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Dossier Mycotoxines
La première transformation mobilisée

Les utilisateurs de blé tendre multiplient les contrôles pour éviter la présence de mycotoxines dans leurs produits, mais dénoncent la défaillance de la législation en matière d’échantillonnage et d’analyse

LES DERNIÈRES campagnes sont marquées par une augmentation de la teneur en mycotoxines de certains lots de céréales, en particulier pour le blé tendre. Les transformateurs, peu habitués à gérer ce risque sur cette denrée, cantonné jusqu’alors à certaines zones de production, accentuent leur vigilance. Mais ils se heurtent à une déficience législative. Un sujet de nature à tendre les relations entre acheteur et vendeur en amont, comme en aval.

Les lois exigent sans fournir les moyens

La règle est simple : il y a une loi et les industriels doivent la respecter. Un problème néanmoins : « il n’y a aucune méthode d’analyse officielle (cf. page 3) alors qu’on doit faire face à des obligations à la fois légales et contractuelles, car nos clients de la seconde transformation, qui doivent eux-mêmes respecter la réglementation, ont des impératifs », explique Joseph Nicot, président de l’ANMF (Association française de la meunerie française). La composante mycotoxines a donc en premier lieu « augmenté le risque commercial. » Et il n’est pas neutre : « il peut se chiffrer à plusieurs millions d’euros », souligne le représentant des meuniers.

L’ANMF mène, comme l’ensemble des bran-ches des filières céréalières, une politique de sensibilisation à la question des mycotoxines depuis plusieurs années. « Nous avons notamment présenté à nos adhérents les outils de détection, comme les bandelettes, utilisables sur farines et grains. Celles-ci permettent de repérer les lots contaminés », explique Nicolas Pérardel chargé du dossier au sein de l’association. Si la présence de Don (cf. encadré page 3) est détectée, l’industriel lance une procédure d’alerte et envoie un échantillon à un laboratoire pour un contrôle précis. L’ANMF assure également avoir joué cette année le rôle d’alerte. Et, si les meuniers étaient jusqu’ici plutôt en phase de veille, ils s’équipent aujourd’hui sérieusement en tests de détection rapide, selon un responsable de laboratoire commercialisant ce type de produits.

La première transformation tend en effet à demander davantage de retours à leurs OS, à instaurer des niveaux limites sur le critère mycotoxines dans leurs contrats, et à multiplier les contrôles à la livraison. Mais ils se heurtent à des « difficultés techniques liées en particulier aux aléas du texte publié par l’UE, sans solution technique, notamment en matière d’analyse prise d’échantillons », souligne Joseph Nicot. Les fabricants d’aliments du bétail dénoncent également la loi : « Il y a des problèmes de méthode, explique Stéphane Radet directeur du Snia (Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale). L’UE a publié un texte sans solution technique, notamment en matière d’analyse », témoigne-t-il.

Une info précise, et les Fab gèrent le risque

En alimentation animale, la problématique est un peu différente car « les seuils fixés au niveau communautaire relèvent de recommandations, et non d’exigences comme c’est le cas en alimentation humaine », explique Stéphane Radet. « La majorité de nos fournisseurs font avant tout la segmentation pour l’alimentation humaine », à 1.250 ppb de teneur en Don. Et si le secteur de la nutrition animale ne refuse pas des lots dépassant ce taux, il a besoin « d’une information précise. » Au professionnel, ensuite, de « diriger la matière première selon ses propres contraintes, en fonction des exigences, notamment nutritionnelle, des aliments composés à fabriquer. » En effet, les taux d’incorporation des différentes céréales diffèrent, selon le type d’aliments et leur coût relatif. De plus, certaines espèces et catégories d’animaux, et notamment les porcins, sont plus sensibles que d’autres. « Du fait de la réglementation existante, le risque mycotoxines est donc à gérer par le fabricant dans ses formules. Cela suppose la maîtrise du process et une très bonne connaissance de la matière première utilisée. » En effet, les niveaux de recommandations sont très différents entre les matières premières et les aliments composés (par exemple, pour la teneur en Don, il est de 8.000 ppb pour la céréale et 900 pour un aliment composé “porc”).

L’accès à l’information « sur la qualité générale des céréales en France et surtout sur celle qui lui est livrée, est donc essentiel », insiste Stéphane Radet. Mais la contrainte mycotoxines est difficile à intègrer aux contrats avec des teneurs précises selon les matières premières. La segmentation restant dans bien des cas limitée à celle de l’alimentation humaine, « les Fab doivent trop souvent effectuer des contrôles supplémentaires sur leurs approvisionnements faute d’avoir accès à l’information. »

Les mycotoxines engendrent donc « une hausse des coûts et donc du prix de revient », indique Joseph Nicot. « Que ce soit pour les tests rapides, par le nombre de bandelettes nécessaires à un suivi normal, ou pour les autres méthodes, toutes onéreuses et difficiles à mener en interne », le contrôle pèse sur les budgets. De plus, « on peut imaginer que, tant au niveau de l’OS que du moulin, des installations, comme des silos de quarantaine ou un nettoyage plus poussé, soient nécessaires pour traiter au mieux le dossier » (cf page 3).

Des solutions émergent

Les filières céréalières sont mobilisées autour du problème mycotoxines. Au sein d’Intercéréales notamment, elles travaillent à un guide de bonnes pratiques et « à une précision des méthodes d’analyses. » Elles ont déjà permis la normalisation au niveau national d’une méthode d’échantillonnage simplifiée. Celle-ci suit un mode opératoire adapté aux contrôles de routine et applicable dans le cadre de relations contractuelles (cf. page 3). « Bon compromis entre l’aspect pratique et la fiabilité des résultats », elle pourrait être proposée aux instances européennes.

Validée en juin dernier, cette norme n’est cependant qu’expérimentale. Les différentes fédérations des filières en assurent cependant la promotion depuis longtemps, sous forme de recommandation, et les opérateurs commencent à se l’approprier. Par ailleurs, les meuniers aspirent à une information institutionnelle plus rapide dès le début de campagne. « Il nous paraît également nécessaire que le dossier diffusé par l’Onigc soit complété par des indications plus précises selon les régions, mettant en évidence les écarts et les risques ».

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