Biocarburants : « La critique du B100 et de l’HVO par l’État est incompréhensible, à la limite de l’inacceptable »
La filière biocarburants ainsi que les acteurs du transport routier de marchandises sont vent debout contre un récent rapport de la Direction générale des entreprises (DGE) qui considère la solution électrique comme la seule souhaitable pour la décarbonation du fret routier.
La filière biocarburants ainsi que les acteurs du transport routier de marchandises sont vent debout contre un récent rapport de la Direction générale des entreprises (DGE) qui considère la solution électrique comme la seule souhaitable pour la décarbonation du fret routier.

Pour Benjamin Lammert, président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP) et de Terres Univia, le dernier rapport publié par la DGE sur la décarbonation du fret routier qui décrie les biocarburants au profit de l’électrique est « incompréhensible, à la limite de l’inacceptable ». Dans ce document, qui « ne présente pas de recommandations en matière de politiques publiques, ou de prévisions concernant l’évolution des mix énergétiques des flottes françaises de poids lourds », les différentes alternatives au diesel pour le transport par camion sont classées selon leur intérêt environnemental, par rapport à l’offre actuelle (investissements…) et pour la souveraineté économique et énergétique française. Le document juge les solutions à base de biocarburants (B100 et HVO) peu performantes par rapport à l’électrique sur le plan de l’impact environnemental et de la souveraineté économique et énergétique de la France. Les réactions de la profession ne se sont pas faites attendre, que ce soit de la part des producteurs d’huiles végétales comme Saipol, des chargeurs ou des transporteurs routiers. Ceux-ci ont publié un communiqué conjoint le 29 juillet dernier.
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Pour la filière, les biocarburants sont une solution d’accélération de la décarbonation dont la mise en place est plus aisée
Le rapport de la DGE reconnaît aux biocarburants l’avantage d’un prix d’acquisition des camions plus faible que l’électrique. Selon le président de la FOP, « les biocarburants, en particulier le B100, sont une solution technique d’accélération pour la décarbonation du transport lourd, avec un impact fort sur un secteur dur à décarboner ». Même son de cloche du côté de la filière du transport routier : « Encouragées depuis des années par l’Etat, ce sont pourtant des solutions éprouvées, réellement décarbonantes, immédiatement disponibles, et adoptées par de nombreux transporteurs et chargeurs, tant pour le compte propre que pour le compte d’autrui », affirme le communiqué conjoint d’Estérifrance, France mobilité biogaz, Ufip énergies et mobilités, l’Otre (Organisation des transporteurs routiers européens), la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) et l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret).
En effet, dans le secteur céréalier, nombre d’acteurs ont déjà investi dans les biocarburants pour la décarbonation de la filière. L’année dernière, Dijon céréales avait ainsi investi avec Scania dans un camion hybride Oléo100-électrique pour l’activité de la plateforme d’approvisionnement agricole de Longvic. Lors du salon des transports et de la logistique (SITL) au printemps dernier, Samuel Carpentier, responsable logistique chez Intercéréales, avait également évoqué l’engagement de la filière dans le transport via des camions utilisant des biocarburants. Enfin, Bruno Bouvat-Martin, élu d’Intercéréales en charge de la logistique, nous confiait il y a un mois l’intérêt de la filière pour le HVO et le B100 comme carburants pour les péniches, des solutions pour lesquelles les différents intervenants de l’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France soulignaient la nécessité de se battre, fin juin dernier.
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Les opérateurs défendent l’intérêt des biocarburants pour la souveraineté énergétique française
Si comme le signale le rapport de la DGE, le HVO est importé à plus de 90 %, le B100 présente de nombreux avantages. « Le biodiesel représente un tiers de la valorisation du colza en France, sans concurrence avec le débouché alimentaire », précise Benjamin Lammert. De plus, le président de la FOP signale la stagnation du débouché alimentaire pour les huiles végétales (colza/tournesol) : « La consommation baisse en huiles alimentaires, les gens diminuent leurs achats d’huile ou se tournent vers l’huile d’olive. Le marché ne va pas se développer ».
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Pour Benjamin Lammert, ce rapport revient à défendre le fossile
Selon le président de la FOP, le fait de dire que les alternatives au fossile ont des limites revient à défendre le fossile. « On se fait torpiller. C’est incompréhensible et inadmissible », déplore-t-il. Par ailleurs, celui-ci craint également pour les conséquences sur la souveraineté énergétique française. « Cela pourrait se traduire par une hausse des importations d’énergie. Est-ce un cadeau fait aux États-Unis sur le dos des agriculteurs ? », s’insurge-t-il.
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Derrière la critique des biocarburants par le gouvernement, le spectre de la suppression du rabais de la TICPE accordé aux entreprises utilisatrices de biocarburants
Lors de l’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France, le sujet avait déjà été abordé par les professionnels du transport fluvial, qui craignaient fortement un retour en arrière sur le rabais de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) accordé notamment aux entreprises utilisatrices de B100. Selon Fabien Hillairet, fondateur de Greenea, une entreprise de courtage en biocarburants et analyse sur ce marché, les utilisations de HVO devraient représenter 200 000 m3 en 2025 et le double pour le B100, contre 9 à 10 millions de m3 pour le diesel. « Le gouvernement pousse à l’électrification de la flotte de poids lourds. Y aura-t-il une évolution sur le rabais de TICPE en 2026 avec la loi finances ? », s’interroge-t-il.
La filière a déjà pris rendez-vous avec les ministres concernés
Une porte-parole de l’AUTF nous confirmait que la structure avait d’ores et déjà prévu des rendez-vous avec les ministères concernés, à savoir ceux de l’agriculture, de la transition écologique et de l’économie. La situation devrait avancer à la rentrée. « Le ministère de l’Agriculture connaît le secteur et sera prêt à nous défendre, mais c’est un sujet interministériel et il restera à convaincre Bercy et Matignon », explique Benjamin Lammert. Un point d’espoir réside dans le fait que le fameux rapport ne résulte pas d'une commande ministérielle.