La situation critique au Japon fait chuter les marchés céréaliers
La catastrophe naturelle intervenue en fin de semaine dernière renforce un peu plus les incertitudes concernant le niveau de la consommation mondiale
La menace d’un accident nucléaire au Japon fait souffler un vent de panique sur l’ensemble des marchés. Les fonds limitent leur exposition aux risques financiers et ont liquidé leurs positions. Résultat : les cours ont plongé mardi. Le maïs a même atteint son Limit down sur Chicago. Ce danger s’ajoute aux inquiétudes relatives aux conséquences sur la consommation globale de la planète du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé l’archipel vendredi 11 mars. Le Japon, 3e économie mondiale, est aussi un important importateur de produits agricoles. Il se fournit en céréales essentiellement auprès des Etats-Unis. Ces craintes alimentent la confusion générale qui régnait déjà sur les marchés suite aux révolutions intervenues dans les pays arabes et à la flambée des cours du pétrole qui a suivi.
Vers un recul des importations de maïs
Le Japon importe 24,1 Mt de céréales et notamment du maïs, dont il est le premier importateur mondial. Pour 2010/2011, le CIC tablait, dans son rapport de février, sur des achats portant sur 16,1 Mt. Il est également le plus gros client de poulet et de porc. Il compte aussi parmi les 5 principaux importateurs de blé. Il devait en contracter 5,2 Mt pour la campagne en cours selon les estimations établies par le CIC avant la tragédie.
Le raz de marée intervenu vendredi a dévasté les ports du nord de l’archipel. Ils assurent près de 20 % des importations de matières premières destinées à la production d’aliments composés nipponne. Ils approvisionnent essentiellement la filière avicole de la région. Les livraisons ont été suspendues. Les reports concernaient lundi déjà plusieurs milliers de tonnes de céréales. Le secteur de la nutrition animale importe des grains mais aussi des additifs et prémix. Certains ports du Nord ont néanmoins été épargnés et les cargaisons peuvent être redirigées vers les sites du Sud. Ceux-ci pourraient cependant se trouver vite engorgés. Et cette réorientation aura un coût. Les réseaux de transports internes ne devraient par ailleurs pas être fonctionnels avant plusieurs semaines.
Les usines d’aliments du bétail implantées non loin des côtes, pour des raisons logistiques, ont aussi été frappées par la vague géante. Selon le ministère de l’Agriculture japonais, les industriels du Nord assurent 4,8 Mt des 24 Mt d’aliments produites chaque année au niveau national. Le pays, qui compte également des élevages porcins et ruminants, est très tourné vers la pisciculture. Les dégâts sur les exploitations et les terres seraient d’ailleurs également considérables. Si les usines d’aliments touchées fonctionnaient, comme anticipé, à moitié de leurs capacités lors du prochain semestre, la production nippone pourrait chuter d’1 Mt ce qui affecterait ses besoins d’importation de maïs d’environ 500.000 t, soit un repli de 8 % de ses achats mensuels. Mais dans un contexte mondial, et notamment américain, tendu pour cette céréale, cette perte de volumes n’est finalement pas si conséquente. Fortement baissier la semaine passée, Chicago a même clôturé en hausse lundi.
Potentielle hausse de la demande à terme
Les capacités de stockage de céréales du Japon seraient pour leur part amputées de 15 à 20 %, selon le cabinet de conseil américain Resource Co. A terme, la demande pourrait alors se faire plus pressante pour compenser cette perte de réserves. De quoi faire repartir les cours à la hausse ? L’effet ne serait quoi qu’il en soit pas immédiat, le pays disposant tout de même de deux à trois mois de stocks, selon certaines sources. Par ailleurs l’arrêt de plusieurs raffineries a fait chuter les cours du pétrole, dont le Japon est le 3e consommateur mondial. Cela a plombé les prix des céréales substrats des biocarburants. La probabilité d’une catastrophe nucléaire sur la centrale de Fukushima a marqué un nouveau tournant sur les marchés, mardi, et provoqué des ventes massives des investisseurs. Notons néanmoins que la remise en cause de la production d’énergie nucléaire pourrait doper l’intérêt pour les énergies renouvelables, et notamment le biodiesel.
Entre dommages sur les installations et restriction d’électricité, c’est toute l’industrie du pays qui est paralysée. La situation de la 3e économie mondiale ne devrait pas être sans effet sur la croissance planétaire. Et c’est sans compter sur l’effet psychologique de la menace nucléaire. L’évolution des marchés boursiers, très volatils, trahit ces inquiétudes. Les places ont clôturé dans le rouge mardi, sans égaler le repli de Tokyo, avec un Nikkei chutant de 10,5 %.