Le check-up de la Pac est lancé
Bruxelles vient de présenter une série de propositions en vue de lancer la réflexion commune autour de la Pac. Le débat promet d’être houleux
BRUXELLESa donné mardi 20 décembre le coup d’envoi du bilan de santé de la Pac en présentant une série de propositions devant le Parlement européen. Les différents états membres seront consultés dans les six prochains mois. Cet état des lieux n’est qu’une étape préparatoire à la révision budgétaire de 2008/2009 qui contribuera à la réflexion sur la Pac de l’après-2013. Optimisation du régime de paiement unique, nouveaux défis du changement climatique et remise en cause des instruments de régulation des marchés sont au programme. Cet exercice ne doit pas être « vu comme une nouvelle réforme » a affirmé la commissaire européenne à l’Agriculture Mariann Fisher Bœl devant la presse. Ces suggestions préfigurent néanmoins de la Pac de l’après 2013.
Suppression limitée au blé
Selon la Commission « la réalité de la globalisation et une UE à 27 états membres nécessitent une réflexion sur le futur des instruments de la vieille Pac encore en place (quotas, intervention, soutien des prix, restitutions,…) compte tenu des perspectives à moyen terme pour les marchés, particulièrement favorables pour les céréales et le lait » indique le document que diffusera Bruxelles. Celle-ci compte dès lors déterminer « si l’évolution actuelle des marchés est le reflet d’une réponse à court terme aux faibles récoltes de 2006/2007 ou bien le signe d’une tendance à long terme qui pourrait exercer une pression sur les marchés agricoles et l’offre ». Pour la Commission, la suppression graduelle de l’intervention, décidée cette année en maïs, « semble être la meilleure solution » pour les autres céréales fourragères. « Le maintien de l’intervention pour une seule céréale (le blé) pourrait fournir un filet de sécurité approprié, tout en permettant aux autres céréales de trouver leur niveau de prix naturel ». Elle entend également éteindre progressivement les quotas laitiers à l’horizon 2015.
Bruxelles remet par ailleurs en cause la pertinence de la jachère, compte tenu de l’évolution du marché notamment. Mais son abolition « nécessiterait de préserver les bénéfices environnementaux qu’elle a permis d’engranger ». La commissaire européenne, Mariann Fisher Bœl veut également pousser plus loin le système de découplage mis en place en 2003, dans les pays qui ont choisi de maintenir un lien entre production et soutien public pour certains secteurs agricoles. La France est bien entendu visée. Elle propose de « s’orienter vers un taux forfaitaire » de paiement unique et de plafonner graduellement l’aide par exploitation, à partir de 100.000 € par an par exemple. Concernant les nouveaux défis liés au changement climatique, gestion de l’eau, biodiversité,… ceux-ci font partie des axes de réflexion proposés. La Commission entend dans ce contexte, soutenir la recherche et l’innovation pour répondre aux nouveaux défis environnementaux et de la productivité, « y compris les biocarburants de seconde génération » qui feraient l’objet d’incitations renforcées. Elle s’interroge sur l’efficacité de l’actuel régime de soutien des cultures énergétiques compte tenu des nouvelles incitations pour la production de biomasse.
Vives inquiétudes des syndicats
Les réactions du monde agricole ne se sont pas faites attendre en cette année marquée par une instabilité historique des prix des matières premières. Pour les producteurs de grandes cultures réunis au sein d’Orama, « la Commission affiche une volonté inquiétante de se désintéresser de l’évolution de la production communautaire de céréales et oléoprotéagineux ». En préconisant d’amoindrir les mécanismes de régulation des marchés et « l’amputation pure et simple, sous diverses formes, de soutiens directs », Bruxelles « tourne le dos aux réalités essentielles de la production de grains » assurent-ils. Orama rappelle que les marchés, en proie aux fluctuations monétaires, ne peuvent se réguler seuls. « Le secteur sera toujours sujet d’amples retournements ». Et de pointer du doigt les soutiens accordés aux farmers par les USA. Pour les producteurs de grandes cultures, ce secteur, « reconnu comme fournisseur de plus en plus indispensable de denrées et de matières premières de base », doit au contraire pouvoir compter sur « un minimum de stabilité dans les contextes difficiles ». Atterrée, la Coordination rurale est tout aussi pessimiste devant « la volonté de Bruxelles de pousser encore plus loin la logique » de 2003 dont le constat est jugé « accablant ». Pour le syndicat, la Pac, qui devait « assurer sécurité alimentaire de l’UE et la stabilité des prix et production » « a gravement failli à ses missions (…) en abandonnant progressivement ses responsabilités au marché libre ». La CR compte sur la présidence française au second semestre 2008 pour « sortir enfin d’un dangereux aveuglement » pour les consommateurs comme les agriculteurs. Pour la FNSEA aussi, Bruxelles ne semble pas avoir su analyser les évolutions depuis 2003. Le syndicat majoritaire s’étonne, entre autres, que les autorités européennes souhaitent « continuer la politique du “tout marché” induite par la dernière réforme sans tenir compte de la tension actuelle et des crises sanitaires à répétition. » La volatilité est installée, « aujourd’hui les prix flambent et demain ? » s’interroge la FNSEA. « La lettre et l’esprit des propositions agricoles de Mme Fisher Bœl ne donnent pas de réponse à la globalisation et à ses conséquences », estime la FNSEA qui considère que la Pac ne peut « tout miser sur le développement rural ».