Non-alimentaire
Le hâle champenois, un succès à faire pâlir
L’autobronzant, 100 % d’origine végétale, produit par Soliance participe à la réussite de la PME.

La Champagne vous permet d’arborer une peau cuivrée, et ce hiver comme été. Rien à voir avec le réchauffement climatique, mais avec une molécule, la DHA, référence en matière d’autobronzant, produite par Soliance, entreprise basée à Pomacle (51). Créée en 1994, la société, rattachée au centre d’innovations ARD, « conçoit, recherche, produit et commercialise des ingrédients d’origine végétale pour les industries de la cosmétique », résume sa directrice générale, Frédérique Lafosse. Soliance emploie 65 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 20 M€, dont 60 % à l’export.
Un modèle efficace basé sur la synergie industrielle
L’Oréal, LVMH, Estée Lauder, Nuxe... Fournisseurs des grands noms de la cosmétique, et commercialisant partout dans le monde, Soliance évolue néanmoins sur un marché de niche. Elle produit chaque année 500 t d’ingrédients cosmétiques. « Nos besoins couvrent environ 300 ha » de blé tendre, betterave ou encore de colza. « Nous sommes au cœur d’un bassin de production, mais aussi de première transformation », souligne Frédérique Lafosse. L’entreprise est en effet intégrée à la bioraffinerie de Pomacle (51), regroupant beaucoup d’industries. « Nous avons créé des synergies et valorisons les coproduits de nos voisins. Nous utilisons le gluten, le glucose et les sons de blé de Chamtor, ainsi que le bioéthanol issu de la betterave », précise la directrice générale.
Dorés comme des petits pains
Produit historique et parmi les bestsellers de la PME champenoise : la DHA, ou dihydroxyacétone. Elle est fabriquée par biotechnologie, un de ses nombreux savoir-faire. Le glucose de blé, fourni par les amidonniers, permet de « développer de la biomasse, en l’occurrence une bactérie ». Celle-ci se multiplie et est utilisée comme catalyseur pour transformer, en présence d’une déshydrogénase, de la glycérine en DHA. Ce nouveau sucre se combine avec les protéines de la peau, la faisant brunir grâce à une réaction chimique bien connue des boulangers : la réaction de Maillard. C’est elle qui permet à la baguette d’arborer une croûte dorée. La purification du mélange est réalisée avec du bioéthanol... fourni par Cristanol. « Cela nous permet de produire des ingrédients issus, à 100 %, de matières premières végétales », insiste Frédérique Lafosse.
La seconde référence phare de Soliance est l’acide hyaluronique, dit HA, dont la production repose, là aussi, sur l’expertise biotechnologique de la société. Il est obtenu par fermentation, en plongeant une bactérie dans un mélange de glucose et de protéines de blé. « Pour se défendre d’un stress alimentaire qu’on lui applique », la bactérie va excréter un polysaccharide, le HA. Il est récupéré par précipitation et séchage. « Ce polysaccharide a des fonctions hydratantes et permet de déposer un film protecteur sur la peau. Par fractionnement, son poids moléculaire peut être réduit, ce qui permettra la pénétration de la molécule » dans l’épiderme. Le produit a alors « des propriétés anti-inflammatoires cicatrisantes et anti-âge démontrées ».
Une forte dynamique d’innovation
« Le monde de la cosmétique est très demandeur de nouvelles idées », témoigne la directrice générale de Soliance. Aussi, « nous nous imposons l’objectif de 3 nouveaux produits par an ». Autre ambition : que « le chiffre d’affaires des innovations représente 25 % du chiffre d’affaires total cinq ans après la création de la cellule d’innovation transversale. Un résultat qui a été atteint en quatre ans !» Marketing stratégique et R&D définissent les fonctions recherchées, les matières premières mobilisées, la technologie utilisée... « Nous devons aussi démontrer les propriétés de nos produits. » Une autre équipe, de formulation cette fois, s’assure « de la compatibilité des innovations avec les recettes des clients ». Il faut aussi des experts en réglementation, « de plus en plus restrictive ». « Produits biodégradables à faible écotoxicité, sans solvant dangereux, au bilan carbone maîtrisé... sont autant de critères intégrés aux cahiers des charges de développement ». Des compétences en chimie analytique, pour suivre le produit et prouver son innocuité, sont également essentielles. Chaque année 10 % du CA dégagé par l’entreprise est ainsi réinvesti dans la R&D.
« Malgré une concurrence sévère, nos produits, qui s’inscrivent par essence même dans une logique de développement durable, nous permettent de nous démarquer », explique Frédérique Lafosse. Ainsi, « si la crise nous a fortement impacté en 2009/2010 », la société affiche « une croissance a deux chiffres depuis 2010 contre 4 à 5 % pour le marché mondial ». En vingt ans, Soliance s’est forgée une réputation bien au-delà des frontières de l’Hexagone avec 28 partenaires commerciaux répartis sur la planète. Si le HA est assez universel, la DHA est « très recherchée par les Anglo-Saxons ». Les états-Unis représentant 25 % de son CA, Soliance s’y est d’ailleurs implantée en 2008.