Course contre la montre à l’OMC
Le président du Comité des négociations agricoles de l’Organisation mondiale du commerce doit présenter cette semaine un projet de compromis révisé
Projet.Crawford Falconer a le couteau sous la gorge ! Il doit en effet présenter cette semaine un projet de compromis révisé, après avoir encore une fois réuni les 8 et 9 mai derniers le comité des négociations agricoles de l’OMC qu’il préside.
Ce calendrier serré représente un compromis entre les pays membres qui veulent plus de temps et ceux qui ne veulent plus attendre, et reflète la course contre la montre à laquelle tous sont soumis. C’est dans ce même délai que doit être présenté, parallèlement, un projet révisé sur les échanges de produits industriels.
Un compromis sous pression
L’Australie, le Brésil, le Canada, l’UE et le Japon ont soumis le 30 avril à Genève un texte révisé sur les formules permettant d’évaluer la consommation intérieure d’un produit (catégorie, sous-catégories), afin de calculer le quota d’importation tarifaire qui lui sera appliqué s’il est classé comme “sensible”.
Plusieurs pays en développement se sont toutefois opposés au traitement spécial qui serait accordé aux fruits et légumes (sous-catégories très détaillées). S’il en est ainsi, ont objecté la Chine et l’Inde, la liste des produits spéciaux, pour lesquels les pays en développement pourront appliquer une baisse des droits de douane inférieure à la normale, devrait être taillée sur-mesure, en fonction des besoins des Etats concernés.
Le comité des négociations agricoles de l’OMC doit aussi trouver un compromis sur la liste des produits tropicaux, qui seraient soumis à des réductions tarifaires plus fortes et plus rapides, et sur celle des produits préférentiels, qui feraient l’objet du traitement inverse. Le problème est que ces deux listes se chevauchent parfois, et que certains produits tropicaux sont également “sensibles” pour des pays importateurs en développement . C’est notamment le cas pour des produits stratégiques, comme peut l’être la banane. Des pays producteurs d’Afrique, Caraïbes et Pacifique ont d’ailleurs prévenu qu’une remise en question du régime d’importation européen les amèneraient à s’interroger sur l’intérêt de poursuivre la négociation à l’OMC.
La crise alimentaire en toile de fond
Par ailleurs, la Suisse et le Japon ont présenté le 30 avril à l’OMC une proposition destinée à limiter le recours aux restrictions ou interdictions des exportations agricoles, en cas de crise alimentaire.
Ce projet a été fraîchement accueilli. Il a notamment été vigoureusement critiqué par des pays en développement, dont ceux du G20, menés par le Brésil et l’Inde.
« Je pense que nous avons de bonnes chances d’avoir une réunion ministérielle pour conclure positivement (le cycle de Doha) avant la fin juillet », a pronostiqué l’ambassadeur de l’Uruguay à l’OMC, Guillermo Valles, lors d’une intervention à Washington le 30 avril.
A Genève, on estime que cette réunion, visant à arrêter les grandes lignes d'un compromis sur les modalités de libéralisation des échanges en agriculture et pour les produits industriels (NAMA), pourrait se tenir soit fin mai ou début juin, soit en juillet.
Pour organiser à Genève une rencontre à ce haut niveau, le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, doit faire face, entre autres, à des contraintes logistiques liéesau Championnat d’Europe des nations de football (Euro 2008), qui se déroulera en Autriche et en Suisse du 7 au 29 juin.
Fischer Boel : le compromis devra « couvrir tous les sujets »
« Nous savons bien que les semaines et les mois qui viennent seront décisifs pour que le cycle de Doha, en tant qu’engagement unique, puisse être conclu d’ici la fin de l’année, ce qui est un objectif essentiel, pour l’UE au moins », a déclaré pour sa part Mariann Fischer Boel le 6 mai, devant la commission de l’agriculture du Parlement européen.
« Sur la route vers de possibles modalités (compromis), il y a encore de difficiles questions pendantes qui ne sont toujours pas mûres pour une implication ministérielle »,a expliqué la commissaire européenne à l’agriculture.
« C’est en particulier le cas des produits tropicaux et de l’érosion des préférences. Ces questions doivent progresser avant que l’ambassadeur Falconer puisse être en mesure de mettre sur la table son dernier projet de texte sur les modalités, en même temps que celui sur les NAMA. Sur cette base, le processus horizontal pourrait démarrer au niveau des hauts fonctionnaires, avant d’en arriver au niveau des ministres », a-t-elle ajouté.
« Tout compromis qui pourrait être atteint doit être global et couvrir tous les sujets clairement intéressants pour l’Union européenne », a également réaffirmé Mariann Fischer Boel devant les députés. « L’ambition en agriculture doit être pleinement contrebalancée par les autres secteurs en négociation, dont les NAMA, les services et les règles commerciales, de même que les indications géographiques ».