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La filière farine sur ses gardes

Les professionnels se montrent peu sereins quant aux perspectives 2009

CRISE financière, volatilité, morosité, l’année 2008 aura été éreintante pour les opérateurs de la filière blé-farine-pain. Les bouleversements auront bien entendu des répercussions sur le long terme, et pas des moindres : pour le Pdg des Grands moulins de Paris, Hubert François, « 2009 sera une année de changements radicaux. Nos métiers vont vivre une tempête énorme ». Les opérateurs interrogés par La Dépêche-Le Petit Meunier se montrent tous prudents, mais anticipent une baisse de la consommation et un contexte toujours chahuté.

Des marchés attendus toujours instables

La composante matière première sera bien entendu essentielle à la santé de la filière en 2009. Comme le rappelle Christophe Courtin, meunier marnais, président du SPMF (Syndicat de la petite et moyenne meunerie), la politique d’achat des entreprises « est plus importante que jamais. Créant des disparités sur le marché, elle peut mettre en péril nos résultats d’exploitation. » Ainsi, les professionnels ayant acheté leur blé en début de campagne présentent des prix de revient élevés les plongeant dans des situations très délicates. « Si la tendance est à la baisse, permettant aux industriels de souffler un peu, on ne sait pas comment le marché va évoluer », souligne Philippe Godard, directeur communication et développement de la FEBPF (Fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie françaises). Le dirigeant des GMP s’attend pour sa part à des marchés « encore plus fluctuants. » Le manque de liquidités et la baisse des taux d’intérêt pourraient en effet conduire à de plus grandes prises de risques : « tout le monde va jouer à la roulette russe. » De quoi alimenter l’instabilité des prix ! Une tendance qui devrait être accentuée par la volatilité des monnaies à laquelle le blé, produit dans diverses régions du monde, est très sensible. L’occasion pour le dirigeant du groupe meunier d’appeler les pouvoirs publics à « une grande réflexion pour le maintien de quelques outils de régulation. » Les aménagements prévus de la Pac reviennent « à ouvrir les hublots du bateau juste avant la tempête. » La révision du prix d’intervention, à un niveau plus en adéquation avec le récent historique des cours, serait notamment nécessaire.

La filière doit continuer à s’adapter à cet environnement fluctuant. « Tous les maillons, des agriculteurs aux boulangers artisanaux, doivent intégrer le risque de variation dans leurs marges », explique le représentant des Grands moulins de Paris. Bref, « chacun doit participer à l’assurance de la filière. »Mais cette sécurisation limitera les marges de manœuvre des opérateurs et pèsera, en bout de chaine, sur les prix ! La filière a déjà fait preuve d’adaptabilité au cours de ces dernières campagnes en se familiarisant avec le marché à terme, présenté comme outil de couverture de risque prix. Mais, du fait de son importante réactivité, celui-ci « n’assure pas totalement » la fonction de sécurisation collective à laquelle aspire la filière.

Du côté de la BVP, les industriels travaillant avec les GMS doivent de surcroît gérer une conséquence de la crise : la frilosité de leurs clients qui ont modifié leurs politiques d’achats. Travaillant en flux tendu, les grandes surfaces avaient l’habitude de raisonner par décade. « Maintenant elles commandent au dernier moment, ce qui engendre des problèmes de gestion des stocks, de la production et donc de la trésorerie », rapporte Philippe Godard, de la FEBPF.

Un consommateur plus regardant

Dans ce contexte pour le moins houleux, et alors qu’il sera difficile de négocier des crédits, « on peut s’attendre à un remodelage du paysage industriel. De nombreuses défaillances d’entreprises et changements d’actionnariats sont à prévoir », anticipe le responsable des GMP. Et ce, d’autant que la consommation va elle aussi évoluer.

Le changement le plus radical viendra en effet, de l’avis général, du comportement du consommateur. « Du fait d’un discours anxiogène, il va totalement modifier ses habitudes », estime Hubert François. Il devrait être plus regardant. C’est ce que laissent présager les dernières conclusions de l’Insee indiquant que les ménages sont plus pessimistes que jamais sur les perspectives de leur situation financière. De plus, ils s’attendent à une accélération de la hausse des prix. Les industriels de la BVP vendant en direct constatent pour leur part, depuis la rentrée 2008, une baisse de leur ventes de -2 à -4 % environ sur un an. Et cela sur l’ensemble des produits. Ils marchent donc sur des œufs pour 2009. Pour faire face, ils continuent de parier sur le développement de leur offre en petite restauration. « Avec la crise, les gens vont moins au restaurant, mais consomment plus de sandwiches », confirme Philippe Godard. La tendance, effective depuis plusieurs années, « devrait se confirmer en 2009 ».

Un recul de la demande pour les produits à plus forte valeur ajoutée, notamment en pâtisserie et viennoiserie, est en tout cas à prévoir. Le haut de gamme devrait être délaissé et les surprimes non fondamentales boudées. Ainsi, comme l’imagine le Pdg des GMP, les modes de production plus respectueux de l’environnement ne seront plus, comme on pouvait l’attendre en 2008, une préoccupation de premier ordre pour le consommateur. Ce qui conduit à s’interroger : « Comment valoriser ces productions issues de démarches de filière mises en place sur le long terme ? » Le consommateur n’abandonnera néanmoins pas totalement la notion de développement durable, « mais sera plus attentif à ce qui le touche directement, comme le suremballage », qui a, de plus, un impact économique. Le dirigeant des GMP s’attend dans ce contexte à des « chutes brutales » de consommation sur certains produits. « Il faut, le cas échéant, être prêts à arrêter un outil de production voire à restructurer des industries. »

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