté. Certains opérateurs doutent de la montée en puissance rapide de cette place électronique, compte tenu de la petite taille du marché mondial du blé dur, mais aussi du poids de certains intervenants. Le choix d’un point de livraison italien pourrait aussi limiter son attractivité, comme la durée étroite d’ouverture du marché, avant tout pensée pour les consommateurs, estiment certains opérateurs.