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“Il faut prendre toutes les initiatives possibles pour redonner à l’élevage la place qui lui est due”

La Dépêche-Le Petit Meunier : Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour votre présidence ?
Alain Guillaume : Ce n’est pas une nouvelle, l’Allemagne nous est passée devant au niveau européen. Il y a dix ans, sa production était inférieure de 15 % à la notre. Cela traduit le fait que les filières animales et plus particulièrement nos clients éleveurs sont à la peine. Ils n’ont pas les moyens d’investir pour remettre les exploitations à niveau. Les opérateurs sont aujourd’hui submergés par les contrôles et les contraintes réglementaires. La situation de l’élevage est préoccupante, mêmes les restructurations sont devenues difficiles. En Allemagne à l’inverse, l’élevage se développe... et les fabricants d’aliments aussi. Notre objectif est de prendre toutes les initiatives possibles pour redonner à l’élevage la place qui lui est due. Dans cette logique, nous demandons aux Pouvoirs publics français de regarder la situation du secteur avec lucidité et d’agir en conséquence. Avec la Fefac, notre organisation européenne, nous défendons un recentrage des aides Pac vers l’élevage, maillon fragilisé et pourtant indispensable à notre agriculture. En France, implantés sur l’ensemble du territoire, les fabricants d’aliments veulent rester un moteur de développement au service de toutes les productions. Du fromage de chèvre bio au poulet standard, les particularités de chaque filière et de chaque région doivent être prises en compte, mais dans des conditions économiques viables et créatrices de valeurs.

LD-LPM  : Quels sont les dossiers prioritaires ?
A. G.  : Répondre aux enjeux de sécurité, de qualité et de compétitivité de nos filières. Le Snia s’est engagé depuis quelques années, avec ses partenaires Coop de France Nutrition animale et l’Afca-Cial, dans Oqualim. Cette structure technique vise notamment à mutualiser le contrôle des aliments pour animaux. 150 usines représentant 71 % de la production sont engagées dans la démarche. Un joli succès ! Plus de 140 sites de production, assurant 60 % des volumes, sont par ailleurs déjà certifiés sur la base des exigences du guide des bonnes pratiques de la fabrication des aliments composés. L’alerte à la dioxine qui a touché les filières en Allemagne a prouvé la pertinence et l’efficacité d’Oqualim. Celles-ci ont été saluées par Bruno Le Maire, qui nous a récemment adressé un courrier en ce sens. Pourquoi ce dossier est-il prioritaire ? Par ce que le moindre accident dans une usine peut rejaillir sur l’ensemble de la profession. La démarche est donc à développer. Elle apporte un niveau de sécurité supplémentaire pour le consommateur et nos clients.

LD-LPM  : Le guide de bonnes pratiques ne visait-il pas aussi à limiter les contrôles ?
A. G.  : Tout à fait. Il existe des centaines de cahiers des charges en France. Ils nous valent de nombreuses visites d’organismes de contrôles. Or la certification que nous avons mis en place peut à elle seule remplacer la quasi-totalité des audits. A la clef, des gains de temps et des coûts en moins. Nous sommes dans la phase de reconnaissance de la démarche. Notre objectif est d’obtenir, avant la fin mars, que les entreprises certifiées ne supportent plus la multitude des contrôles. Par ailleurs, suite à l’affaire de la dioxine, l’UE a voulu nous obliger à assumer les contrôles de matières premières. Ce n’est pas aux utilisateurs que nous sommes d’en vérifier la qualité, mais du devoir de nos fournisseurs de livrer de la marchandise saine, loyale et marchande, conforme à sa destination : l’alimentation animale. Nous l’avons rappelé à Bruxelles et avons été entendus.
Concernant nos approvisionnements, il faudra rapidement se pencher sur la question des impuretés dans les lots de matières premières et réactiver la plateforme d’échanges avec nos fournisseurs et les autres industries utilisatrices. Nous devons réaffirmer nos attentes qualitatives et réviser les références. Par exemple, au regard des mycotoxines ou des résidus de traitement contre les nuisibles, nos besoins doivent être mieux pris en compte, notamment dans les céréales largement utilisées dans nos formules. Nous ne sommes aujourd’hui plus dans une notion d’impuretés, mais de pureté des matières premières.

LD-LPM  : Où en est la contractualisation ?
A. G.  : Il existait déjà des engagements avec les éleveurs, mais construits de façon empirique. Nous avons donc participé à la rédaction d’un contrat type qu’il faut vulgariser dans nos entreprises et avec nos clients. Un travail de sensibilisation est souhaitable. Et il l’est encore plus avec les éleveurs qui doivent s’approprier l’outil. Cela pourrait s’inscrire dans les formations notamment assurées par des structures comme Vivea. Rappelons aussi que la contractualisation exige une logique de filière. Elle ne doit pas être un report du risque économique sur un maillon qui ne peut le supporter. Elle nécessite que tous les maillons, y compris la distribution, jouent le jeu.

LD-LPM  : Est-ce la réponse à la volatilité des cours des matières premières ?
A. G. : Avec la contractualisation, nous n’allons pas dompter le marché. Nous allons juste faire en sorte que les coups de griffes soient moins profonds. La contractualisation permet d’anticiper, de sécuriser les approvisionnements et les débouchés. L’équilibre économique de chaque parti reste la condition de base.
Pour limiter les à-coups sur les prix, il est également essentiel d’assurer la fluidité et la sécurité des marchés. Nous sommes très vigilants sur cette question. Nous saluons à cet égard la levée, pour les prochains mois, des droits à l’importation dans l’UE de qualités de blé utilisées par notre secteur.

LD-LPM  : La crise pèse-t-elle sur l’activité de vos adhérents ?
A. G. : La crise n’est pas nouvelle pour les productions animales et les difficultés rencontrées par certaines filières pèsent sur notre activité. Pour l’avenir, nous pensons que de gros efforts sont à fournir en termes de modernisation. Mais il faut investir et cela nécessite des financements. Les banques doivent prendre conscience qu’elles ont intérêt à nous soutenir. Les opportunités sont là puisque le monde et l’UE auront de plus en plus besoin de viande pour se nourrir. Or assurer la qualité demandée aujourd’hui nécessite des investissements importants. Pour la compétitivité des filières animales, d’autres leviers doivent être actionnés. Simplification réglementaire, lutte contre les distorsions de concurrence et suppression des contraintes inutiles ou contreproductives font partis des actions à mener.

LD-LPM  : Le CNA ne s’est pas montré opposé à la réintroduction des PAT en alimentation animale. Qu’en pensez-vous ?
A. G. : Leur autorisation ne relève que de l’État. Après, viendra la question de leur utilisation. Aujourd’hui, nos clients n’en veulent pas. D’ailleurs, beaucoup de cahiers des charges interdisent encore les graisses alors qu’elles sont autorisées. Il faut se poser la question et faire de la pédagogie avant que Bruxelles ne donne son feu vert à la réincorporation des PAT. Le gouvernement aura une responsabilité importante si elles sont utilisées en Europe pour des productions entrant en concurrence avec nos propres filières. Cette affaire revêt un vrai risque économique. Pour le marché de la dinde, déjà en difficultés avec une production amputée de moitié en moins de dix ans, le coup serait fatal. Sanitaires, logistiques, environnementales,… nombre de contraintes pèsent sur nos filières. Nous alertons en permanence les autorités sur tout ce qui génère des distorsions de concurrence, entre États membres et vis-à-vis des pays tiers. Exemple ubuesque s’il en est, celui du 44 t. Nous avons obtenu une avancée significative, mais qui ne doit pas être bridée par de nouveaux coûts. Un problème cependant : le 44 t n’a pas le droit de franchir la frontière entre deux pays l’ayant autorisé, l’UE ayant limité les échanges à 40 t ! On ne peut donc pas faire venir du soja de Gand en 44 t ! Alerté, le Commissaire européen concerné botte en touche. C’est incompréhensible !

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