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Nutrition animale
Jouer sur la formulation ne permet pas de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre

Le secteur de la nutrition animale cherche à identifier les déterminants de son empreinte environnementale

L’alimentation animale ne dispose que de peu de marges de manœuvre pour réduire l’impact environnemental de ses productions, au regard des émissions de gaz à effets de serre en tout cas. C’est ce qui ressort des travaux menés par la mission technique Développement durable commune à Coop de France Nutrition animale, au Snia et à l’Afca-Cial. Sensible aux attentes sociétales, le secteur planche sur la question depuis le début de l’année 2009.

Les matières premières, principales responsables de l’impact carbone
    La nutrition animale s’est dans un premier temps intéressée, via son institut technique Tecaliman, aux dégagements de gaz à effets de serre (GES) générés par la fabrication des aliments. En se focalisant sur le bilan carbone, il ressort en premier lieu que « les matières premières contribuent à hauteur de 89 % au dégagement total », rapporte Ségolène Guerrucci, responsable Filières aval à Coop de France Nutrition animale. Le process n’est responsable que de 3 % des émissions et le transport de 7 %.
    Les techniciens ont alors cherché à optimiser l’aliment en fonction de son impact CO2. Ils ont travaillé à valeur nutritionnelle constante, en jouant sur les substitutions de matières premières. Des tests ont été menés sur des formules d’aliments destinés à différentes espèces : poulet, standard et label, bovins et porcs, pour établir des moyennes. Comme le fait remarquer Ségolène Guerrucci, « plus un aliment peut accepter de matières premières, plus on peut jouer sur la formulation pour diminuer son impact ». Mais « on ne peut que difficilement réduire les émissions de plus de 10 % ». Et, élément important en matière de formulation, cette baisse s’accompagne « d’une hausse de 3 %, en moyenne, du prix de revient » de l’aliment.

Les coproduits pénalisés
    Le critère GES plaide en faveur de l’incorporation de pois et féveroles. Leur culture, économe en intrants, leur confère de faibles impacts selon ce paramètre. Plus de 75 % des émissions à ce stade sont en effet liés à la fertilisation. A l’inverse, le colza, dont l’itinéraire technique est gourmand en engrais et les rendements moindres, se retrouve pénalisé. Les céréales ont un impact GES intermédiaire.
    D’une manière générale, les coproduits, à l’exception du son, affichent des valeurs supérieures à celles des matières premières utilisées en l’état en raison des opérations de transformation dont ils sont issus. Les remoulages, les drèches et les tourteaux alourdissent donc aussi la facture GES. La palme va aux huiles qui présentent les bilans les plus élevés. D’ailleurs, « si on optimise selon ce critère, certains coproduits se retrouvent même évincés des formules ». Le hic est qu’« un des atouts de l’alimentation animale en matière de développement durable est justement de valoriser les coproduits qui seraient, à défaut, détruits ».

Deux critères et rien ne va plus
    Alors, tout schuss sur le pois ? Le problème est qu’il présente, outre des limites de disponibilités, des taux limites d’incorporation comme la plupart des matières premières. « Une fois que l’on a incorporé l’ensemble des volumes disponibles et que les limites d’incorporation par formule sont atteintes, on doit passer sur d’autres matières premières, comme par exemple le gluten de maïs qui s’avère plus onéreux. Le coût de l’aliment évolue alors selon une courbe exponentielle. Le logiciel aboutit finalement à une impasse », explique la responsable de Coop de France Nutrition animale.
    Mais l’estimation de l’impact environnemental ne se résume pas aux seules émissions de CO2. Les autorités françaises se sont en effet prononcées pour un affichage multicritères des produits en rayon. La profession s’est donc aussi penchée sur la problématique de l’eutrophisation. Et là, surprise : « la hiérarchie des matières premières est inversée. En conséquence, si l’on formule avec ces deux paramètres, il n’est plus possible de réduire l’impact ». Les évaluations sont moins abouties en ce qui concerne les conséquences de la production d’aliments sur la biodiversité, en raison de l’absence de méthodologie, discutée dans le cadre de la plateforme Ademe/Afnor.
    Avec une faible latitude pour modérer son impact environnemental, le maillon de la nutrition animale ne pourra répondre seul à cet enjeu sociétal. De plus, ajoute Ségolène Guerrucci, le potentiel d’amélioration du bilan GES de l’aliment par le biais de la formulation est faible comparé à la variabilité observée sur les résultats sur matières premières, liée par exemple aux itinéraires techniques qui diffèrent d’une région à l’autre. Pour exemple, selon une enquête Arvalis de 2008 réalisée sur 26 exploitations, les valeurs s’étalaient pour le blé de 180 à 550 kilos équivalent CO2 par tonne ! « Les estimations sont donc à manier avec précaution », met-elle en garde. La question de réduction de l’empreinte environnementale est donc « un problème de filière. Nous nous sommes rapprochés des instituts techniques des productions animales qui souhaitent nous associer à leurs travaux, poursuit Ségolène Guerrucci. Nous devons également discuter avec chacun de nos fournisseurs de matières premières pour définir les allocations* d’impact environnemental entre les produits et coproduits qui conviennent le mieux à chaque filière ». Allocation massique (selon les masses valorisées), énergétique (contenu énergétique), économique… plusieurs options sont envisageables. L’Ademe, qui plaidait plutôt pour une harmonisation des règles d’allocation, a indiqué qu’elle retiendrait, pour chaque filière, la répartition qui aura fait consensus. Une analyse a montré que les différentes options influaient peu sur le classement des matières premières. La profession a néanmoins retenu l’allocation selon les valeurs économiques des produits et coproduits. Utilisée au niveau international, elle s’avère aussi « la plus cohérente avec le métier de fabricant ». Mais les débats n’en sont qu’à leurs prémices.

(*)  : répartition de l’impact généré par le procédé de transformation

 

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