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Egypte : Le Caire pourrait revoir sa politique d’achats céréaliers

Le gouvernement égyptien étudie la possibilité de limiter l’action du Gasc dans les importations de blé. Un choix de premier ordre alors que le pain reste un aliment de base pour la population.

C’EST ACCOMPAGNÉ D’UNE délégation d’acteurs économiques que le président de la République, Jacques Chirac, a effectué, les 19 et 20 avril derniers, sa visite officielle en Egypte. Le flux important de céréales françaises vers l’Egypte fait de ce débouché l’un des principaux postes économiques en terme de valeur. En effet, l’Hexagone couvre, depuis quatre à cinq ans 15 à 20 % des besoins en blés de ce pays, premier importateur mondial avec environ 8 Mt achetées chaque année. Aussi, les céréaliers français étaient-ils représentés lors de ce voyage. Jacques Chirac, accompagné de Jacques Vorimore, président de France Export Céréales, n’a pas manqué d’évoquer les relations commerciales et la coopération technique pour l’utilisation du blé français, engagées depuis de nombreuses années entre les deux pays. Cette rencontre n’a pas été marquée de déclaration particulière, mais a permis de confirmer que le pays est actuellement en phase de réflexion sur sa politique d’achats céréaliers. La question, déjà soulevée en février, est de savoir quelle place le Gasc (General Authority for Supply of Commodities) jouera à l’avenir dans les approvisionnements du pays. Restera-t-il au premier rang ou le gouvernement va-t-il choisir de donner aux meuniers du secteur privé la possibilité d’acheter davantage en direct ? Sur quelle base cette réflexion est-elle menée ? Une modification de la gestion des achats égyptiens ne serait pas sans conséquences pour le marché et modifierait nos perspectives de ventes.

Les achats privés concernent de plus petits volumes

En moyenne ces cinq dernières années, l’Egypte a acheté 1,2 Mt de blé hexagonal par an, et ce, en dépit de la campagne difficile de 2003, marquée par une quasi absence de volumes liée à la canicule. Pour mémoire, dans les années 90, les moyennes des ventes se situaient à tout juste 700.000 t. Ces chiffres, attestant de la régularité de ce débouché, illustrent la reconnaissance acquise par la marchandise française, notamment en terme de qualité.

Les commandes publiques, Gasc, concernent de gros volumes acheminés par bateaux de 60.000 t. Le moindre coût d’affrètement qu’ils procurent permet au blé français d’être compétitif... notamment vis-à-vis de la marchandise originaire de la mer Noire. En revanche, les achats privés se font par plus petits volumes (3.000 t à 10.000 t). Leur développement renforcerait alors la concurrence entre les fournisseurs. Or, le paysage meunier égyptien est assez disparate. Le pays a, comme beaucoup d’autres, laissé se développer une surcapacité de production meunière. Des moulins performants et très compétents, fabricant des farines blanches de haute qualité, côtoient des établissements moins experts, et par là même, peu rentables, voire déficitaires. Ces derniers doivent fonctionner à moindre coût et sont moins sensibles à la qualité. Ils seront donc tentés de privilégier le critère tarifaire lors de leurs achats.

Quelle solution le gouvernement égyptien va-t-il privilégier sachant que le pain reste l’aliment de base pour les Egyptiens ? Sur 70 millions d’habitants, 30 millions au moins seraient, d’un point de vue économique, obligés de consommer du pain subventionné. Cela signifie que près de la moitié de la population ne peut s’en procurer. Une situation qui légitimerait le maintien de subventions. Dans quelle mesure le Gasc doit-il alors intervenir sur ce marché ? Les moulins qui tournent bien aspirent, pour leur part, à une bonne démarcation entre leurs farines et celles qui pourraient être publiques.

L’Egypte commande mensuellement 500.000 à 700.000 t, avec une assez forte concentration sur huit mois de l’année. Une rupture dans la régularité des achats pourrait être difficile à gérer pour le pays alors que le pain reste un élément essentiel de l’alimentation locale. L’organisation actuelle des achats, avec une forte intervention du Gasc, permet de se prémunir contre les fluctuations d’approvisionnements, variant en fonction des prix et des disponibilités physiques des marchés. Sans le Gasc, le débouché serait plus variable en volume pour la France.

Si l’intervention du Gasc était supprimée, la compétition serait, on l’a dit, plus brutale. Mais l’origine mer Noire ne pourrait couvrir la totalité des besoins du sud-est méditerranéen où la demande sera toujours présente. De plus, la production des pays riverains de la mer Noire est sujette à d’assez fortes fluctuations. Le marché restera donc accessible, notamment pour les blés français. Ce débouché devrait néanmoins être plus variable en volume. Ce serait en fait une accentuation de la tendance actuelle. En effet, le blé russe est, par exemple, bien implanté en Egypte depuis deux ans, ce qui a déjà renforcé la concurrence. Notons à cet égard que la Russie vient de relever ses prévisions d’exportations de 10 à 12 Mt pour 2005/2006. Par ailleurs, tous les opérateurs égyptiens ont désormais le droit d’acheter la production locale. Avec des rendements de l’ordre de 6 t/ha, la récolte nationale atteint 5 à 6 Mt. Mais les répercussions sur les besoins d’importations devraient être inférieures à 500.000 t et donc ne pas trop perturber les marchés mondiaux.

Saisir les opportunités d’exportation dès le début de campagne

Selon certains spécialistes, pour profiter du débouché égyptien, les Français auront intérêt à vendre à l’export dès juillet en proposant des prix agressifs, selon les configurations des marchés internationaux. A partir de fin août-début septembre en effet, les contrats de la mer Noire seront déjà bien engagés et il deviendra plus difficile de s’imposer avant la période de fin de campagne. Mais, il faut— comme c’est le cas aujourd’hui— intégrer un autre paramètre dans ces perspectives : le jeu de l’évolution des parités monétaires qui vient influer sur l’équilibre des marchés et parfois changer la donne.

Le Caire n’a pas encore fait part de ses décisions concernant un éventuel rééquilibrage entre secteur public et privé dans la gestion des importations, et donc sur le devenir du Gasc. Le verdict devrait tomber avant la prochaine campagne.

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