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La facture électronique, une généralisation compliquée

Prévue au 1er juillet 2024, la date d’entrée en vigueur de la facture électronique va être reportée, le gouvernement n’étant pas prêt et les entreprises peu au fait de la nouvelle réforme. Il faut dire que le dossier est technique et les cas d’usage nombreux. Explications.

Si l’échange numérique de factures existe depuis vingt à trente ans, il ne représente que 10 % des 3 milliards de factures qui circulent annuellement en France.
© Steve Buissinne de Pixabay

« Dans le cadre des échanges entre l’administration et les différentes parties prenantes, il a été décidé de reporter l’entrée en vigueur du dispositif [de généralisation de la facture électronique], prévue le 1er juillet 2024 afin de donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme structurante pour l’économie », a indiqué la Direction générale des finances publiques (DGFiP) dans un communiqué en date du 28 juillet. La date du report sera définie dans le cadre des travaux d’adoption de la loi de finances pour 2024. Mais ce retard au démarrage ne doit pas conduire les entreprises agricoles et agroalimentaires à décaler le traitement de ce dossier, qui peut s’avérer épineux. « Le secteur agricole a de fait des spécificités en termes de facturation, comme l’auto-facturation (l’organisme stockeur établit pour le compte de l’agriculteur la facture de livraison de grains) , le paiement des grains en plusieurs fois avec acompte à la récolte, la notion de facture intragroupe (« je livre pour le compte de… » ou « je transporte pour le compte de… » donc  « je facture pour le compte de… ») », souligne Franck Letourmy, directeur général en charge de l’activité agroalimentaire de Prios

Pour les aider dans leurs démarches, La Coopération agricole, la Fédération du négoce agricole et Agro EDI Europe sont à pied d’œuvre pour leur amener informations légales et conseil techniques (cf. encadré). « Les grandes entreprises (GE), soit près de 1 000 entités, et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), soit près de 10 000 d’entités, sont globalement au fait de la réforme, car elles devaient émettre des factures électroniques respectivement dès juillet 2024 et janvier 2025. Les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE), soit près de 4 millions d’entités, dont l’obligation d’émettre n’était prévue qu’en janvier 2026, ne se sentent pas encore concernées », témoigne Thierry Hardion, directeur des produits Isagri & Agiris au sein du Groupe Isagri et vice-président en charge du collège fiscal de l’association SDDS (Simplification et dématérialisation des données sociétés).

Dans l’attente du portail public de facturation

Conformément au nouvel article 289 bis du Code général des impôts, une facture électronique (ou e-invoicing) est une facture émise, transmise et reçue sous une forme dématérialisée et qui comporte nécessairement un socle minimum de données sous forme structurée, ce qui la différencie des factures papier ou du PDF ordinaire. « Les trois formats retenus par l’administration fiscale sont le Cross Industry Invoice (CII), l’Universal Business Language (UBL) et la Facture-X, qui est un format mixte composé d’un fichier de données structuré en XML et d’un fichier PDF », précise Jean-Yves Allard, directeur R&D de Grainbow, éditeur de solutions informatiques pour les organismes stockeurs, les industriels de l’agroalimentaire et courtiers.

La facture électronique sera adressée au client par l’intermédiaire d’une plateforme de dématérialisation, qu’il s’agisse du portail public de facturation (PPF) ou d’une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP). Selon la DGFiP, le PPF mis à disposition des entreprises « tiendra compte de leur degré de maturité numérique et permettra notamment aux plus petites d’entre elles un passage à la facture électronique à coût réduit en offrant un socle minimum de services ». Les PDP « pourront offrir aux entreprises qui le souhaitent une gamme de services de facturation dématérialisée plus complète ».

Si le service d’immatriculation des PDP, ouvert le 2 mai par la DGFiP, instruit d’ores et déjà les premières candidatures reçues, c’est la disponibilité du PPF qui est problématique. La validation finale des dossiers des candidats PDP dépend en effet de leur bonne connexion avec le PPF, qui ne devrait être disponible qu’en début d'année 2024, selon Thierry Hardion. Et d’ajouter : « Dans ce contexte, la liste officielle des PDP ne sera probablement pas éditée avant le printemps 20024 ».

Témoignage 1

« Le Groupe Isagri va se porter candidat PDP pour assurer des gains de compétitivité aux entreprises », affirme Thierry Hardion, directeur des produits Isagri & Agiris 

« Via sa structure Cécurity.com, spécialisée dans la gestion numérique de factures et l’archivage électronique, le Groupe Isagri a décidé de poser sa candidature auprès de la DGFiP pour devenir une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP).

La facture électronique produite par le logiciel de facturation, déposée sur la plateforme de dématérialisation, devant être vérifiée, validée avant d’être envoyée, le Groupe Isagri considère que, pour éviter une perte de productivité à l’entreprise, le meilleur moyen est de maîtriser la PDP pour garantir des liens fluides entre les outils de l’entreprise. 

Les trois-quarts de l’activité du Groupe Isagri concernent l’édition de logiciels pour différents métiers, dont le monde agricole, avec la société Isagri, et la profession comptable, avec Agiris. »

Lire aussi : "Facture électronique – « Le Groupe Isagri s’est porté candidat pour devenir une plateforme de dématérialisation partenaire afin d’assurer des gains de compétitivité à l’entreprise », déclare Thierry Hardion du Groupe Isagri"

Des gains de productivité à la clef

L’un des atouts de la généralisation de la facture électronique, d’après la DGFiP, est « le renforcement de la compétitivité des entreprises grâce à l’allègement de la charge administrative et aux gains de productivité résultant de la dématérialisation ». Et Thierry Hardion d’expliquer : « si le passage aux factures électroniques va engendrer des charges supplémentaires, le vrai bénéfice pour les entreprises sera un gain de temps, qui dépendra de la qualité des liens existant entre le logiciel de facturation de l’entreprise et la PDP ».

Témoignage 2

« Prios va proposer une solution intégrée », déclare Franck Letourmy, directeur général en charge de l’activité agroalimentaire de Prios

« Nous travaillons avec deux partenaires Quadient (pour la dématérialisation des factures clients) et Yooz (pour la dématérialisation des factures fournisseurs), qui se sont portés candidats pour devenir plateforme de dématérialisation partenaire (PDP). L’idée est de proposer une solution complètement intégrée à notre clientèle. 

Prios est un éditeur de logiciels et intégrateur de leurs solutions ERP (Entreprise Resource Planning), dédiés à la gestion commerciale administrative des coopératives, des négociants, des usines d’aliments et de la petite et moyenne meunerie. »

Lire aussi : "Facture électronique – « Prios entend proposer une solution intégrée », indique Franck Letourmy"

Les autres avantages de la réforme sont « la simplification à terme des obligations déclaratives en matière de TVA, grâce au pré-remplissage des déclarations », « l’amélioration de la lutte contre la fraude [à la TVA] » et « une connaissance en temps réel de l’économie des entreprises ». Selon Thierry Hardion, « la PDP devra pouvoir extraire du fichier de la facture électronique les informations légalement obligatoires (comme le numéro Siret-Siren, le taux de TVA…) pour les transmettre à la DGFiP, qui lui permettront d’effectuer les contrôles de cohérence entre la TVA déclarée par les entreprises et celle circulant sur les factures, d’avoir un observatoire en temps réel de la vie des entreprises françaises. Ce e-reporting est objectivement intéressant pour les pouvoirs publics dans la lutte contre la fraude mais également la définition de leur politique de soutien aux entreprises par temps de crise (en ciblant les plus touchées, par exemple). »

Des coûts variables en fonction des services associés

Si la généralisation de la facture électronique représentera à terme pour les petites et les moyennes entreprises un gain de 4,5 milliards d’euros par an, selon la DGFiP, le coût de cette réforme pour l’entreprise n’est pas négligeable.

Témoignage 3

« Editeur de logiciel, OD et PDP, à chacun son rôle », selon Jean-Yves Allard, directeur R&D de Grainbow

« Les analyses engagées depuis plusieurs mois dans différents groupes de travail dédiés à cette réforme de la facturation électronique nous permettent aujourd’hui d’aborder sereinement les phases d’implémentations dans notre ERP (Enterprise Resource Planning).

De fait, l’une des fonctionnalités majeures de notre ERP étant l’automatisation de la création des factures et décomptes en intégrant toutes les règles métiers spécifiques de notre filière, nous aurons la capacité d’adapter nos flux de données pour proposer au moins l’un des trois formats de facture électronique du socle commun défini par l’administration fiscale.

Comme les volumes des factures et la complexité des cas de facturations liés à notre filière ne permettront pas à toutes les PDP (Plateforme de dématérialisation partenaire) de proposer un visuel adapté aux factures et décomptes provenant de notre ERP, nous proposerons donc a minima le format Facture-X qui intègre un visuel PDF des factures.

Nous pensons que chaque partenaire, éditeurs d’ERP, OD (opérateur de dématérialisation) ou PDP, saura apporter une valeur ajoutée dans son domaine de compétence. 

Grainbow est un éditeur de solutions informatiques pour les organismes stockeurs, les industriels de l’agroalimentaire et courtiers depuis plus de vingt-cinq ans. »

Lire aussi : "Facture électronique – « Editeur de logiciels, opérateur de dématérialisation et plateforme de dématérialisation partenaire, à chacun son rôle », selon Jean-Yves Allard de Grainbow"

Il faut prévoir un investissement de quelques milliers d’euros pour l’installation technique, c’est-à-dire les coûts de dématérialisation et de mise en place de connecteurs entre le logiciel et la PDP, auquel il faut ajouter « des frais opérationnels en fonction du volume de factures traitées (avec un tarif dégressif) et des services associés, tels que la validation de paiement, la vérification de la facture et l’archivage des facture sur dix ans », détaille Franck Letourmy.

 

FNA, LCA et Agro EDI Europe accompagnent les entreprises dans la mise en place de la facture électronique

Pour venir en aide à ses adhérents la Fédération du Négoce Agricole (FNA) a créé en mars 2023, au sein de sa commission juridique, un groupe de travail dédié à la facture électronique. « L’objectif est de pouvoir avancer sur ce sujet et donner les clés de compréhension adaptées aux personnes qui seront impliquées dans la mise en place de ce dossier », précise Charlotte Chollet, directrice du pôle entreprises en charge des questions fiscales, juridiques et sociales de la FNA. Et d’ajouter : « La priorité est de vérifier que les éditeurs de logiciels tiennent bien compte des spécificités de notre secteur d’activité comme l’auto-facturation, les avances de trésorerie, le versement d’un premier acompte, les compléments de prix versés plusieurs mois après l’achat de la marchandise ou encore les paiements qui peuvent s’étaler sur une année ».

Si La Coopération agricole (LCA) n’a pas mis en place de groupe de travail dédié à la facture électronique à proprement parler, « elle a publié sur son site Juricoop une circulaire sur "L’obligation de facturation électronique et de transmission des données de transaction pour les coopératives agricoles et leurs unions", régulièrement mise à jour des dernières évolutions sur le sujet », indique Emmanuelle Badin, fiscaliste de LCA. De plus, lors de ses réunions régionales d’avril et mai, elle a alerté et sensibilisé les coopératives agricoles sur l’urgence de préparer ce passage à la facturation électronique et de procéder dès aujourd’hui à un audit de leurs flux de transactions, flux de facturations, de leurs outils de facturations, logiciels, etc.

Par ailleurs, Agro EDI Europe, dont LCA est un membre fondateur et qui a pour mission d’harmoniser les échanges de données agricoles, a annoncé, le 10 juillet, « engager dès cette année un travail de fond pour élargir la documentation sur les nouveaux formats de factures électroniques introduites par la réforme (UBL et CII) pour permettre aux adhérents de choisir le ou les formats qui correspondent à leurs besoins et contraintes tout en répondant aux exigences réglementaires et métiers ».

 

Lexique

CCI (Cross Industry Invoice) est un des trois formats de facture électronique imposés par la réforme.

EDI (Echange de données informatisées, en français, ou Electronic Data Interchange, en anglais) est un terme générique pour définir les échanges de données automatisées entre les opérateurs selon des standards internationaux définis pour tous les secteurs d’activité, qui peuvent être le support de transfert d’informations logistiques, commerciales, financières, administratives de traçabilité ou autres.

ERP (Enterprise Resource Planning) ou PGI (Progiciel de gestion intégrée) est un système d’information qui permet de gérer et suivre au quotidien l’ensemble des données et services opérationnels d’une entreprise.

Facture-X, associant un fichier XML et du fichier PDF, est un des trois formats de facture électronique imposés par la réforme.

OD est un opérateur de dématérialisation.

PDP désigne une Plateforme de dématérialisation partenaire.

PPF désigne le Portail public de facturation.

UBL (Universal Business Language) est un des trois formats de facture électronique imposés par la réforme.

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